Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Fonds de dotation Sœur Josefa Menendez et la SAS Sodeval ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 19 septembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a interdit la recherche réalisée sur la personne humaine qu'ils mettaient en œuvre, non autorisée en amont.
Le Fonds de dotation Sœur Josefa Menendez a également demandé au tribunal, dans une seconde requête, d'annuler la décision du 27 septembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a suspendu la fabrication, la préparation, l'importation, l'exploitation, l'exportation, la distribution en gros, le conditionnement, la conservation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la publicité, l'utilisation, la prescription, la délivrance et l'administration de patchs transdermiques contenant de la Valentonine ou du 6-Méthoxy-Harmalan, par l'association Fonds Josefa.
Par un jugement n° 1902494, 1902874 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2020, le Fonds de dotation Sœur Josefa Menendez, la SAS Sodeval et l'association Maluval, représentés par la SELARL Pierre Fribourg - Marc Fribourg, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 juillet 2020 ;
2°) d'annuler les décisions de l'ANSM des 19 et 27 septembre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'ANSM une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les " entiers dépens ".
Ils soutiennent que :
- le tribunal a relevé d'office le moyen tiré de ce que l'ANSM se trouvait en situation de compétence liée sans en avoir informé au préalable les parties ; le jugement est entaché d'irrégularité pour méconnaissance du principe du contradictoire ;
- en l'absence de situation de compétence liée, les moyens tirés des vices de forme et de procédure et d'erreur de droit, invoqués en première instance, devaient être examinés ;
- la décision du 19 septembre 2019 est insuffisamment motivée ; l'ANSM ne vise pas le texte législatif l'autorisant à interdire l'essai clinique réalisé sur la personne humaine, et ne communique pas le rapport d'inspection sur lequel elle a fondé sa décision ; en outre, elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;
- l'Agence n'a pas invité le Pr. C... à présenter des observations sur le rapport de l'inspection réalisée au sein du laboratoire Atlanbio ;
- la décision du 19 septembre ne pouvait être fondée sur l'article L.1123-11 du code de la santé publique, dès lors que cette disposition ne s'applique que dans les cas où la recherche sur la personne humaine a été préalablement autorisée par l'ANSM ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que l'ANSM n'a pas démontré l'existence d'un danger grave ou d'une suspicion de danger grave, condition posée à l'article L. 5312-1 pour interdire les essais cliniques ;
- la décision du 27 septembre 2019 est entachée d'un vice de procédure, l'ANSM, qui ne justifie pas d'une situation d'urgence contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, s'étant dispensée de recueillir au préalable leurs observations ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que les deux substances naturelles contenues dans les patchs transdermiques ne peuvent être qualifiées de médicaments ; il s'agit de dispositifs médicaux ; l'article L.5312-2 du code de la santé publique, qui ne concerne que les médicaments, ne pouvait donc fonder l'interdiction de diffusion ;
- elle est entachée d'une seconde erreur de droit, l'article L. 5312-2 du code de la santé publique n'étant pas applicable en l'absence de mise sur le marché de la valentonine ; aucun patch n'a été proposé à la vente, et aucun n'est librement accessible ;
- dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait pas l'appellation de dispositif médical, la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) pourrait être saisie afin qu'elle se prononce sur la qualification de la valentonine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2021, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), représentée par Me Occhipinti, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- en invoquant, dans ses écritures de première instance, l'existence d'un risque imminent, elle soutenait être en situation de compétence liée ; ce moyen n'a donc pas été soulevé d'office par les premiers juges ;
- la recherche menée par le Professeur C... constitue une recherche impliquant la personne humaine au sens du 1° de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique, et elle était tenue d'interrompre une recherche conduite dans des conditions gravement illégales ;
- la décision du 19 septembre 2019 est suffisamment motivée et l'absence de communication du rapport d'inspection est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation ;
- le rapport d'inspection du laboratoire Atlanbio n'avait pas à être communiqué au Professeur C... afin de recueillir ses observations ;
- l'existence d'un risque imminent a justifié que n'aient pas été recueillies au préalable les observations du promoteur de la recherche ; la sécurité et la qualité des patchs n'ayant pu être évaluées, il existait un risque pour la santé des patients, d'autant plus que ces derniers pouvaient présenter une fragilité physique ou une vulnérabilité accrue ; l'absence de réponse du Professeur C... à la convocation de juin et le fait qu'il ait nié la réalisation d'un essai justifiaient également l'urgence à intervenir ;
- elle pouvait légalement fonder sa décision sur les articles L. 1121-1, L. 1121-4, L.1123-8 et L. 1123-11 du code de la santé publique ;
- la décision du 27 septembre 2019 n'est pas entachée d'un vice de procédure ; l'urgence, caractérisée par l'administration de substances dont les bénéfices et risques n'ont pas été évalués à des patients fragiles, justifiait que ne soit pas réalisée de procédure contradictoire préalable ; la lettre ouverte du 20 septembre 2019 du Professeur C... a conduit l'Agence à prendre une mesure supplémentaire après la décision d'interdiction de la recherche ;
- les patchs étant présentés comme ayant des propriétés curatives, ils doivent être qualifiés de médicaments ; les requérants ne peuvent invoquer la qualification d'autres substances pour remettre en cause ce constat ; ils ne peuvent être qualifiés de dispositifs médicaux dès lors qu'ils ne disposent pas d'un mode d'action principal mécanique ; la circonstance que ces patchs n'aient pas été mis sur le marché est indifférente puisque la distribution d'un médicament à titre gratuit est également soumise à autorisation ;
- il n'y a pas lieu de poser de questions préjudicielles à la CJUE dès lors que les dispositions applicables sont claires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... A...,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le Fonds de dotation " Sœur Josefa Menendez " est propriétaire de brevets déposés par M. C..., son président, relatifs à des patchs transdermiques délivrant, soit une association de deux hormones, la valentonine et le 6-méthoxy-harmalan (patchs dits mixtes), soit la valentonine seule (patchs dits simples), afin de remédier à un dysfonctionnement de la glande pinéale. Ces patchs étaient exploités par la SAS Sodeval, dont le dirigeant est également M. C.... L'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a été informée en juin 2019, dans le cadre du dispositif relatif aux lanceurs d'alerte, de ce que des patients avaient été approchés par le fonds de dotation afin de mettre en place un essai clinique pour démontrer les mérites des patchs cutanés dans le traitement des troubles du sommeil et de maladies neurodégénératives, notamment de Parkinson et d'Alzheimer. A la suite d'une inspection du laboratoire d'essai impliqué dans cette recherche, l'ANSM a considéré qu'une recherche impliquant la personne humaine avait été mise en œuvre sans autorisation préalable. Par décision du 19 septembre 2019, le directeur général de l'ANSM a interdit au fonds de dotation " Sœur Josefa Menendez " et à la société Sodeval de mener une telle recherche. En raison de l'absence de toute autorisation pour l'exploitation de ces produits qualifiés de médicaments, le directeur général de l'ANSM a, par une seconde décision du 27 septembre 2019, suspendu la fabrication, la préparation, l'importation, l'exploitation, l'exportation, la distribution en gros, le conditionnement, la conservation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la publicité, l'utilisation, la prescription, la délivrance et l'administration des patchs transdermiques contenant de la Valentonine ou du 6-Méthoxy-Harmalan développés par le fonds de dotation, jusqu'à leur mise en conformité avec la réglementation.
2. Le fonds de dotation " Sœur Josefa Menendez " et la société Sodeval ont saisi le tribunal administratif de Poitiers afin d'obtenir l'annulation de la décision du 19 septembre 2019. Le fonds de dotation a également saisi le tribunal d'une demande d'annulation de la décision du 27 septembre 2019. Après avoir joint les deux instances, le tribunal administratif de Poitiers a, par jugement du 23 juillet 2020, rejeté les deux demandes. Par la présente requête, le fonds de dotation, la société Sodeval, ainsi que l'association Maduval, qui était intervenante volontaire en première instance, demandent l'annulation de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ".
4. Ces dispositions, qui sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative, font obligation à la formation de jugement, lorsqu'elle entend soulever d'office un moyen qui n'a pas été invoqué par les parties ni relevé par son président avant l'audience, de rayer l'affaire du rôle de ladite séance et de communiquer le moyen aux parties.
5. Le juge ne peut se fonder, sans inviter les parties à présenter leurs observations, sur la situation de compétence liée dans laquelle se trouve l'administration s'il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des pièces du dossier que l'administration estimait être dans une telle situation.
6. Il ne ressort ni de la décision attaquée, ni des écritures produites en défense devant le tribunal, que l'ANSM se soit prévalue de ce qu'elle se trouvait en situation de compétence liée pour interdire la recherche impliquant la personne humaine. Si l'Agence fait valoir qu'elle avait souligné le risque imminent que représentait la poursuite de cette recherche non autorisée, ce moyen de défense n'a été développé que pour justifier l'absence de procédure contradictoire préalable. Par suite, en écartant pour ce motif les moyens soulevés par le fonds de dotation " Sœur Josefa Menendez " et la société Sodeval à l'encontre de la décision contestée, sans avoir rayé l'affaire et informé les parties de son intention, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité. Ce jugement doit donc être annulé en tant qu'il se prononce sur la requête n° 1902494.
7. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions du fonds de dotation " Sœur Josefa Menendez " et de la société Sodeval présentées à l'encontre de la décision du 19 septembre 2019, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.
Sur l'intervention de l'association Maluval au soutien des conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 septembre 2019 :
8. L'association Maluval, qui a pour objet social de " permettre à toute personne intéressée par les maladies neurodégénératives de soutenir à des fins thérapeutiques l'utilisation des patchs transdermiques contenant des hormones dénommées Valentonine et 6-Méthoxy-Harmalan " justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée. Ainsi, son intervention à l'appui de la requête formée par le fonds de dotation Sœur Josefa Menendez et la SAS Sodeval est recevable.
Sur la légalité de la décision du 19 septembre 2019 :
9. D'une part, aux termes de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales sont autorisées dans les conditions prévues au présent livre et sont désignées ci-après par les termes " recherche impliquant la personne humaine ". / Il existe trois catégories de recherches impliquant la personne humaine : / 1° Les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle (...) ". Aux termes de l'article L. 1123-8 de ce code : " Nul ne peut mettre en œuvre une recherche mentionnée au 1° de l'article L. 1121-1 sans autorisation de l'autorité compétente délivrée dans un délai fixé par voie réglementaire. (...) ". Aux termes du I de l'article L. 1123-12 du même code : " L'autorité compétente pour les recherches impliquant la personne humaine prévues à l'article L. 1121-1 est l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. ".
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 1123-11 de ce code : " L'autorité compétente peut, à tout moment, demander au promoteur des informations complémentaires sur la recherche. / En cas de risque pour la santé publique ou en cas d'absence de réponse du promoteur ou si l'autorité compétente estime que les conditions dans lesquelles la recherche est mise en œuvre ne correspondent plus aux conditions indiquées dans la demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 1123-8 ou ne respectent pas les dispositions du présent titre, elle peut à tout moment demander que des modifications soient apportées aux modalités de réalisation de la recherche, à tout document relatif à la recherche, ainsi que suspendre ou interdire cette recherche. / Sauf en cas de risque imminent, une modification du protocole à la demande de l'autorité compétente ou une décision de suspension ou d'interdiction ne peut intervenir qu'après que le promoteur a été mis à même de présenter ses observations. (...) ". Aux termes de l'article R. 1123-64 de ce code : " En application du troisième alinéa de l'article L. 1123-11, sauf en cas de risque imminent, le promoteur dispose d'un délai d'une semaine pour présenter ses observations à compter, soit de la réception de la demande de modification du protocole, soit de la décision de suspension ou d'interdiction. ".
11. Il résulte des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 1123-11 du code de la santé publique qu'une décision d'interdiction de recherche impliquant la personne humaine doit en principe être précédée d'une procédure contradictoire, sauf en cas de risque imminent.
12. Pour soutenir l'existence d'un tel risque, l'ANSM se borne à souligner l'absence de tout élément d'information sur la qualité et la sécurité des patchs transdermiques utilisés, ne permettant pas d'exclure un risque pour la santé des patients, d'autre part, le fait que les participants à l'essai pouvaient, du fait de leur pathologie, présenter une fragilité physique et une vulnérabilité accrue. Toutefois, l'ANSM était informée depuis plus de trois mois des démarches entreprises, dont les premières remontaient à l'été 1998, et avait saisi dès le 28 juin 2019 le procureur de Poitiers et le pôle santé du parquet de Paris. Elle n'a pas sollicité une suspension des recherches le temps d'obtenir des précisions et n'allègue aucun incident de nature à permettre de concrétiser les risques éventuels qu'elle invoque. Dans ces conditions, elle ne justifie pas de l'imminence d'un risque de nature à faire obstacle à la mise en œuvre d'une procédure contradictoire sur la base des éléments recueillis lors de l'inspection du laboratoire missionné par la société Sodeval et M. C.... Par suite, la décision du 19 septembre 2019 est entachée d'un vice de procédure et doit être annulée.
Sur la légalité de la décision du 27 septembre 2019 :
13. D'une part, aux termes de l'article L. 5312-2 du code de la santé publique : " Sans préjudice des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsqu'un produit ou groupe de produits mentionné à l'article L. 5311-1 est mis sur le marché, mis en service ou utilisé sans avoir obtenu l'autorisation, l'enregistrement ou la certification préalable exigé par les dispositions législatives ou réglementaires applicables à ce produit ou groupe de produits, l'agence peut suspendre, jusqu'à la mise en conformité du produit ou groupe de produits au regard de la législation et de la réglementation en vigueur, les essais, la fabrication, la préparation, l'importation, l'exploitation, l'exportation, la distribution en gros, le conditionnement, la conservation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la publicité, la mise en service, l'utilisation, la prescription, la délivrance ou l'administration de ce produit ou groupe de produits. / Sauf en cas d'urgence, la personne physique ou morale concernée doit être mise à même de présenter ses observations avant l'intervention de ces mesures de suspension ". Parmi les produits mentionnés à l'article L. 5311-1, figurent les médicaments.
14. D'autre part, aux termes de l'article L. 5111-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. / (...) / Lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament. ".
15. Pour soutenir l'existence d'une urgence de nature à la dispenser de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 5312-2 précité, l'ANSM fait valoir que ces produits n'ont fait l'objet d'aucune autorisation justifiant de l'évaluation de leur qualité et de leur rapport bénéfices-risques favorable, qu'ils sont fabriqués, distribués et mis à disposition sans que leur promoteur ne dispose d'établissement pharmaceutique, qu'ils sont susceptibles de présenter un danger pour la santé humaine, d'autant qu'ils sont administrés à des personnes souffrant d'affections neurologiques graves, et que leur promotion est faite sur Internet sans que le fonds de dotation n'ait obtenu au préalable l'autorisation de diffuser une publicité pour un médicament. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 12 ci-dessus, l'ANSM était informée depuis plusieurs mois de l'existence d'une recherche menée par le Professeur C... et avait connaissance de l'existence du site Internet, dont M. C... avait lui-même évoqué l'existence dans son courrier du 22 juin 2019. Dans ces conditions, l'ANSM qui disposait du temps nécessaire pour recueillir les observations du Fonds de dotation, préalables à une éventuelle suspension de l'exploitation des patchs transdermiques, ne justifie pas d'une situation d'urgence la dispensant d'engager une procédure contradictoire. Le fonds de dotation, qui a ainsi été privé d'une garantie, est fondé à soutenir que la décision du 27 septembre 2019 est entachée d'un vice de procédure.
16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que le fonds de dotation " Sœur Josefa Menendez ", la société Sodeval et l'association Maluval sont fondés à demander l'annulation de la décision du 19 septembre 2019 et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 27 septembre 2019.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ANSM demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par l'association Maluval, qui n'était pas partie mais seulement intervenante dans l'instance n° 1902494 devant le tribunal administratif, ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'ANSM la somme que le fonds de dotation Sœur Josefa Menendez et la SAS Sodeval demandent au même titre.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : L'intervention de l'association Maluval au soutien des conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 septembre 2019 est admise.
Article 3 : Les décisions de l'ANSM des 19 et 27 septembre 2019 sont annulées.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Fonds de dotation Sœur Josefa Menendez, à la société Sodeval, à l'association Maluval et à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Délibéré après l'audience du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mars 2023.
Le rapporteur,
Olivier A...
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20BX03181