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15/02/2023 | FRANCE | N°21BX00656

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 15 février 2023, 21BX00656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal de Pau d'annuler la décision du 20 novembre 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la dixième section des Pyrénées-Atlantiques a autorisé l'association Action jeunesse innovation et réinsertion à le licencier.

Par un jugement n°1900179 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 février 2021 et 24 novembre 2022, l'associati

on Action jeunesse innovation et réinsertion (AJIR), représentée par Me Karoubi, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal de Pau d'annuler la décision du 20 novembre 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la dixième section des Pyrénées-Atlantiques a autorisé l'association Action jeunesse innovation et réinsertion à le licencier.

Par un jugement n°1900179 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 février 2021 et 24 novembre 2022, l'association Action jeunesse innovation et réinsertion (AJIR), représentée par Me Karoubi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de M. C... présentée en première instance ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association AJIR soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, les premiers juges ayant, d'une part, estimé à tort que le licenciement était justifié par une réorganisation de l'entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité alors que le motif de la demande de licenciement reposait sur la suppression de l'emploi causée par la suppression de la section de formation professionnelle de l'établissement, confrontée à des difficultés de recrutement d'élèves ; ils ont, d'autre part, estimé à tort que la suppression de la section " installations sanitaires " de l'établissement et, corrélativement, de l'emploi de

M. C... était, en l'absence de menace sur la compétitivité de l'association, subordonnée à l'existence de " difficultés économiques caractérisées " pour être regardée comme justifiant de retenir le motif économique du licenciement ; enfin, les premiers juges n'ont pas recherché si des " baisses de commandes " caractérisaient les difficultés économiques justifiant la suppression d'emploi ;

- le jugement est également entaché d'une erreur dans la qualification juridique des faits en ce que la réalité de la suppression de l'emploi de M. C... est établie ;

- elle a satisfait à son obligation en matière de reclassement du salarié ;

- les moyens soulevés par M. C... au soutien de sa demande d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2021, M. C..., représenté par la société civile professionnelle Camescasse-Abdi, avocat, conclut au rejet de la requête et ce que soit mise à la charge de l'association Action jeunesse innovation et réinsertion la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés ;

- le licenciement pour motif économique n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse dès lors que la suppression de son poste n'est pas justifiée ;

- l'association AJIR n'a pas satisfait à son obligation en matière de reclassement ;

- la procédure de consultation des représentants du personnel, requise préalablement à la fermeture de la section " installations sanitaires ", n'a pas été effective ;

- la décision de licenciement a été prise antérieurement à l'entretien préalable ;

- l'inspecteur du travail n'a pas vérifié la régularité de la convocation du comité d'entreprise ;

- ni la demande d'autorisation de licenciement, ni la décision de l'inspecteur du travail ne mentionne le caractère défavorable de l'avis du comité d'entreprise émis le 2 octobre 2018 ;

- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée en fait quant à la réalité du motif économique du licenciement ;

- l'inspecteur du travail n'a examiné ni le bien-fondé du motif de la demande d'autorisation de licenciement, ni son absence de lien avec son mandat.

La requête a été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été engagé le 15 octobre 1991 par l'association Action jeunesse innovation et réinsertion (AJIR) comme ouvrier professionnel, occupant en dernier lieu, depuis le 7 juin 2004, les fonctions d'éducateur technique de la section " installations sanitaires " du lycée professionnel privé et établissement d'éducation spécialisée Planterose de Moumour (Pyrénées-Atlantiques), maison d'enfants à caractère social appartenant à l'association. Le 1er juin 2017, M. C... a été élu en qualité de délégué du personnel titulaire de l'établissement Planterose. Par courrier du 5 octobre 2018, l'association AJIR a présenté une demande d'autorisation de licenciement de M. C... pour motif économique. Par une décision du 20 novembre 2018, l'inspecteur du travail de la dixième section des Pyrénées-Atlantiques a autorisé le licenciement de M. C.... Ce dernier a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de cette décision. Par un jugement du 15 décembre 2020 dont l'association AJIR relève appel, le tribunal a fait droit à sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : / 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. / (...) 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; (...) / La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. (...) ".

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.

4. Pour solliciter le licenciement de M. C... pour motif économique, l'association Action jeunesse innovation et réinsertion a fait valoir devant l'inspecteur du travail que la suppression du poste d'éducateur technique occupé par le salarié, consécutive à la fermeture de la section " installations sanitaires " de l'établissement Planterose, était justifiée par des difficultés de recrutement de jeunes dans cette section préparatoire au diplôme du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) / brevet d'études professionnelles (BEP) spécialité plomberie où était affecté M. C.... Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que le nombre d'élèves inscrits dans cette spécialité a diminué entre 2014 et 2018, un seul élève ayant envisagé de s'inscrire dans cette filière pour l'année scolaire 2018/2019. L'association requérante fait valoir que la diminution des inscriptions dans cette section, également observée dans d'autres centres de formation de la région, et malgré ses efforts pour y remédier, pèse sur l'activité du centre de jour de l'établissement, lequel propose deux autres formations qualifiantes, et se traduit par une baisse de financement par le département des Pyrénées-Atlantiques et le service de la protection judiciaire de la jeunesse, financement calculé en fonction des journées réalisées. Toutefois, s'il ressort effectivement du compte administratif relatif à l'exercice 2018 que le centre de jour a enregistré un déficit de 524 journées par rapport au budget prévisionnel, l'activité globale de l'établissement a été excédentaire pour cette année, enregistrant 1 543 journées supplémentaires par rapport au prévisionnel, grâce aux activités d'hébergement collectif et diversifié. En tout état de cause, l'appelante ne produit aucun élément permettant de considérer que la suppression de la filière plomberie de l'établissement Planterose répondrait à des difficultés économiques auxquelles serait confrontée l'association AJIR elle-même. En outre, il ressort de sa demande d'autorisation de licenciement que l'association a également fait valoir sa volonté de développer son projet de qualification dans les " métiers de bouche ". Dans ces conditions, et alors qu'elle se prévalait de ses obligations en matière de prévisions budgétaires pour la fixation des tarifs, découlant des dispositions du code de l'action sociale et des familles auxquelles est soumis l'établissement Planterose, les premiers juges ont pu, à bon droit, estimer que la suppression de la section plomberie, liée à une désaffection de cette filière, procédait d'une réorganisation mais qu'il n'était pas établi que cette réorganisation était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'établissement, encore moins de l'association, ce qu'aucun élément du dossier ne permet de contredire. Il s'ensuit que la réalité du motif économique allégué à l'appui de la demande d'autorisation du licenciement de M. C... n'était pas établie.

5. Il résulte de ce qui précède que l'association AJIR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a fait droit à la demande de M. C... et a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 20 novembre 2018 autorisant son licenciement.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association AJIR demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'association AJIR le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association AJIR est rejetée.

Article 2 : L'association AJIR versera au M. C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Action jeunesse innovation et réinsertion, à M. A... C..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine).

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

M. Anthony Duplan premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2023.

Le rapporteur,

Anthony B...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX00656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00656
Date de la décision : 15/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SCP CAMESCASSE ABDI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-15;21bx00656 ?
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