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02/02/2023 | FRANCE | N°21BX00296

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 02 février 2023, 21BX00296


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane, sous le n° 1800503 d'annuler la décision du 26 mars 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de l'Ouest Guyanais a prononcé sa suspension pour faute grave pour une durée de 4 mois avec retenue sur salaire et d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer dans ses fonctions à la date à laquelle la suspension a pris effet, et sous le n° 1801194, d'annuler la décision du 20 juillet 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalie

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane, sous le n° 1800503 d'annuler la décision du 26 mars 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de l'Ouest Guyanais a prononcé sa suspension pour faute grave pour une durée de 4 mois avec retenue sur salaire et d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer dans ses fonctions à la date à laquelle la suspension a pris effet, et sous le n° 1801194, d'annuler la décision du 20 juillet 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier a prononcé son licenciement pour faute grave ainsi que la décision de rejet de sa réclamation préalable, de condamner l'administration à lui verser les sommes correspondant au solde de ses congés et de son compte épargne-temps, son solde de tout compte et une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices résultant de son licenciement, et de lui enjoindre de lui remettre ses documents de fin de contrat et les fiches de paie correspondantes.

Par un jugement nos 1800503, 1801194 du 22 octobre 2020, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 mars 2018 en tant qu'elle prononçait une retenue sur salaire, et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 14 juin 2022, M. C..., représenté par la SELARL Mariema, Bouchet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 20 juillet 2018 portant licenciement pour faute grave ;

3°) de condamner le centre hospitalier de l'Ouest Guyanais à lui verser une indemnité de licenciement calculée conformément aux articles 48 et 51 du décret du 6 février 1991, à lui payer le solde de ses congés payés et de son compte épargne-temps et son solde de tout compte, à lui remettre ses documents de fin de contrat et les fiches de paie correspondantes, et à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation de ses préjudices ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de l'Ouest Guyanais une somme

de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la suspension de fonctions :

- le tribunal n'a pas statué sur les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, d'atteinte aux droits de la défense et de détournement de pouvoir, ce qui entache le jugement d'irrégularité ;

- la mesure de suspension n'a pas été prise dans l'intérêt du service, mais parce qu'il était devenu gênant du fait de son désaccord avec la direction sur la mise en œuvre du transfert d'activité de l'ancien au nouveau centre hospitalier ; la qualité de son travail ne pouvant être mise en cause, la direction a allégué des diffamations constitutives de faute grave ; la décision est ainsi entachée de détournement de pouvoir ;

- il conteste avoir tenu des propos diffamatoires à l'encontre de la direction ou de ses collègues, alors qu'il avait seulement la volonté d'alerter sa hiérarchie sur des pratiques douteuses qu'il avait constatées via les caméras de vidéo-surveillance à la suite du décès tragique d'un médecin du centre hospitalier ;

En ce qui concerne le licenciement pour faute grave :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le fait de ne pas l'informer par écrit de la possibilité de prendre copie de son dossier l'a privé de la garantie de pouvoir exercer utilement les droits de la défense ;

- aucune disposition législative ou réglementaire ne justifie une différence de traitement entre un agent contractuel et un fonctionnaire en matière disciplinaire ; ainsi, la procédure était irrégulière en l'absence de saisine du conseil de discipline ;

- alors que l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 issu de la loi n° 2016-483

du 20 avril 2016, d'application immédiate, prévoit qu'aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà du délai de trois ans à compter du jour où l'administration a connaissance des faits, c'est à tort que le tribunal a estimé que des faits commis en 2013 pouvaient être régulièrement invoqués à l'appui d'une procédure disciplinaire engagée en juillet 2018 ;

- les faits commis en 2013 avaient donné lieu à un avertissement et ne pouvaient être sanctionnés une seconde fois ; leur rappel dans la décision attaquée est indissociable des autres griefs ;

- la direction aurait dû, pour établir la matérialité des faits reprochés, diligenter une enquête afin d'éclairer le contexte et recueillir les observations de ses collaborateurs ainsi que d'autres agents du centre hospitalier et de partenaires extérieurs, ce qu'elle n'a pas fait ;

- l'émotion suscitée par le décès tragique d'un médecin explique la teneur du courriel mentionné par le directeur dans sa plainte du 25 mars 2018 ; ses propos n'ont pas excédé la liberté d'expression reconnue à un agent public et garantie par l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les courriels reprochés avaient pour seul but d'alerter la hiérarchie sur des pratiques douteuses, au demeurant non contestées, nuisant à l'intérêt général et à la sécurité du personnel ; la décision a été prise en méconnaissance de la protection des lanceurs d'alerte prévue aux articles 1er et 11 de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2016, l'article 11 ayant modifié l'article L. 1351-1 du code de la santé publique ;

- les comportements allégués d'insubordination, d'agressivité et de manquement à ses obligations de respect et de loyauté sont en contradiction avec les appréciations portées par sa hiérarchie sur sa manière de servir au titre des années 2013, 2014 et 2015, alors qu'il s'est vu confier la mission de conduire le chantier de construction du nouvel hôpital en raison de ses compétences et de ses qualités relationnelles, et qu'il n'a fait l'objet d'aucune évaluation en 2016 et 2017 ; le caractère injurieux et diffamant de ses propos est contestable, et le courriel

du 25 mars 2018 dont le destinataire a été flouté était destiné à un " consultant de dernière minute " engagé par le directeur dans l'intention de lui nuire ; la sanction est disproportionnée au regard de sa manière de servir dès lors qu'il a mené à terme le chantier de construction du nouvel hôpital dans les délais impartis et que son comportement s'explique par un contexte de tension née de la volonté de mener à bien ses objectifs professionnels ;

En ce qui concerne les demandes indemnitaires :

- l'annulation du licenciement ouvre droit aux indemnités de licenciement prévue aux articles 46 à 51 du décret n° 91-155 du 6 février 1991, que le centre hospitalier doit être condamné à lui verser ;

- son licenciement abusif, survenu dans des conditions vexatoires alors qu'il avait mené à terme la construction du nouvel hôpital, lui a causé un préjudice moral, et il a perçu ses indemnités de chômage avec beaucoup de retard du fait d'un retard de transmission par l'administration des documents exigés par Pôle emploi ; il est fondé à demander l'indemnisation de ces préjudices à hauteur de 20 000 euros, outre le paiement de son solde de tout compte et les documents de fin de contrat.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juillet 2021, le centre hospitalier de l'Ouest Guyanais, représenté par la SELARL Houdart et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel, qui se borne à reproduire les écritures de première instance, est irrecevable ;

- les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2013-316 du 16 avril 2016 ;

- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 2015-1434 du 5 novembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été recruté sous contrat à durée indéterminée par le centre hospitalier de l'Ouest Guyanais en qualité d'ingénieur hospitalier en chef contractuel de classe exceptionnelle à compter du 20 février 2012 et chargé de la direction des travaux, de la logistique et des services techniques dans le contexte de la construction d'un nouveau bâtiment pour l'hôpital. Il a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une première demande d'annulation de la décision

du 26 mars 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de 4 mois avec retenue sur salaire et d'injonction à l'administration de le réintégrer dans ses fonctions, puis d'une seconde demande d'annulation de la décision du 20 juillet 2018 prononçant son licenciement pour faute grave et de condamnation du centre hospitalier

à lui verser une indemnité de licenciement, le solde de ses congés payés et de son compte épargne-temps, ainsi qu'une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices résultant de son licenciement, et enfin d'enjoindre à l'administration de lui remettre ses documents de fin de contrat et les fiches de paie correspondantes. Par un jugement du 22 octobre 2020 dont M. C... relève appel, le tribunal a joint ces demandes, a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 mars 2018 en tant qu'elle prévoyait une retenue de salaire, et a rejeté le surplus.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 mars 2018, M. C... a invoqué un moyen tiré du détournement de procédure qui n'était pas inopérant, auquel le tribunal n'a pas répondu. Le jugement est ainsi irrégulier en tant qu'il a statué sur la demande enregistrée sous le n° 1800503, et doit être annulé dans cette mesure. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande, que le requérant doit être regardé comme maintenant en appel alors même qu'il ne l'a pas mentionnée dans le récapitulatif de ses conclusions.

Sur la légalité de la décision du 26 mars 2018 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 39-1 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " En cas de faute grave commise par un agent contractuel, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité définie à l'article 40 du présent décret. La durée de la suspension ne peut toutefois excéder celle du contrat. / (...). " Une mesure de suspension de fonctions est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service

et ne constitue pas une sanction disciplinaire. Elle n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées par application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public

et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision

du 26 mars 2018 est inopérant.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le 15 février 2018, M. C... a répondu de façon agressive et confuse à la directrice de la commission médicale d'établissement qui lui demandait par courriel des documents relatifs à un appel d'offres pour la fourniture d'oxygène médical, en lui refusant toute information aux motifs qu'elle était un " tiers non autorisé " et qu'il tenait à " préserver la probité " de ses collègues, concluant qu'il n'avait pas le temps de discuter de quoi que ce soit avec elle au sujet de cette affaire en cours. Le 13 mars 2018, alors qu'il avait reçu en copie un échange courtois entre un ingénieur placé sous sa responsabilité se plaignant d'une intervention non programmée d'un prestataire et ce dernier qui présentait des excuses pour ce dysfonctionnement, M. C... a envoyé à l'ingénieur, avec copie au prestataire, au directeur et à de nombreux agents du centre hospitalier, un message brutal et grossier l'invitant à essayer de travailler correctement. Le 14 mars 2018, il a adressé au directeur une demande de rendez-vous au ton particulièrement irrespectueux, en mettant en cause l'organisation du service et en qualifiant de " nouvelles figurines " et d'" individus " des collègues dont il a exigé les fiches de poste. Le même jour, il a écrit à un partenaire extérieur, en faisant allusion au directeur de l'hôpital, qu'il en avait " marre de travailler pour rien pour permettre à d'aucuns de faire travailler les amis ". Le 20 mars 2018, dans un courriel au même partenaire extérieur, avec copie au directeur du centre hospitalier et à d'autres agents, il a dénigré l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), partenaire institutionnel, l'accusant d'être à l'origine de " pertes de temps et d'argent " et annonçant qu'il allait mettre rapidement " les pendules à l'heure ". Le 23 mars 2018, alors que le directeur de l'hôpital, qui avait décidé de participer aux réunions logistiques, lui avait demandé divers documents, M. C... a refusé en le renvoyant aux " multiples analyses et conseils " de ses audits et aux " comptages de petits pois " de ses experts. Le 25 mars 2018, il a répondu à un architecte se plaignant d'un retard de paiement de deux notes d'honoraires qu'il était convaincu que ce " marasme " était " organisé pour nuire à l'opération ", et il a par ailleurs demandé à l'une de ses subordonnées de ne plus répondre aux demandes de la correspondante de l'APHP, avec copie à cette dernière, qualifiée de personne " mettant en danger le projet par une méconnaissance totale d'une opération de ce type ". Le 25 mars 2018, alors qu'un médecin du centre hospitalier était décédé la veille, victime d'une fusillade hors de l'hôpital dans des circonstances non élucidées, M. C... a indiqué à un collaborateur extérieur, toujours par courriel, que ce chirurgien, ami et protégé du directeur malgré ses avertissements, était à la morgue de l'hôpital avec deux balles dans la tête. Il a en outre écrit le même jour à un agent nouvellement recruté par la direction, en le qualifiant de protecteur d'un directeur qui profitait de commerces d'or et de stupéfiants, qu'il allait démissionner " avec un peu de publicité ", en se vantant d'avoir " fait installer les caméras de surveillance " et de pouvoir visionner les vidéos quand ses " troupes " l'alertent. Il a enfin, le 25 mars 2018, " demandé des explications " au directeur, avec copie à de nombreux agents, en lui reprochant de " recruter et protéger des personnels très particuliers ", et en concluant : " moi, contrairement à vous qui ne jurez que par logement de fonction et avantages de tout genre pour la direction, moi je tiens au respect de la sécurité de mes collègues ".

5. Les courriels du 25 mars 2018 décrits au point précédent ne se présentent pas comme une alerte de la hiérarchie sur de prétendues " pratiques douteuses ", mais constituent des accusations dépourvues de fondement à l'encontre de la direction. Les autres courriels caractérisent un comportement particulièrement agressif, irrespectueux et désobligeant vis-à-vis de collègues, du directeur du centre hospitalier et de l'APHP. L'existence d'une faute grave permettant de prendre une mesure de suspension sur le fondement de l'article 39-1 du décret

du 6 février 1991 est ainsi établie, sans que M. C..., tenu de respecter les décisions de sa hiérarchie, puisse utilement se prévaloir ni de son désaccord avec la direction sur la mise en œuvre du transfert d'activité de l'ancien au nouveau centre hospitalier, ni de la qualité de son travail reconnue par les évaluations de 2014 et 2015.

6. En troisième lieu, dès lors que la mesure de suspension pour faute grave n'est pas entachée d'erreur d'appréciation, les moyens tirés du détournement de procédure et du détournement de pouvoir doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision du 20 juillet 2018 :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 2-1 du décret du 6 février 1991, issu du décret du 5 novembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents non titulaires de la fonction publique hospitalière : " I. Une commission consultative paritaire compétente à l'égard des agents contractuels mentionnés à l'article 1er est instituée, dans chaque département, par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé agissant au nom de l'Etat. Il en confie la gestion à l'un des établissements publics de santé dont le siège se trouve dans le département. (...) II.- Ces commissions sont obligatoirement consultées (...) sur les décisions individuelles relatives : / (...) 3° Aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme. / (...)". Aux termes du IV de l'article 58 du décret du 5 novembre 2015 : " Les procédures dans lesquelles est prévue la consultation de la commission consultative paritaire restent régies par les dispositions du décret du 6 février 1991 susvisé dans sa rédaction antérieure au présent décret, jusqu'à l'installation de celle-ci ". Aux termes du V du même article : " Les commissions consultatives paritaires sont mises en place au plus tard lors du prochain renouvellement général des commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière. ".

8. Il résulte des dispositions citées au point précédent que l'obligation de consultation des commissions consultatives paritaires sur les licenciements des agents contractuels des établissements hospitaliers ne trouve à s'appliquer qu'à compter de la mise en place de ces commissions et, au plus tard, lors du prochain renouvellement général des commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière. Dès lors que le centre hospitalier de l'Ouest guyanais n'était pas tenu de mettre en place la commission consultative avant ce renouvellement qui a eu lieu en octobre 2018, l'absence de consultation de la commission qui n'existait pas à la date du licenciement ne caractérise aucune irrégularité.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 40 du décret du 6 février 1991 : " (...) / L'agent contractuel à l'encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. Il a également le droit de se faire assister par les défenseurs de son choix. / L'intéressé doit être informé par écrit de la procédure engagée et des droits qui lui sont reconnus. " Si le droit à la communication du dossier comporte pour l'agent intéressé celui d'en prendre copie, à moins que sa demande ne présente un caractère abusif, ces dispositions n'imposent pas à l'administration d'informer l'agent de son droit à prendre copie de son dossier. Par suite, M. C..., qui a été informé de la possibilité de consulter son dossier individuel par la lettre du 5 juillet 2018 le convoquant à un entretien préalable à son licenciement, n'est pas fondé à invoquer une irrégularité de procédure à raison de l'absence de précision relative à la possibilité d'en prendre copie.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction applicable à la date de la décision, issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. / (...). " Toutefois, comme l'ont indiqué les premiers juges, lorsqu'une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Par suite, la décision du 20 juillet 2018 n'est entachée d'aucune illégalité en ce qu'elle fait référence à des faits commis en 2013, lesquels n'étaient pas couverts par la prescription à la date de cette décision.

11. En quatrième lieu, les courriels décrits au point 4 suffisent à établir la matérialité des faits reprochés. Le requérant, qui ne produit d'ailleurs aucun témoignage en sa faveur, ne peut utilement reprocher à l'administration de ne pas avoir diligenté une enquête pour " éclairer le contexte ".

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 38 du décret du 6 février 1991 : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les

suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une période déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. "

13. La décision est fondée sur des comportements répétés d'insubordination et d'agressivité et des manquements professionnels aux obligations élémentaires de respect et de loyauté, nuisant gravement au fonctionnement normal du service et à la réputation de l'établissement à l'égard de ses partenaires extérieurs. Les courriels détaillés au point 4 caractérisent un tel comportement, ainsi qu'une incapacité de M. C... à travailler en équipe, à s'adapter à l'organisation fixée par la direction de l'établissement, et à faire preuve de mesure, de dignité et de courtoisie dans ses relations professionnelles. M. C... n'est pas fondé à se prévaloir, pour justifier les écrits discourtois, agressifs, humiliants et accusatoires qu'il a diffusés dans le cadre de l'exercice de ses fonctions d'agent public, du droit à la liberté d'expression reconnu à toute personne par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ses insinuations relatives à de prétendus commerces d'or et de stupéfiants, dépourvues de toute consistance, ne sont pas de nature à le faire regarder comme ayant dénoncé des abus et devant être protégé en qualité de " lanceur d'alerte ". Enfin, la circonstance que M. C..., dont les qualités professionnelles autres que relationnelles ne sont pas contestées, a été soumis à des tensions dans la conduite du projet de construction du nouvel hôpital qu'il a mené à son terme, ne saurait justifier un comportement dont le directeur du centre hospitalier a estimé à juste titre qu'il était inacceptable et rendait impossible son maintien dans l'établissement. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la sanction de licenciement serait entachée d'erreur d'appréciation.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir d'un

droit au versement de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 47 du décret

du 6 février 1991 en cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire.

15. Le licenciement ne peut être regardé comme abusif, et le retard de perception d'indemnités de perte d'emploi que M. C... impute à une transmission tardive de documents par le centre hospitalier de l'Ouest guyanais au titre du mois de juillet 2020 relève d'un litige distinct. Par suite, la demande d'indemnisation du préjudice moral qu'il invoque doit être rejetée.

16. Le centre hospitalier de l'Ouest guyanais a justifié devant le tribunal du règlement à M. C..., en septembre 2018, d'une somme totale de 6 441,95 euros, dont le calcul n'est pas contesté, au titre de l'indemnité compensatrice de congés annuels, du rachat des jours inscrits sur le compte épargne-temps et de l'indemnité de réduction du temps de travail. Par suite, la demande de versement de l'indemnité de congés payés, du solde du compte épargne-temps et du solde de tout compte, reprise à l'identique des écritures de première instance, ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Le rejet des conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 mars 2018 entraîne, par voie de conséquence, celui des conclusions à fin d'injonction de réintégration de M. C... dans ses fonctions à la date à laquelle la suspension a pris effet, auxquelles le requérant semble d'ailleurs avoir renoncé en appel.

18. M. C... reprend à l'identique sa demande de première instance tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui remettre ses documents de fin de contrat et les fiches de paie correspondantes, sans aucune critique du point 23 du jugement selon lequel aucun document autre que le certificat prévu à l'article 40-1 du décret du 6 février 1991, qui lui a été remis par son employeur, ne lui était dû. Par suite, cette demande ne peut qu'être rejetée.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin

de non-recevoir opposée en défense, que la demande n° 1800503 présentée devant le tribunal doit être rejetée, et que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté la demande n° 1801194.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

20. M. C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier de l'Ouest guyanais à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane nos 1800503, 1801194

du 22 octobre 2020 est annulé en tant qu'il a statué sur la demande enregistrée sous le n° 1800503.

Article 2 : La demande n° 1800503 présentée par M. C... devant le tribunal et le surplus

de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : M. C... versera au centre hospitalier de l'Ouest guyanais une somme

de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au centre hospitalier de l'Ouest guyanais.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX00296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00296
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SELARL HOUDART ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-02;21bx00296 ?
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