La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/2023 | FRANCE | N°22BX01541

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 10 janvier 2023, 22BX01541


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G..., Mme A... D... épouse G..., M. B... G... et M. F... G... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 3 novembre 2021 par lesquels le préfet des Deux-Sèvres leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par des jugements n°s 2103178, 2103179, 2103180 et 2

103181 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G..., Mme A... D... épouse G..., M. B... G... et M. F... G... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 3 novembre 2021 par lesquels le préfet des Deux-Sèvres leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par des jugements n°s 2103178, 2103179, 2103180 et 2103181 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 2 juin 2022 sous le n° 22BX01541, M. C... G..., représenté par Me Bonneau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103179 du tribunal administratif de Poitiers du 29 avril 2022 ;

2°) d'annuler les décisions du 3 novembre 2021 par lesquelles le préfet des Deux-Sèvres lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente et dans un délai de quarante-huit heures, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

- elle est insuffisamment motivée, au regard de l'exigence d'un examen individuel et global ;

- en méconnaissance des dispositions de l'article R. 613-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne lui a pas été notifiée par voie administrative ;

- elle a été édictée à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que, contrairement aux dispositions de l'article R. 613-6 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'a pas été informé du caractère exécutoire de la mesure d'interdiction de retour ainsi que des modalités d'exécution de la mesure d'éloignement ;

- elle porte atteinte au principe général du droit de l'Union européenne selon lequel toute personne a le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision qui lui est défavorable ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète des Deux-Sèvres, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022.

II- Par une requête, enregistrée le 2 juin 2022 sous le n° 22BX01542, Mme A... D... épouse G..., représentée par Me Bonneau, conclut, pour ce qui la concerne, aux mêmes fins que la requête n° 22BX01541 en reprenant les mêmes moyens.

La requête a été communiquée à la préfète des Deux-Sèvres, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme D... épouse G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022.

III- Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022 sous le n° 22BX01543, M. B... G..., représenté, par Me Bonneau, conclut, pour ce qui le concerne, aux mêmes fins que la requête n° 22BX01541 en reprenant les mêmes moyens.

La requête a été communiquée à la préfète des Deux-Sèvres, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022.

IV- Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022 sous le n° 22BX015434, M. F... G..., représenté par Me Bonneau, conclut, pour ce qui le concerne, aux mêmes fins que la requête n° 22BX01541 en reprenant les mêmes moyens.

La requête a été communiquée à la préfète des Deux-Sèvres, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. F... G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... G... et Mme A... D... épouse G..., ressortissants de nationalité arménienne nés respectivement le 5 juin 1977 et le 8 janvier 1978, déclarent être entrés en France le 22 avril 2016 accompagnés de leurs deux enfants M. B... G..., né le 28 septembre 1998 et M. F... G..., né le 5 mars 2001. M. et Mme G... ainsi que M. B... G... ont déposé une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, rejetées par des décisions du 31 octobre 2016 et 28 août 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 6 avril 2017 et le 1er octobre 2018. Par des arrêtés du 29 juillet 2020, dont la légalité a été confirmée par la cour de céans le 18 août 2021, le préfet des Deux-Sèvres a refusé de leur délivrer des titres de séjour au titre de la vie privée et familiale, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Les intéressés ont sollicité, à nouveau, des titres de séjour par courriers des 24 et 26 septembre 2021. Par quatre arrêtés du 3 novembre 2021, le préfet des Deux-Sèvres a rejeté leurs demandes de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de leur pays d'origine et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. et Mme G... ainsi que leurs fils, M. B... G... et M. F... G..., relèvent appel des jugements du 29 avril 2022 par lesquels le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 3 novembre 2021.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les nos 22BX01541, 22BX01542, 22BX01543 et 22BX01544 sont relatives aux membres d'une même famille et présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, les requérants reprennent en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui leur a été apportée par les premiers juges, le moyen tiré de ce que les décisions leur refusant le séjour sont insuffisamment motivées. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que les requérants, présents sur le territoire français depuis moins de 6 ans à la date des arrêtés contestés, s'y sont maintenus malgré le rejet de leur demande d'asile et l'existence de mesures d'éloignement prises à leur encontre, dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative. Ils ne justifient ni de l'absence d'attaches personnelles et familiales dans leur pays d'origine, où ils ont résidé jusqu'en 2016, ni du développement d'un réseau dense de relations sociales sur le territoire, les quelques attestations en ce sens versées au dossier, établies postérieurement aux précédentes mesures d'éloignement qui leur ont été notifiées en juillet 2020, ne suffisant pas à l'établir. La circonstance que M. C... G... a connu quelques périodes d'activité exercées en qualité d'agent intérimaire et que son épouse a pu travailler dans des entreprises de propreté entre les mois de janvier 2020 et février 2021 ne permet pas, par elle-même, d'établir une intégration socio-professionnelle particulière en France. De même, alors que la scolarité de M. F... G... et M. B... G... est désormais achevée, l'insertion professionnelle du premier, qui a conclu un contrat à durée indéterminée le 14 septembre 2021 en qualité de négociant automobile, était récente à la date de l'arrêté litigieux, alors que le second n'a effectué que deux stages professionnels postérieurement à sa scolarité. Par ailleurs, si les requérants se prévalent de leur apprentissage du français et de leur engagement associatif, ces éléments ne sont pas, en eux-mêmes, de nature à démontrer une intégration particulière dans la société française. Enfin, les intéressés ne se prévalent d'aucun obstacle s'opposant à ce que la cellule familiale se reconstitue en Arménie. Par suite, quand bien même le comportement de M. C... G... et de ses fils ne représenterait pas, ainsi qu'ils l'allèguent, une menace pour l'ordre public, le préfet des Deux-Sèvres n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale des requérants une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions leur refusant le séjour ont été prises et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser ou de renouveler l'un des titres de séjour auxquels cet article renvoie, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance de tels titres. Ainsi qu'il a été exposé au point 5, les requérants ne remplissent pas les conditions requises pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils ne sont dès lors pas fondés à soutenir que la décision de refus de titre de séjour aurait dû être précédée de la consultation de la commission du titre de séjour.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré par les consorts G... de ce que les mesures d'éloignement prononcées à leur endroit porteraient une atteinte manifestement excessive au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

9. Aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ". Aux termes de l'article L. 612-7 du même code : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " L'interdiction de retour sur le territoire français prononcée en application de l'article L. 612-7 est notifiée par la voie administrative. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 613-6 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette décision et de ce que la durée pendant laquelle il lui est interdit de revenir sur le territoire commence à courir à la date à laquelle il satisfait à son obligation de quitter le territoire français. / Il est également informé des conditions d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français mentionnées à l'article R. 711-1, ainsi que des conditions dans lesquelles il peut justifier de sa sortie du territoire français conformément aux dispositions de l'article R. 711-2. ".

10. En premier lieu, si les conditions de notification d'un acte administratif peuvent avoir des effets sur le déclenchement des délais de recours contre cet acte, elles demeurent toutefois sans incidence sur sa légalité. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir, en se prévalant des dispositions de l'article R. 613-3 précitées, que les décisions susvisées seraient illégales faute d'avoir été notifiées par voie administrative.

11. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 613-6 du code de l'entrée et de l'étranger et du droit d'asile qu'elles définissent les informations devant être communiquées à un étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, postérieurement au prononcé de cette interdiction. Dès lors, ces dispositions, qui sont propres aux conditions d'exécution de l'interdiction, sont sans incidence sur sa légalité et ne peuvent être utilement invoquées au soutien de conclusions tendant à son annulation.

12. En troisième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement et d'interdiction de retour sur le territoire français. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu est ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les consorts G... n'auraient pas eu la possibilité, pendant l'instruction de leurs demandes de titre de séjour, de faire état de tous éléments pertinents relatifs à leur situation personnelle susceptibles d'influer sur le contenu des décisions subséquentes aux décisions se prononçant sur ces demandes. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en leur interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet des Deux-Sèvres aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne, selon lequel toute personne a le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement, doit être écarté.

13. En quatrième lieu, il résulte des dispositions précitées des articles L. 613-2 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative doit faire état, dans sa décision, des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

14. Les décisions susvisées, qui précisent dans quel cas se trouvent les requérants pour justifier une interdiction de retour sur le territoire français, visent les dispositions de l'article L. 612-7 du même code ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et indiquent que les requérants ne se sont pas conformés aux mesures d'éloignement prises à leur encontre le 29 juillet 2020, qu'ils sont défavorablement connus des service de police, que l'examen de leur situation ne permet pas d'établir l'existence de circonstances humanitaires, qu'ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine et qu'eu égard à leurs conditions d'existence et de séjour en France, rappelées au préalable au sein des arrêtés contestés, les décisions portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an ne portent pas à leur droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Contrairement à ce qui est soutenu, ces décisions sont ainsi suffisamment motivées en droit et en fait et révèlent un examen particulier de leur situation personnelle.

15. Enfin, il résulte des motifs exposés au point 5 qu'eu égard aux conditions et à la durée de séjour des requérants, le préfet des Deux-Sèvres n'a pas commis d'erreur d'appréciation quant à la nature et à l'ancienneté de leurs liens avec la France en leur interdisant de revenir sur le territoire pendant une durée d'un an et n'a pas plus méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Il résulte de tout ce qui précède, que les consorts G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. C... G..., Mme A... D... épouse G..., M. B... G... et M. F... G... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G..., à Mme A... D... épouse G..., à M. B... G..., à M. F... G... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.

Le rapporteur,

Michaël E... La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°s 22BX01541, 22BX01542, 22BX01543, 22BX01544 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01541
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-01-10;22bx01541 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award