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02/03/2023 | FRANCE | N°21BX00486

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 mars 2023, 21BX00486


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E..., après transmission de sa demande au tribunal administratif de Poitiers par une ordonnance du 26 juillet 2019 de la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris, a demandé au tribunal d'annuler la décision du 18 avril 2019 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de son diplôme étranger de psychologue niveau M2 délivré conjointement par l'école Niccolo Cusano Italia à Paris

(NCI Ecole de Paris) et l'université privée italienne Unicusano.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E..., après transmission de sa demande au tribunal administratif de Poitiers par une ordonnance du 26 juillet 2019 de la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris, a demandé au tribunal d'annuler la décision du 18 avril 2019 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de son diplôme étranger de psychologue niveau M2 délivré conjointement par l'école Niccolo Cusano Italia à Paris (NCI Ecole de Paris) et l'université privée italienne Unicusano.

Par un jugement n° 1901836 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision, a enjoint à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de procéder au réexamen de sa demande de reconnaissance de diplôme dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2021 et des mémoires enregistrés les 16 mai 2022 et 28 juillet 2022, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme E....

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en retenant que l'administration avait soumis à tort l'examen du dossier de Mme E... à la vérification de son droit à exercer la profession de psychologue sur le territoire italien et ont " dénaturé " ses écritures sur la contestation de l'argumentation de Mme E... quant au champ d'application des dispositions du II de de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 et la réponse qu'elle a apportée sur la nécessité de produire une attestation d'autorisation d'exercice ;

- le tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits en considérant que le diplôme en psychologie obtenu par la délivrance de 60 unités d'enseignements capitalisables et transférables (ECTS) était équivalent au diplôme français ;

- pour les motifs développés dans ses mémoires de première instance, le diplôme détenu par Mme E... ne lui permettait pas d'accéder à la profession de psychologue dans l'Etat d'origine de son diplôme, l'Italie ;

- l'examen de l'équivalence du diplôme de Mme E... avec les diplômes nationaux exigés pour l'exercice de la profession de psychologue devait donc être effectué sur le fondement du I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985, en vérifiant concrètement le contenu de la formation y conduisant ;

- pour les raisons exposées dans ses écritures de première instance, aucun élément ne permet d'établir que les enseignements dispensés dans le cadre du diplôme italien de l'Unicusano seraient équivalents aux enseignements dispensés dans le cadre des diplômes nationaux ; la NCI Ecole de Paris a dispensé des formations à la rentrée 2017-2018 avant même la signature de la convention avec l'Unicusano le 8 novembre 2019 ; un enseignement à distance d'un niveau master ne peut être une simple plateforme de suivi de vidéos ou supports divers en ligne sans contact direct avec un enseignant avec un mode d'évaluation exclusivement organisé sous forme de questionnaires à choix multiples pour chacune des matières et de tests d'autoévaluation ; au demeurant 12 crédits ECTS ont été attribués à une épreuve finale ne se rapportant à aucun enseignement particulier de sorte que l'année d'étude validée ne peut être assimilée à une année de niveau master.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 juillet 2021, 14 décembre 2021 et 23 septembre 2022, Mme E..., la Niccolo Cusano Italia (NCI) Ecole de Paris et l'association Universita degli studi Niccolo Cusano telematica Roma (Unicusano), représentées par Me Seno, concluent, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de procéder au réexamen de la demande de reconnaissance du diplôme de psychologue délivré à Mme E..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les moyens nouveaux dans l'appréciation de l'équivalence du diplôme tirés de l'inopérance des ECTS, du caractère distanciel de la formation, du mode d'évaluation sous forme de questionnaires à choix multiples et de l'attribution de 12 ETCS qui ne se rapporterait à aucun enseignement particulier doivent être regardés comme tardifs et par suite irrecevables ;

- les autres moyens soulevés par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 août 2022 la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2022.

Un mémoire présenté pour la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, a été enregistré le 30 décembre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ;

- la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 ;

- le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 ;

- le décret n° 2003-1073 du 14 novembre 2003 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- l'arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d'organisation et de validation du stage professionnel prévu par le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 modifié fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... F...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Hardouin, représentant Mme E..., la Niccolo Cusano Italia (NCI) Ecole de Paris et l'association Universita degli studi Niccolo Cusano telematica Roma (Unicusano).

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., lauréate d'un diplôme de niveau master 2 en " psychologie clinique et de la rééducation " obtenu en décembre 2018 auprès de la Niccolo Cusano (NCI) Italie Ecole de Paris a demandé la reconnaissance de ce diplôme italien auprès de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en vue d'exercer la profession de psychologue en France. Par une décision du 18 avril 2018, après un avis défavorable de la commission chargée de se prononcer sur l'équivalence des diplômes, réunie le 5 avril 2019, la ministre a rejeté la demande de l'intéressée. Saisi par Mme E... ainsi que par la NCI Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome (Unicusano), en qualité d'intervenants à l'instance, le tribunal administratif de Poitiers, par un jugement du 10 décembre 2020, a annulé cette décision et a enjoint à la ministre de procéder aux réexamen de la demande présentée par Mme E... tendant à la reconnaissance de son diplôme de psychologue, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 13 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles : " Conditions de la reconnaissance /1. Lorsque, dans un État membre d'accueil, l'accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées, l'autorité compétente de cet État membre accorde l'accès à cette profession et son exercice dans les mêmes conditions que pour les nationaux aux demandeurs qui possèdent l'attestation de compétences ou le titre de formation qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l'y exercer. Les attestations de compétences ou les titres de formation doivent remplir les conditions suivantes : / a) avoir été délivrés par une autorité compétente dans un État membre, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet État ; / b) attester d'un niveau de qualification professionnelle au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui exigé dans l'État membre d'accueil, tel que décrit à l'article 11. (...) ". Aux termes de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social : " I - L'usage professionnel du titre de psychologue, accompagné ou non d'un qualificatif, est réservé aux titulaires d'un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle et figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat ou aux titulaires d'un diplôme étranger reconnu équivalent aux diplômes nationaux exigés. (...) / II. - Peuvent être autorisés à faire usage professionnel du titre de psychologue par le ministre chargé de l'enseignement supérieur les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui, sans posséder l'un des diplômes, certificats ou titres mentionnés au I, ont suivi avec succès un cycle d'études les préparant à l'exercice de la profession et répondant aux exigences fixées par voie réglementaire, et qui sont titulaires : / 1° D'un ou plusieurs diplômes, certificats ou autres titres permettant l'exercice de la profession dans un Etat membre ou un Etat partie qui réglemente l'accès ou l'exercice de la profession, délivrés : / a) Soit par l'autorité compétente de cet Etat et sanctionnant une formation acquise de façon prépondérante dans un Etat membre ou un Etat partie. (...) ". Aux termes de l'article premier du décret du 22 mars 1990 fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue, dans sa version applicable : " Ont le droit en application du I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 susvisée de faire usage professionnel du titre de psychologue en le faisant suivre, le cas échéant, d'un qualificatif les titulaires : / (...) / 5° De diplômes étrangers reconnus équivalents aux diplômes mentionnés au 1°, au 2° et au 3° par le ministre chargé de l'enseignement supérieur après avis d'une commission dont la composition est fixée par arrêté de ce ministre (...) ". Aux termes de l'article premier du décret du 14 novembre 2003 relatif aux conditions de délivrance de l'autorisation de faire usage professionnel du titre de psychologue, dans sa version applicable : " Les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne possèdent pas l'un des diplômes, certificats ou titres mentionnés au I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 susvisée peuvent être autorisés à faire usage professionnel du titre de psychologue par décision du ministre chargé de l'enseignement supérieur prise après avis de la commission mentionnée au 3° de l'article 1er du décret du 22 mars 1990 susvisé ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 8 novembre 2003 relatif à la composition du dossier et aux modalités d'organisation de l'épreuve d'aptitude et du stage d'adaptation prévues par le décret n° 2003-1073 du 14 novembre 2003 relatif aux conditions de délivrance de l'autorisation de faire usage professionnel du titre de psychologue prévue à l'article 44-II de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 modifiée, dans sa rédaction applicable au litige : " Le dossier mentionné à l'article 2 du décret du 14 novembre 2003 susvisé est adressé, par lettre recommandée avec accusé de réception, au ministre chargé de l'enseignement supérieur (direction de l'enseignement supérieur, sous-direction des certifications supérieures et doctorales). Il comprend les pièces suivantes : / (...) / 5° Une attestation délivrée par la structure de formation indiquant le contenu des études et des stages effectués pendant la formation initiale avec le nombre d'heures annuelles par matière pour les enseignements théoriques, l'initiation à la recherche, la durée des stages et le secteur dans lequel ils ont été réalisés ; / 7° Une attestation, le cas échéant, de l'autorité compétente de l'Etat membre justifiant l'exercice de la profession de psychologue avec indication de la durée (...) ".

3. Pour annuler la décision du 18 avril 2019, les premiers juges ont estimé que la ministre avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en retenant que la formation dispensée par la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris n'offrait pas les garanties de formation exigées par le système universitaire français alors que le diplôme en psychologie obtenu par la requérante avait conduit à la délivrance de 60 ECTS correspondant à au moins 1 500 heures de formation. Ils ont également jugé que la ministre avait commis une erreur de droit en exigeant de la requérante la production d'un document attestant de la possibilité d'exercer la profession de psychologue en Italie alors que la production d'une telle attestation n'était pas requise pour instruire la demande de Mme E....

4. En premier lieu, il résulte des termes du II de l'article 44 de la loi n° 85-772 du

25 juillet 1985, que l'autorisation accordée, sur le fondement de ces dispositions, à un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne de faire usage professionnel du titre de psychologue est subordonnée à la condition que le diplôme dont il est titulaire lui permette l'exercice de la profession dans un Etat membre ou un Etat partie règlementant l'accès à cette profession. Par suite c'est à juste titre que la ministre, qui était saisie d'une demande d'autorisation d'usage du titre de psychologue en France, a saisi les autorités italiennes par l'intermédiaire de l'IMI (International Information System), dépendant de la commission européenne, sur la question de savoir si le diplôme de l'Unicusano, dont Mme E... est titulaire, lui ouvrait droit à exercer la profession de psychologue sur tout le territoire italien. Et dès lors que ces autorités lui ont répondu que l'exercice effectif de cette profession en Italie était subordonné à l'obtention d'un diplôme d'Etat après un stage probatoire d'un an, sans qu'il apparaisse par ailleurs, ni qu'il soit jamais allégué, que ce diplôme conférerait le droit d'exercer cette profession dans un autre État de l'Union européenne, la ministre a, à juste titre également, estimé qu'elle ne pouvait accorder à l'intéressée l'autorisation sollicitée sur le fondement de ces dispositions du II de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985. Ce faisant, la ministre n'a pas imposé le respect d'une condition supplémentaire non prévue par la loi, mais a simplement établi que les conditions posées par le 1° du II de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 n'étaient pas satisfaites sans que l'intéressée ne puisse utilement se prévaloir d'une modification de la législation italienne postérieure à l'intervention de la décision attaquée. La décision attaquée n'est donc pas entachée d'erreur de droit à cet égard.

5. En deuxième lieu, dès lors que les dispositions du 1° du II de l'article 44 n'étaient pas applicables à la situation de Mme E..., il appartenait à la ministre pour se prononcer sur sa demande, de déterminer au regard des dispositions du I du même article, si le diplôme pouvait être considéré comme équivalent aux diplômes nationaux requis pour l'exercice de la profession de psychologue. Pour juger que la ministre avait à tort refusé de reconnaitre une telle équivalence, les premiers juges se sont notamment fondés sur le nombre d'unités d'enseignement capitalisables et transférables (ECTS) acquis au cours de cette formation. Or ces ECTS, issus de la décision n° 87/327/CEE du Conseil des communautés européennes du 15 juin 1987, qui établit le programme d'action communautaire en matière de mobilité des étudiants (Erasmus), sont calculés en fonction de la charge de travail, chaque semestre d'enseignement poursuivi permettant d'accumuler un nombre déterminé de crédits ECTS, lesquels ont seulement pour objet de permettre aux étudiants suivant ou ayant accompli un cycle d'enseignement et de formation supérieurs d'obtenir des crédits au titre de ces formations accomplies dans des universités d'autres États membres, afin notamment de pouvoir ensuite poursuivre leurs études dans un autre État membre. Ils ne permettent pas, en revanche, de présumer du contenu de la formation suivie ni, par suite, d'établir que le diplôme obtenu à l'issue de la formation ayant permis l'accumulation de ces crédits ECTS devrait être reconnu équivalent aux diplômes nationaux exigés pour permettre l'exercice en France d'une profession règlementée, telle que la profession de psychologue. Il ressort de l'avis de la commission chargée de se prononcer sur l'équivalence des diplômes étrangers en psychologie qui s'est réunie le 5 avril 2019, que Mme E... n'a pas produit les éléments permettant d'apprécier le contenu des enseignements suivis et que le nombre d'heures de stage pouvant être regardé comme validé (208 heures) était insuffisant. Contrairement à ce que soutient Mme E..., la seule production de son relevé de notes reprenant la liste des enseignements suivis sans précision quant au contenu des matières et aux modalités d'évaluation, ne pouvait suffire pour permettre à la ministre d'apprécier le caractère équivalent des enseignements dispensés alors en outre que le site internet de l'établissement ne comportait pas ces informations à la date de la décision attaquée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, que le stage professionnel dont se prévaut Mme E... au titre de son diplôme de M2 aurait été validé dans des conditions équivalentes à celles prévues par l'arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d'organisation et de validation du stage professionnel prévu par le décret n°90-255 du 22 mars 1990. Ainsi ce diplôme ne peut être regardé, pour l'application du I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 relatif aux conditions d'autorisation de l'usage professionnel du titre de psychologue, comme équivalent au diplôme français de psychologue qui ouvre droit par lui-même à l'usage professionnel de ce titre. Par suite, c'est à juste titre que la ministre a retenu, que ce diplôme ne présentait pas les garanties suffisantes pour qu'il puisse être fait droit à la demande de l'intéressée.

6. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son recours, la ministre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a prononcé l'annulation de sa décision du 18 avril 2019.

7. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens de première instance et d'appel de Mme E....

8. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " À compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...)2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs,(...) ". Il ressort de l'article 1er de la décision du 5 février 2019, publié au Journal Officiel le 14 février novembre suivant, et librement accessible sur le site Légifrance, que M. C... D..., attaché d'administration principal de l'Etat, chef du département des formations des cycles master et doctorat, à la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, disposait d'une délégation à l'effet de signer au nom de la ministre chargée de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite des attributions du département des formations des cycles master et doctorat. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée manque en fait.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 26 décembre 1990 : " La commission chargée de donner un avis sur le niveau scientifique des diplômes étrangers en psychologie dont les titulaires demandent à faire usage du titre de psychologue dans les conditions prévues soit à l'article 1er du décret n° 90-255 du 22 mars 1990 susvisé, soit à l'article 3 du décret n° 90-259 du 22 mars 1990 susvisé, comprend de neuf à dix-huit membres, dont :/- deux tiers d'enseignants-chercheurs choisis pour leur compétence dans l'un des domaines de la psychologie, leur expérience du fonctionnement des diplômes nationaux et leur connaissance des systèmes de formation étrangers ;/- un tiers de psychologues, proposés par les organisations professionnelles les plus représentatives.(....) ".

10. Il ressort de l'arrêté du 20 juin 2017, produit devant les premiers juges et portant désignation des membres de cette commission, que celle-ci comportait douze enseignants-chercheurs, et, en qualité de psychologues proposés par des organisations professionnelles, six personnes, qui représentaient donc bien le tiers des enseignants-chercheurs. Le ministre a également produit l'avis de la commission qui s'est réunie le 5 avril 2019 pour émettre un avis sur la demande de Mme E..., ainsi que la feuille d'émargement, qui comporte la signature de douze des dix-huit membres de cette commission, établissant ainsi que le quorum était atteint. Ainsi, et alors qu'aucune disposition applicable n'imposait au ministre de communiquer à Mme E... l'avis de la commission, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.

11. En troisième lieu, la décision contestée vise les textes législatifs et règlementaires dont elle fait application, notamment l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 ainsi que l'avis défavorable de la commission chargée, d'émettre un avis sur l'équivalence des diplômes étrangers en psychologie réunie le 5 avril 2019 et précise d'une part, que la formation suivie à l'université privée Niccolo Cusano installée à Paris et à Rome n'offrait pas les garanties de formation exigées dans le système universitaire français, et, d'autre part, que, comme l'ont confirmé les autorités italiennes, les diplômes obtenus par l'intéressée ne permettaient pas à eux seuls d'obtenir l'autorisation d'exercice de la profession de psychologue en Italie, celle-ci étant subordonnée à la réalisation d'un stage de douze mois et à la réussite d'un examen d'État. La décision en litige comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui la fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse doit être écarté.

12. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des écritures de la ministre qu'elle aurait exigé de Mme E... qu'elle produise l'attestation justifiant de l'exercice de la profession de psychologue prévue par le 7° de l'article 1er de l'arrêté du 8 novembre 2003 précité ou qu'elle justifie de l'accomplissement en Italie d'un stage de douze mois, lui imposant ainsi une condition supplémentaire non prévue par les textes mais a simplement établi ainsi qu'il a été dit au point 4 que les conditions posées par le 1° du II de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 n'étaient pas satisfaites. Pour les mêmes motifs, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision de la ministre instaurerait une inégalité de traitement au détriment des demandeurs étrangers ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé l'annulation de sa décision du 18 avril 2019. Elle est par suite fondée à demander l'annulation de ce jugement dans cette mesure, ainsi que le rejet de la demande de première instance de Mme E....

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1901836 du 10 décembre 2020 du tribunal administratif de Poitiers sont annulés.

Article 2 : La demande de Mme E... présentée devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à Mme B... E..., à la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et à l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

La rapporteure,

Birsen F...Le président,

Jean-Claude PauzièsLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00486
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : LLC ET ASSOCIES PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-02;21bx00486 ?
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