La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2023 | FRANCE | N°21BX00631

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 12 janvier 2023, 21BX00631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Léognan à lui verser une indemnité de 265 787 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la délibération du 31 octobre 2011 de son conseil municipal approuvant le plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1805219 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
r>Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2021 et un mémoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Léognan à lui verser une indemnité de 265 787 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la délibération du 31 octobre 2011 de son conseil municipal approuvant le plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1805219 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2021 et un mémoire enregistré le 4 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Achou-Lepage, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 décembre 2020 ;

2°) de condamner la commune de Léognan à lui verser une somme de 268 787 euros, assortie des intérêts aux taux légal et de leur capitalisation, au titre des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Léognan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a subi une perte financière importante résultant de l'édiction par la commune d'un plan local d'urbanisme illégal ;

- la circonstance que seule une partie de l'unité foncière en litige ait fait l'objet d'un classement en zone non constructible du fait de l'annulation du plan local d'urbanisme est sans incidence sur son droit à indemnisation ;

- elle n'a jamais fait état d'une perte de bénéfice ou de manque à gagner à raison d'une prétendue vente de son terrain contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ; elle se prévaut de l'impossibilité de mener à bien son projet de construction et de la perte de valeur vénale du terrain acquis consécutivement à l'annulation du plan local d'urbanisme dont l'illégalité est constitutive d'une faute de la commune de Léognan ;

- la perte de la valeur globale des terrains présente un caractère direct et certain et est indemnisable même en l'absence de volonté de vente ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la facture produite correspond bien aux frais d'étude liés à la seconde demande de permis de construire ; une indemnisation d'au moins 3 588 euros aurait dû lui être accordée à ce titre ;

- elle justifie de la réalité des frais d'acquisition exposés par l'acte de donation s'agissant de la parcelle n° 232 et par l'acte de vente s'agissant des parcelles attenantes ; l'immobilisation improductive d'une partie de son patrimoine peut être indemnisée à hauteur d'une somme de 10 000 euros, assortie des intérêts échus et de leur capitalisation en application de l'article 1154 du code civil ;

- les troubles dans les conditions d'existence subis du fait de l'acquisition en vain des parcelles inconstructibles destinées à créer un espace de jardin et de l'abandon de son projet de construction doivent être indemnisés à hauteur de 3 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 mai 2022 et 20 octobre 2022, la commune de Léognan, représentée par Me Marchesini conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 octobre 2022 la date de clôture de l'instruction a été reportée au 20 octobre 2022.

Un mémoire présenté pour Mme B... a été enregistré le 17 novembre 2022 postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- les observations de Me Achou-Lepage, représentant Mme B..., et de Me Verdier, représentant la commune de Léognan.

Une note en délibéré présentée par Me Marchesini, pour la commune de Léognan, a été enregistrée le 19 décembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 31 octobre 2011, le conseil municipal de Léognan a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. Le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette délibération par un jugement du 25 septembre 2014 devenu définitif, qui a eu pour effet de remettre rétroactivement en vigueur le plan local d'urbanisme immédiatement antérieur, approuvé le 4 décembre 2003. Par un arrêté du 3 mars 2015, le maire de Léognan a refusé de délivrer à Mme B... un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation au motif que le projet se situait en zone agricole du plan local d'urbanisme redevenu applicable. Le 18 août 2018, Mme B... a adressé à la commune une demande préalable d'indemnisation puis a demandé au tribunal administratif de condamner la commune de Léognan à lui verser la somme de 265 787 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du caractère non constructible de sa parcelle. Mme B... relève appel du jugement du 16 décembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur le principe de la responsabilité :

2. Il résulte de l'instruction que, par un jugement n° 1201699 du 25 septembre 2014, devenu définitif, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la délibération du 31 octobre 2011 par laquelle le conseil municipal de Léognan a approuvé son plan local d'urbanisme. Il résulte des motifs qui sont le support nécessaire du dispositif de ce jugement que cette délibération était entachée d'illégalités tenant, notamment, à l'irrégularité de l'enquête publique et à l'irrégularité de la convocation des conseillers municipaux. L'illégalité de la délibération du 31 octobre 2011 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Léognan. La commune ne saurait utilement faire valoir la légalité du refus de permis de construire pour contester la faute de la commune dès lors que le caractère inconstructible du terrain de la requérante sur lequel se fonde ce refus résulte de la remise en vigueur du plan local d'urbanisme approuvé le 4 décembre 2003 induite par l'annulation de la délibération du 31 octobre 2011.

Sur la réparation :

3. La responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes qu'elle a commises et le préjudice subi par la victime.

En ce qui concerne la perte de la valeur vénale du bien :

4. Il résulte de l'instruction que par acte notarié du 6 juin 2012, Mme B... a reçu en donation la parcelle cadastrée section CE n° 232 faisant partie d'un lotissement autorisé par le permis d'aménager délivré le 15 avril 2013 sur le fondement du plan local d'urbanisme approuvé par la délibération du 31 octobre 2011, pour lequel une attestation de non-contestation de la conformité des travaux a été délivrée le 4 juin 2014 par le maire. Le 28 mai 2013, Mme B... a acquis, pour un montant de 12 274 euros, les parcelles cadastrées section CE n°234, 236, 238, 240 et 242 d'une superficie totale de 1 032 mètres carrés, situées à l'arrière de la parcelle CE n°232, classées en zone agricole de ce même plan, en vue de leur aménagement en jardin d'agrément de la construction projetée.

5. D'une part, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, Mme B... ne saurait se prévaloir de la perte de valeur des parcelles cadastrées section CE n°234, 236, 238, 240 et 242 dès lors que ces parcelles étaient inconstructibles à la date à laquelle elle en a fait acquisition et le sont demeurées après l'annulation définitive de la délibération du 31 octobre 2011 par le jugement du 25 septembre 2014.

6. D'autre part, la parcelle CE n°232 n'ayant pas été acquise à titre onéreux mais transmise gratuitement dans le patrimoine de Mme B... à la suite d'une donation, elle ne peut se prévaloir d'aucun préjudicie financier indemnisable à ce titre malgré la circonstance que ladite parcelle est devenue inconstructible en raison de la remise en vigueur du plan local d'urbanisme approuvé le 4 décembre 2003 induite par l'annulation de la délibération du 31 octobre 2011.

En ce qui concerne les frais engagés pour le dépôt du permis de construire :

7. Il résulte de l'instruction que l'époux de Mme B... a déposé une première demande de permis de construire une maison d'habitation le 21 mars 2014 à laquelle ils ont tous deux déclaré renoncer en raison de leur séparation intervenue en juin 2014. Puis Mme B... a déposé, seule, une seconde demande de permis de construire portant sur un projet de dimensions plus réduites, qui a fait l'objet du refus du maire par un arrêté du 3 mars 2015. Si Mme B... justifie de l'élaboration par la société Douglas des avants projets correspondant au second permis de construire, ces documents ne permettent pas d'établir que la facture d'honoraires d'architecte d'un montant de 3 588 euros qu'elle produit, établie le 19 septembre 2013 par cette même société au nom de son ancien époux, correspondrait aux frais engagés au titre du second permis de construire, ni que la somme mentionnée aurait été acquittée dans son intégralité à l'occasion de la seconde demande de permis de construire alors qu'il est indiqué dans cette facture que " si le permis est refusé, la moitié des frais serait remboursé ". Dans ces conditions, le préjudice dont elle demande réparation n'est pas établi.

En ce qui concerne le coût de l'immobilisation improductive du capital engagé :

8. Il résulte de l'acte de donation du 6 juin 2012 que Mme B... n'a engagé aucun frais pour l'acquisition de la parcelle n°232 qu'elle a reçu en donation, alors en outre que la taxe sur la publicité foncière d'un montant de 921 euros a été acquittée, selon les mentions de cet acte, par le donateur. Par suite, le préjudice dont elle demande réparation au titre de l'immobilisation du capital engagé pour l'acquisition de cette parcelle ne peut être regardé comme établi. Par ailleurs, Mme B... ne saurait se prévaloir des préjudices liés à l'immobilisation des fonds engagées pour l'achat des parcelles cadastrées section CE n°234, 236, 238, 240 et 242 dès lors qu'ils ne présentent pas de lien direct avec l'illégalité entachant la délibération du 31 octobre 2011, la faute commise par la commune n'ayant eu aucune incidence sur leur caractère inconstructible.

En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence :

9. Le caractère inconstructible de la parcelle résultant de la faute commise par la commune est à l'origine de troubles dans les conditions d'existence de Mme B..., dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant à une somme de 1 000 euros, tous intérêts et capitalisation compris.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande indemnitaire. Elle est seulement fondée à être indemnisée des préjudices résultant des troubles dans les conditions d'existence, invoqués pour la première fois en appel.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Léognan, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Léognan le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La commune de Léognan est condamnée à verser à Mme B... la somme de 1 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1805219 du 16 décembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Léognan versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... et les conclusions de la commune de Léognan tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune de Léognan.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

La rapporteure,

Birsen D...La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00631
Date de la décision : 12/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : ACHOU-LEPAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-01-12;21bx00631 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award