La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2023 | FRANCE | N°22BX01861

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 12 janvier 2023, 22BX01861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200530 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2022, Mme C...,

représentée par Me Cesso, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente d'une d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200530 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2022, Mme C..., représentée par Me Cesso, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur l'action menée par sa mère Mme A... C... sur sa nationalité ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mai 2022 ;

3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 novembre 2021 ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté contesté ne justifie pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction judiciaire sur la nationalité française de sa mère qui aura une incidence sur sa propre nationalité en application de l'article 18 du code civil et de ses versions antérieures desquelles il ressort qu'est français celui dont l'un des parents est français ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle dispose d'attaches familiales fortes sur le territoire français et que sa présence est indispensable aux côtés de sa mère ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 a) de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle justifie de moyens d'existence suffisants et n'exerce aucune activité professionnelle et peut donc prétendre à la délivrance d'un certificat portant la mention " visiteur " ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle entre dans les catégories lui permettant de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour et qu'elle est à ce titre protégée contre toute mesure d'éloignement ;

- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle fait face à des menaces de mort en Algérie proférées par son ancien conjoint et qu'elle devait vivre dans une cabane au milieu de la forêt entourée de serpents et de scorpions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante algérienne née le 27 janvier 1970, est entrée en France le 18 octobre 2015 munie d'un visa de court séjour. Elle a sollicité le 25 février 2016 son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur et 6-5 de l'accord franco-algérien. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 1er juin 2016 portant obligation de quitter le territoire français et le recours formé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 novembre 2016, confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux par une ordonnance du 27 févier 2017. Mme C..., qui n'a pas exécuté la mesure d'éloignement prise à son encontre, a alors sollicité un titre de séjour sur le fondement du 5° de l'article 6 et du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 5 novembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 5 mai 2022, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

2. Mme C... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance, et sans critiquer la réponse apportée par le tribunal, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne de la décision portant refus du certificat de résidence :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur " ; (...) ". L'article 9 de cet accord dispose : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des article (...) 7 (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises (...) ".

4. Il résulte de ces stipulations que la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " visiteur " aux ressortissants algériens est subordonnée à la justification par ces derniers de la possession d'un visa long séjour. Or, Mme C... est entrée sur le territoire français muni seulement d'un visa de court séjour valable quatre-vingt-dix jours. Pour ce seul motif, la préfète de la Gironde pouvait légalement rejeter sa demande de titre de séjour formée sur le fondement de ces stipulations. Dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 7 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. La requérante fait valoir que sa présence en France est rendue nécessaire par l'état de santé de sa mère nécessitant l'assistance d'une tierce personne dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne. S'il ressort des pièces du dossier que la mère de Mme C..., veuve, âgée de soixante-dix ans et titulaire d'une carte d'invalidité attestant d'un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %, souffre de troubles rénaux nécessitant des dialyses trois fois par semaine et a une mobilité réduite, les pièces versées au dossier ne permettent pas de tenir pour établi que la requérante serait la seule personne susceptible de lui apporter une aide. A cet égard, s'il ressort de l'évaluation sociale du 19 octobre 2020 que les services départementaux préconisent le maintien de Mme C... auprès de sa mère, cette recommandation est consécutive au seul constat du refus de cette dernière d'être assistée par une personne autre que sa fille et au fait qu'elle ne parle pas français. Par ailleurs, si Mme C... fait valoir qu'elle a dû fuir l'Algérie en y laissant sa fille mineure car elle était victime de violences conjugales de la part de son époux, elle n'assortit ses affirmations d'aucun élément précis pour les corroborer. Les circonstances qu'elle a suivi des cours de français et qu'elle participe à des activités associatives ne permettent pas, à elles seules, de considérer que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situait en France à la date de la décision contestée. Enfin, il est constant qu'elle n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Il en est de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation qui aurait été commise par la préfète.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. D'une part, il résulte de ce qui a été énoncé précédemment que Mme C... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour de plein droit. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle ne pouvait légalement, pour ce motif, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

8. D'autre part, pour les motifs exposés au point 6 du présent arrêt, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement prise à son égard porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ", lequel stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Si la requérante soutient qu'elle a été victime de violences conjugales, elle n'assortit ses affirmations d'aucun élément précis pour permettre d'estimer qu'elle serait personnellement exposée à des risques de traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors en outre qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dans l'impossibilité de demander la protection des autorités algériennes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. Il résulte de ce tout qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C... sur ces fondements.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

La rapporteure,

Birsen D...La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01861
Date de la décision : 12/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-01-12;22bx01861 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award