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15/02/2023 | FRANCE | N°21BX00428

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 15 février 2023, 21BX00428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... H... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 22 janvier 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section de l'unité départementale des Hautes-Pyrénées a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1801707 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 février 2021 et le 14 novembre 2022, l'association départementale des

amis et parents d'enfants inadaptés (ADAPEI) des Hautes-Pyrénées, représentée par Me Urrutiaguer,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... H... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 22 janvier 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section de l'unité départementale des Hautes-Pyrénées a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1801707 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 février 2021 et le 14 novembre 2022, l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés (ADAPEI) des Hautes-Pyrénées, représentée par Me Urrutiaguer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 15 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de Mme H... ;

3°) de mettre à la charge de Mme H... la somme de 3 500 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la requête de première instance est irrecevable dès lors qu'en cours d'instance devant le tribunal, la décision contestée a été retirée définitivement de l'ordonnancement juridique par une décision du ministre chargé du travail du 22 octobre 2018 ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit dans la mesure où, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la décision portant retrait de la décision en litige est devenue définitive dès lors qu'elle a été notifiée à Mme H... le 27 octobre 2018, l'absence de mention dans le corps de cette décision des voies et délais de recours ayant pour seule conséquence de rendre les délais de recours inopposables à l'intéressée ;

Sur le fond :

- le motif de la demande de licenciement de Mme H... résulte de son absence injustifiée, ce motif même non mentionné dans la demande de licenciement se déduit du simple exposé des faits ; la décision de l'inspecteur du travail n'est dès lors pas entachée d'erreur de droit, l'inspecteur ne s'étant nullement substitué à l'employeur pour définir le motif du licenciement sollicité ;

- la décision contestée a été signée par une autorité compétente ;

- la demande de licenciement a été présentée par une personne qui disposait d'une habilitation.

Par un mémoire enregistré le 9 novembre 2022, le ministre du travail du plein emploi et de l'insertion conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande de Mme H....

Il soutient que la requête de Mme H... présentée devant le tribunal était dépourvue d'objet, la décision en litige ayant été retirée définitivement de l'ordonnancement juridique par une décision du 22 octobre 2018 notifiée à l'intéressée et comportant les voies et délais de recours.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, Mme H..., représentée par Me Mesa, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H... est employée depuis novembre 2000 par l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés (ADAPEI) des Hautes-Pyrénées en qualité d'éducatrice spécialisée. Le 25 janvier 2017, elle a été désignée comme membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Par courrier du 22 décembre 2017, l'association ADAPEI des Hautes-Pyrénées a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier. Par une décision du 22 janvier 2018, l'inspecteur du travail de la 8ème section de l'unité départementale des Hautes-Pyrénées a autorisé le licenciement de Mme H... et elle a été licenciée le 31 janvier 2018. Le recours hiérarchique de Mme H... contre cette décision a été implicitement rejeté par le ministre chargé du travail. Par une décision expresse du 22 octobre 2018, le ministre a retiré sa décision implicite de rejet, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 22 janvier 2018 et a autorisé le licenciement de l'intéressée. Mme H... a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de la décision du 22 janvier 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement. Par un jugement du 15 décembre 2020, le tribunal a fait droit à sa demande. L'ADAPEI des Hautes-Pyrénées et le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sollicitent l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de Mme H....

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ". Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision. Le ministre chargé du travail peut légalement, dans le délai de recours contentieux, rapporter sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision, créatrice de droits, de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié protégé dès lors que ces deux décisions sont illégales.

3. D'autre part, lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.

4. Devant le tribunal, l'ADAPEI des Hautes-Pyrénées et le ministre chargé du travail ont fait valoir que la requête présentée par Mme H... était devenue sans objet au motif que, au cours de l'instance devant le tribunal, le ministre chargé du travail avait retiré sa décision implicite de rejet né du silence gardé sur le recours hiérarchique de l'intéressée, annulé la décision d'autorisation de licenciement en litige pour défaut de respect du principe du contradictoire et autorisé le licenciement de Mme H.... Pour écarter cette exception de non-lieu, les premiers juges ont estimé que : " s'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 22 octobre 2018, le ministre du travail doit être considéré comme ayant retiré la décision attaquée, cette autorité ne justifie pas des conditions de notification à Mme H... de cette décision, laquelle ne comporte par ailleurs pas la mention des voies et délais de recours. Dès lors, cette décision ne présente pas de caractère définitif, de sorte que la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant définitivement disparu de l'ordonnancement juridique. "

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision du 22 octobre 2018, par laquelle le ministre chargé du travail a annulé l'autorisation de l'inspecteur du travail du 22 janvier 2018 portant autorisation de licenciement de l'intéressée, a été notifiée à Mme H... par lettre recommandée avec accusé de réception le 27 octobre 2018 et que les voies et délais de recours étaient mentionnés dans le courrier de notification accompagnant cette décision. Il s'ensuit que le retrait de la décision de l'inspecteur du travail du 22 janvier 2018 était devenu définitif à la date du jugement du tribunal et que les conclusions de l'intéressée tendant à l'annulation de cette décision avaient perdu leur objet.

6. Il résulte de ce qui précède que l'ADAPEI des Hautes-Pyrénées et le ministre chargé du travail sont fondés à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a écarté l'exception de non-lieu opposé à l'encontre des conclusions de Mme H... dirigées contre la décision du 22 janvier 2018 et à en demander pour ce motif l'annulation. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur l'ensemble du litige.

Sur l'exception de non-lieu :

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que, le retrait de la décision de l'inspecteur du travail en date du 22 janvier 2018 étant devenu définitif, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme H... tendant à l'annulation de cette décision.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 3, que la requête doit être regardée comme tendant également à l'annulation de la décision du ministre chargé du travail en date du 22 octobre 2018, en tant qu'elle autorise le licenciement de Mme H.... La requête de Mme H... conserve donc dans cette mesure, un objet.

Sur la légalité de la décision du 22 octobre 2018 :

9. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de l'inspecteur du travail en date du 22 janvier 2018 tirés de l'incompétence de son auteur, de l'insuffisance de motivation et de l'erreur de fait sont inopérants à l'encontre de la décision du ministre chargé du travail en date du 22 octobre 2018. Ils ne peuvent, par suite, qu'être écartés.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le président de l'ADAPEI des Hautes-Pyrénées, autorisé par l'article 13.5 des statuts de l'association à déléguer tout ou partie de ses pouvoirs a, par une décision du 25 novembre 2010 donné à M. B... C..., directeur exécutif, délégation générale en matière de gestion du personnel. Par une décision du 13 février 2017 agrée par la présidente de l'association, M. C... a autorisé Mme F... A..., directrice des ressources humaines et auteure de la demande de licenciement, à le représenter en toute démarche administrative se rapportant à la gestion du personnel à l'exclusion des décisions et notification des licenciements. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme A... n'avait pas qualité, faute d'habilitation, pour présenter la demande de licenciement de Mme H... doit être écarté.

11. En troisième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. L'inspecteur du travail ne peut, pour accorder l'autorisation sollicitée, se fonder sur d'autre motifs que ceux énoncés dans la demande.

12. Si l'ADAPEI des Hautes-Pyrénées n'a pas qualifié expressément de motif disciplinaire les faits pour lesquels l'autorisation de licenciement avait été sollicitée, il a cependant précisé dans sa demande d'autorisation présentée le 22 décembre 2017 que cette demande était fondée sur " l'absence injustifiée " depuis plusieurs mois de l'intéressée de son poste de travail, motif qui correspond par nature à un manquement aux devoirs de l'agent. Par suite, le ministre chargé du travail ne s'est pas substitué à l'employeur pour définir le motif de licenciement mais s'est borné à en préciser juridiquement la nature disciplinaire, laquelle se déduisait de la demande présentée par l'ADAPEI des Hautes-Pyrénées. Au demeurant, Mme H... rappelle dans ses écritures que, lors de la réunion du comité d'entreprise du 14 décembre 2017, la directrice des ressources humaines a indiqué que la qualification des faits qui lui sont reprochés serait la " faute grave ". Par suite, le moyen tiré de ce que la demande de licenciement est irrégulière à défaut de préciser la qualification juridique des faits reprochés à l'intéressée doit être écarté.

13. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision du 22 octobre 2018 du ministre chargé du travail, que celui-ci s'est fondé, pour autoriser le licenciement de Mme H..., sur le grief tiré, d'une absence prolongée irrégulière de l'intéressée à compter du 28 août 2017 sans justification malgré la demande en ce sens de son employeur par courrier du 4 octobre 2017 reçu le 11 octobre suivant. En l'absence de contestation de ces faits de la part de Mme H..., la matérialité des faits reprochés à l'intéressée d'une absence injustifiée de son poste pendant presque trois mois est établie. Eu égard notamment au caractère prolongé de l'absence de son poste de l'intéressée sans aucun justificatif, ces manquements sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de Mme H.... Par suite, le ministre chargé du travail a pu légalement autoriser, par sa décision du 22 octobre 2018, le licenciement de Mme H....

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme H... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme H... une somme de 1 200 euros à verser à l'ADAPEI des Hautes-Pyrénées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 15 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme H... tendant à l'annulation de la décision du 22 janvier 2018 de l'inspecteur du travail.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme H... présenté devant le tribunal administratif de Pau et de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 4 : Mme H... versera à l'ADAPEI des Hautes-Pyrénées une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... H..., à l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés (ADAPEI) des Hautes-Pyrénées et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2023.

La rapporteure,

Caroline E...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX00428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00428
Date de la décision : 15/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : FIDAL PAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-15;21bx00428 ?
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