Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Les Greniers de Sophie a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2010 à 2012 et des pénalités correspondantes et, d'autre part, des droits de taxe sur les véhicules de tourisme utilisés par les sociétés qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement nos 1601528, 1601529 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.
Par un arrêt nos 18BX02959, 18BX02960 du 17 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a partiellement déchargé la SCI Les Greniers de Sophie du montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos de 2010 à 2012, réformé le jugement précité en ce qu'il avait de contraire et rejeté le surplus des conclusions de la société.
Par une décision du 20 mai 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté par la SCI Les Greniers de Sophie, annulé l'arrêt du 17 novembre 2020 de la cour en tant qu'il statue sur les droits de taxe sur les véhicules de tourisme utilisés par les sociétés ainsi que, s'agissant des cotisations d'impôt sur les sociétés, sur les charges relatives à l'emprunt de 1 270 000 euros consenti par la société Expanso et lui a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire.
Procédure devant la cour :
I/ Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le numéro 18BX02959 les 26 juillet 2018, 28 février 2020, 2 juillet 2020, 27 septembre 2020 et 7 décembre 2022, la SCI Les Greniers de Sophie, représentée par Me Sarrouilhe puis par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 24 mai 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2010 à 2012 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la vérification de comptabilité réalisée au titre des exercices clos de 2010 à 2012 est irrégulière en l'absence d'envoi d'un avis de vérification en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales dès lors que le contrôle sur pièces et la vérification de comptabilité portent sur les mêmes années et que le contrôle sur pièces constitue en réalité une vérification de comptabilité ; ainsi deux vérifications de comptabilité ont été diligentées au titre de la même période ;
- pour l'application de l'article 218 A du code général des impôts aux sociétés civiles immobilières soumises à l'impôt sur les sociétés, le lieu d'imposition est celui correspondant à l'adresse de domiciliation lorsqu'elle ne dispose d'aucun local professionnel pour son activité ou sa direction effective en dehors de toute prise en compte du domicile personnel des gérants ;
- elle ne dispose pas de principal établissement dans le département des Pyrénées-Atlantiques et a déclaré son siège social à Paris ; dès lors qu'elle a effectué ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée auprès des services fiscaux parisiens, le lieu de son imposition est Paris ; c'est à tort que l'administration a fixé le lieu d'imposition de la société dans les Pyrénées-Atlantiques, sans prendre de décision formelle ;
- en outre si Lescar (64) constitue le lieu de domicile de son gérant, le vérificateur était incompétent territorialement pour procéder à la vérification de comptabilité de la société compte tenu du lieu de son principal établissement, situé à Paris ;
- à supposer que l'on retienne le critère posé par les dispositions de l'article 218 A du code général des impôts fixant le lieu d'imposition au principal lieu d'établissement de la société, le lieu d'imposition retenu par l'administration à Biarritz et non à Lescar est erroné ;
- il appartenait au comptable public de Pau dont dépend la commune de Lescar de signer l'avis de mise en recouvrement du 27 mars 2014 ; ainsi, le comptable public du service des impôts des entreprises de Biarritz était territorialement incompétent pour signer l'avis de mise en recouvrement en litige en méconnaissance des articles L. 256 et R. 256-8 du livre des procédures fiscales ;
- la doctrine administrative référencée BOFIP BOI-IS-DECLA-10-10-40-2015701 n°90 et n° 100 confirme cette analyse ;
- le service n'a pas pris en compte à tort les intérêts versés pour l'emprunt Expanso de 1 270 000 euros.
Par des mémoires en défense et des pièces, enregistrés les 11 février 2019, 2 avril 2020, 31 août 2020 et 18 septembre 2020, ainsi que les 22 novembre 2022 et 12 décembre 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II/ Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le numéro 18BX02960 les 26 juillet 2018, 13 mars 2020, 2 juillet 2020, 26 septembre 2020 et 7 décembre 2022, la SCI Les Greniers de Sophie, représentée par Me Sarrouilhe puis par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 24 mai 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur les véhicules de tourisme utilisés par les sociétés qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge desdits droits de taxe sur les véhicules de tourisme ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la vérification de comptabilité réalisée au titre des exercices clos de 2010 à 2012 est irrégulière en l'absence d'envoi d'un avis de vérification en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales dès lors que le contrôle sur pièces et la vérification de comptabilité portent sur les mêmes années et que le contrôle sur pièces constitue en réalité une vérification de comptabilité ; ainsi deux vérifications de comptabilité ont été diligentées au titre de la même période ;
- pour l'application de l'article 218 A du code général des impôts aux sociétés civiles immobilières soumises à l'impôt sur les sociétés, le lieu d'imposition est celui correspondant à l'adresse de domiciliation lorsqu'elle ne dispose d'aucun local professionnel pour son activité ou sa direction effective en dehors de toute prise en compte du domicile personnel des gérants ;
- elle ne dispose pas de principal établissement dans le département des Pyrénées-Atlantiques et a déclaré son siège social à Paris ; dès lors qu'elle a effectué ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée auprès des services fiscaux parisiens, le lieu de son imposition est Paris ; ainsi, c'est à tort que l'administration a fixé le lieu d'imposition de la société dans les Pyrénées-Atlantiques, sans prendre de décision formelle ;
- en outre si Lescar (64) constitue le lieu de domicile de son gérant, le vérificateur était incompétent territorialement pour procéder à la vérification de comptabilité de la société compte tenu du lieu de son principal établissement, situé à Paris ;
- à supposer que l'on retienne le critère posé par les dispositions de l'article 218 A du code général des impôts fixant le lieu d'imposition au principal lieu d'établissement de la société, le lieu d'imposition retenu par l'administration à Biarritz et non à Lescar est erroné ;
- il appartenait au comptable public de Pau dont dépend la commune de Lescar de signer l'avis de mise en recouvrement du 27 mars 2014 ; ainsi, le comptable public du service des impôts des entreprises de Biarritz était territorialement incompétent pour signer l'avis de mise en recouvrement en litige en méconnaissance des articles L. 256 et R. 256-8 du livre des procédures fiscales.
Par des mémoires en défense et des pièces, enregistrés les 11 février 2019, 5 juin 2020, 31 août 2020 et 18 septembre 2020, ainsi que les 22 novembre 2022 et 12 décembre 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Marie-Hélène A..., représentant la société Les Greniers de Sophie.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Les Greniers de Sophie, qui a pour objet l'acquisition, la gestion et l'administration de biens immobiliers et qui a opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie, selon la procédure de taxation d'office en l'absence de dépôt des déclarations requises, à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2010 à 2012 et à des droits de taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012. La société a demandé la décharge de ces impositions au tribunal administratif de Pau, qui a rejeté ses demandes par un jugement du 24 mai 2018. Par un arrêt du 17 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux l'a partiellement déchargée du montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos de 2010 à 2012 et rejeté le surplus de ses conclusions. Par une décision du 20 mai 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté par la SCI Les Greniers de Sophie, annulé l'arrêt du 17 novembre 2020 de la cour en tant qu'il statue sur les droits de taxe sur les véhicules de tourisme utilisés par les sociétés ainsi que, s'agissant des cotisations d'impôt sur les sociétés, sur les charges relatives à l'emprunt de 1 270 000 euros consenti par la société Expanso et lui a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire.
Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés des exercices clos de 2010 à 2012 en tant qu'elles concernent les charges relatives à l'emprunt de 1 270 000 euros consenti par la société Expanso :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. (...) ". Il résulte de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales qu'une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification qui doit, notamment, lui indiquer expressément qu'il a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. Cette garantie est de nature à permettre au contribuable d'être présent ou représenté lors des interventions sur place du vérificateur sans qu'il soit besoin, pour ce dernier, de l'informer préalablement de chacune de ces interventions.
3. L'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude. L'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié, au nombre desquelles figure notamment l'envoi ou la remise de l'avis de vérification auquel se réfère l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.
4. Il résulte de l'instruction que par un avis du 3 juillet 2012, la SCI Les Greniers de Sophie a été informée qu'elle faisait l'objet d'un contrôle sur place pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 prolongé jusqu'au 31 mars 2012 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Le service a procédé après la vérification de comptabilité à un contrôle sur pièces au titre de l'exercice clos le 31 mars 2012 en matière d'impôt sur les sociétés et au titre de la période courant jusqu'au 30 septembre 2012 en matière de taxe sur les véhicules de société.
5. La société soutient que ce contrôle sur pièces constitue en réalité une vérification de comptabilité et qu'elle a ainsi été privée des garanties énoncées par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Il résulte toutefois de l'instruction, qu'en l'absence de toute déclaration souscrite par la société au titre des années en litige malgré une mise en demeure, et malgré l'absence de toute intervention sur place du seul fait du contribuable qui n'a jamais rencontré le service ni donné accès au service à sa comptabilité, le service a procédé par voie de taxation d'office en application de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, à la reconstitution des charges et des recettes de la société requérante, à l'aide des éléments obtenus par l'exercice du droit de communication et notamment de factures obtenues de tiers et de documents transmis par des organismes bancaires. L'administration qui s'est ensuite bornée à tirer les conséquences de cette vérification au titre de l'exercice clos en 2012, sans comparer les éléments en sa possession avec la comptabilité de la société, n'a pas procédé pour cet exercice à une vérification de comptabilité. Par suite le moyen ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. ".
7. Il résulte de l'instruction qu'après avoir informé la société par un avis de contrôle sur place du 3 juillet 2012 qu'elle faisait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2009 à 2011, le service vérificateur lui a notifié une première proposition de rectification en date du 21 décembre 2012 qui ne concernait que l'année 2009 et précisait que la période restant à vérifier, allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, donnerait lieu à une proposition de rectification distincte. Cette proposition de rectification ultérieure a été établie le 1er août 2013 et reprend les résultats de la vérification de comptabilité opérée au titre des années 2010 et 2011 ainsi que les résultats du contrôle sur pièces opéré uniquement au titre de l'année 2012. Dès lors, contrairement à ce que la société requérante soutient, le service vérificateur n'a pas procédé à deux vérifications de comptabilité au titre de la même période. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. / (...) II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personne de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement ". Aux termes du IV de l'article 38 de la même annexe: " Les déclarations et les documents qui y sont joints doivent être remis en double exemplaire au service des impôts du siège de la direction de l'entreprise ou, à défaut, du lieu du principal établissement. / (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que la gérante de la société depuis 2008 est domiciliée quartier Eslayau à Lescar, que le principal associé, Julien Février, détenteur de 99 % des parts de la société, est domicilié 50 avenue du Maréchal Foch à Biarritz et que les immeubles détenus par la société se situent dans le département des Pyrénées-Atlantiques à Pau, Lescar, Lons et Biarritz, comme les agences bancaires hébergeant ses comptes, les établissements prêteurs, ainsi que le cabinet comptable de la société. Enfin, il n'est pas contesté que la société exerce son activité commerciale uniquement dans ce département et qu'ainsi les contrats passés par la société ont tous été signés dans ce département. Dans ces conditions, en dépit de la fixation à Paris du siège social de la société, et alors qu'il n'est pas contesté que la brigade de vérification qui a opéré le contrôle était compétente pour l'ensemble du département des Pyrénées-Atlantiques, les agents de la brigade de vérification étaient territorialement compétents pour procéder aux contrôles et notifier les impositions correspondantes. Si la société requérante fait valoir qu'elle aurait déposé en 2014 des déclarations rectificatives de taxe sur la valeur ajoutée à Paris, cette circonstance, à la supposer établie, étant postérieure aux années et périodes d'imposition en litige, est sans incidence.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 206 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne l'impôt sur le revenu et les taxes assimilées et l'impôt sur les sociétés, les contestations relatives au lieu d'imposition ne peuvent, en aucun cas, entraîner l'annulation de l'imposition ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires, qu'elles font obstacle à ce que le contribuable obtienne la décharge de l'une des impositions qu'elles mentionnent au seul motif que l'avis de mise en recouvrement qui l'a établie aurait été signé par une autorité territorialement incompétente. Il y a lieu ainsi d'écarter comme inopérant le moyen tiré de l'incompétence du comptable public soulevé par la requérante.
S'agissant de l'application de la doctrine :
11. La doctrine administrative référencée BOFIP BOI-IS-DECLA-10-10-40 du 7 janvier 2015 dont se prévaut la requérante, ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente susceptible d'être opposée à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Au surplus, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une interprétation portant sur la procédure d'imposition.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition en litige :
S'agissant de la charge de la preuve :
12. En vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, comme ce fut le cas de la détermination du montant des bénéfices industriels et commerciaux de la SCI Les Greniers de Sophie au titre des exercices 2010, 2011 et 2012, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. La société requérante, qui ne conteste pas le recours à la procédure de la taxation d'office, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré du montant du chiffre d'affaires reconstitué par l'administration.
S'agissant du montant du bénéfice imposable :
13. D'une part, aux termes des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Par ailleurs, aux termes du 1 de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges : /1° Les frais généraux de toute nature (...) /4° (...) les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...)/ 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Pour être admis en déduction des bénéfices imposables les frais et charges doivent être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise, correspondre à une charge effective, être appuyés de justifications suffisantes et être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel ils ont été engagés.
14. En outre, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, en particulier par la production d'une facture régulièrement émise par un tiers, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
15. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier la comptabilisation, en charge, d'intérêts d'emprunt, la société requérante produit un contrat de prêt qu'elle a conclu le 10 juillet 2003 avec la société Expanso (société pour le développement régional), pour un montant de 1 270 000 euros moyennant un remboursement sur une durée de neuf ans et un taux d'intérêt égal à l'indice TEC 10 en vigueur au jour du versement, majoré de 2,2 points. Ce prêt a vocation à financer l'activité de la société requérante. Le ministre qui se borne à soutenir que cette dernière ne produit pas le contrat de prêt précité puis dans le dernier état de ses écritures qu'il n'existe pas de corrélation entre ce prêt et l'acquisition d'un immeuble donné en location par l'intéressée n'apporte aucun élément probant de nature à établir que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. Par suite, la société requérante établit, sur la base du tableau d'amortissement qu'elle produit également, avoir supporté des charges déductibles en rapport avec l'activité de l'entreprise pour des montants respectifs au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 de 31 906,49 euros, 21 454,76 euros et 10 315,70 euros. En revanche, le versement de primes d'assurance pour la contraction de ce prêt n'est pas établi.
Sur les droits de taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 :
16. En premier lieu, à l'exception du moyen tiré de l'incompétence du comptable public qui appelle une réponse propre, les moyens de procédure soulevés contre les droits de taxe sur les véhicules de société doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus pour écarter les moyens de procédure identiques soulevés à l'encontre des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés des exercices clos de 2010 à 2012, étant précisé qu'en vertu du I de l'article 406 bis de l'annexe III au code général des impôts, la déclaration prévue à l'article 1010 du code général des impôts, en matière de taxe sur les véhicules de tourisme utilisés par les sociétés, est déposée " au service des impôts du lieu où doit être établie la déclaration de résultats de l'entreprise ".
17. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 218 A du code général des impôts : " 1. L'impôt sur les sociétés est établi au lieu du principal établissement de la personne morale. / Toutefois, l'administration peut désigner comme lieu d'imposition : / soit celui où est assurée la direction effective de la société ; / soit celui de son siège social. / (...) ". Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent. / (...) ". Aux termes de l'article L. 257 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires (...), sous l'autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation ". Aux termes de l'article R. 256-8 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Le comptable mentionné aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 256 est le comptable de la direction générale des finances publiques (...). / Le comptable public compétent pour établir l'avis de mise en recouvrement est soit celui du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable, soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, celui compétent à l'issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement. / (...) ".
18. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 16 juin 2009 relatif aux services déconcentrés de la direction générale des finances publiques : " Les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques sont constitués des directions départementales des finances publiques, des directions régionales des finances publiques, des directions spécialisées des finances publiques et des directions locales des finances publiques. ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Les directions départementales des finances publiques assurent la mise en œuvre, dans le ressort territorial du département, sans préjudice des compétences dévolues à d'autres services déconcentrés et services à compétence nationale de la direction générale des finances publiques, des missions dévolues à cette direction générale en ce qui concerne notamment : / 1° L'assiette et le contrôle des impôts, droits, cotisations et taxes de toute nature et ceux d'autres recettes publiques ; / 2° Le recouvrement des impôts, droits, cotisations et taxes de toute nature et celui d'autres recettes publiques (...) ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " Les directions mentionnées à l'article 1er comprennent des services et des postes comptables, notamment des services des impôts des particuliers et des pôles de recouvrement spécialisé, dont la liste, les attributions, l'organisation et, en tant que de besoin et pour ce qui concerne les missions liées au recouvrement de l'impôt des particuliers, à la publicité foncière et à la gestion financière et comptable des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, le ressort territorial sont fixés par arrêté du ministre chargé du budget ". En vertu de l'article 2 de l'arrêté du 21 mars 2006 portant réorganisation des postes comptables de la direction générale des impôts, ceux d'entre eux qui étaient jusqu'alors appelés " recettes des impôts " ont pris la dénomination de " services des impôts des entreprises ".
19. Il résulte des dispositions précitées que le chef du service comptable d'un service des impôts des entreprises (SIE), ainsi que ceux de ses agents à qui une délégation a été donnée, sont compétents, dans les limites du ressort territorial de ce service, pour signer les avis de mise en recouvrement prévus par l'article L. 256 du livre des procédures fiscales.
20. Il résulte de l'instruction que si la gérante de la société requérante, depuis 2008, est domiciliée à Lescar, commune située dans le ressort territorial du SIE de Pau, toutefois, durant la période vérifiée, l'actionnaire majoritaire et ancien gérant demeurait à Biarritz, deux des cinq immeubles de la société étaient situés à Biarritz, l'administration disposait d'une adresse fiscale connue comme étant le principal établissement de la SCI au 50 avenue du Maréchal Foch à Biarritz, alors que la société n'avait déposé aucune déclaration de résultat à Pau. Dans ces conditions, l'avis de mise en recouvrement du 27 mars 2014 qui a mis les impositions litigieuses à la charge de la société requérante a été signé compétemment par le chef du service comptable du SIE de Biarritz et n'est donc entaché d'aucune irrégularité.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Greniers de Sophie est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés des exercices clos de 2010 à 2012 en tant qu'elles se rapportent à des intérêts supportés pour emprunter la somme de 1 270 000 euros à la société Expanso. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SCI Les Greniers de Sophie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La SCI Les Greniers de Sophie est déchargée en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos 2010, 2011 et 2012 pour des montants en base de 31 906,49 euros, 21 454,76 euros et 10 315,70 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI Les Greniers de Sophie la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Les Greniers de Sophie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.
La rapporteure,
Bénédicte A...La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 22BX01425