Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 20 décembre 2018 par laquelle le directeur régional de Pôle emploi Martinique lui a accordé le bénéfice d'une bonification d'ancienneté, en tant que cette bonification ne lui a été accordée qu'à compter de l'année 2011 et a été limitée à un mois par an au titre des années 2011 à 2013.
Par un jugement n°1900106 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de la Martinique a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 25 novembre 2022, Pôle Emploi, représenté par Me Lonqueue, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 15 octobre 2020 ;
2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Il soutient que :
- en application de la circulaire du 19 mai 1998, de la décision n°2007-1273 du 1er octobre 2007 et de l'article 4 de la décision n°2016-40 du 1er mars 2016, seuls les agents exerçant leurs fonctions depuis trois ans dans une agence locale en Martinique bénéficient d'une prime d'ancienneté d'un mois pour chacune des 3 premières années et de deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année ;
- Mme A... n'établit pas qu'elle remplissait les conditions prévues par ces circulaire et décisions ;
- dès lors que sa gestion ne relève pas de la comptabilité publique, elle était fondée à opposer la prescription quinquennale de droit commun pour les années antérieures à 2011.
Par un mémoire enregistré le 12 avril 2022, Mme A..., représentée par Me Fages, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Pôle Emploi au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil,
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968
- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995,
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Blanleuil, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée à effet du 1er octobre 2008 sur un poste de conseiller à l'ANPE de Fort-de-France (Martinique) avec le statut d'agent contractuel de droit public. Par lettre du 20 septembre 2016, elle a été informée que, depuis 2008, elle n'avait pas perçu la bonification d'ancienneté à laquelle elle avait droit, que le bénéfice de cet avantage lui était accordé rétroactivement dans la limite de la prescription quinquennale de droit commun et qu'en conséquence elle bénéficierait d'une bonification de deux mois d'ancienneté à compter du 1er janvier 2011. Par une décision du 20 décembre 2018, le directeur régional de Pôle emploi Martinique ne lui a finalement accordé qu'une bonification d'ancienneté d'un mois par an à compter de l'année 2011 et pour les deux années suivantes puis de deux mois par an à compter de l'année 2014. Pôle emploi relève appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé cette décision en tant que cette bonification n'a été accordée à Mme A... qu'à compter de l'année 2011 et a été limitée à un mois par an au titre des années 2011 à 2013.
2. En premier lieu, le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 a institué un avantage spécifique d'ancienneté au bénéfice des fonctionnaires et agents non titulaires de l'Etat justifiant de trois ans au moins de services continus accomplis dans un même quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, dites zones urbaines sensibles. Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Lorsqu'ils justifient de trois ans au moins de services continus accomplis dans un quartier urbain désigné en application de l'article 1er ci-dessus, les fonctionnaires de l'Etat ont droit, pour l'avancement, à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année. " Ce décret a été mis en œuvre au sein de l'ANPE, devenue Pôle Emploi, par une circulaire du 19 mai 1998. Par une décision n° 2007-1273 du 1er octobre 2007 et à effet du 27 juin 2007, le directeur général de l'ANPE a assimilé les agences locales de l'ANPE situées, notamment, en Martinique à celles classées en zone urbaine sensible pour l'application de la circulaire du 19 mai 1998. Par une décision du directeur général de Pôle Emploi n°2016-40 du 1er mars 2016, cette circulaire du 19 mai 1998 a été actualisée pour tenir compte de la transformation des zones urbaines sensibles en quartiers prioritaires pour la politique de la ville.
3. D'une part, il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient Pôle Emploi, la bonification d'ancienneté est accordée à tous les agents de droit public accomplissant leur service dans une agence locale de l'ANPE puis de Pôle Emploi depuis plus de 3 ans en Martinique dès lors que ce service est assimilé à un service accompli dans une zone sensible urbaine, ainsi qu'il ressort au demeurant explicitement de la lettre de Pôle emploi du 20 septembre 2016.
4. D'autre part, si Pôle emploi soutient, pour la première fois en appel, que Mme A... n'établirait pas avoir accompli son service dans une agence locale de l'ANPE puis de Pôle Emploi en Martinique entre le mois d'octobre 2008 et le 1er janvier 2011, il ressort du contrat de travail de celle-ci qu'elle a été recrutée sur un emploi de conseiller qui impliquait nécessairement qu'elle l'exerce dans une agence locale. En outre il ressort de la lettre de Pôle emploi du 20 septembre 2016 qu'elle exerçait toujours cet emploi en Martinique à cette date et qu'elle remplissait les conditions permettant de bénéficier de la bonification d'ancienneté au titre des années 2008 à 2010.
5. Ainsi Mme A... justifie avoir accompli un service continu dans une agence locale dans une zone assimilée à une zone urbaine sensible depuis son recrutement. La décision litigieuse du 20 décembre 2018 lui reconnaissant un droit à bonification à compter du 1er janvier 2011, Mme A... avait dès lors droit à un avancement d'ancienneté d'un mois au titre de chacun des trois années antérieures puis de deux mois par an au titre des années 2011 et suivantes
6. En second lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ; " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. " L'article 2224 du code civil prévoit que : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ".
7. D'une part, il résulte des dispositions combinées des articles R.5312-1 et L.5312-8 du code du travail que Pôle Emploi est un établissement public à caractère administratif soumis en matière de gestion financière et comptable aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales. Par suite, faute d'être doté d'un comptable public, Pôle Emploi ne pouvait opposer aux demandes de Mme A... la prescription quadriennale prévue par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 mais pouvait en revanche se prévaloir de la prescription quinquennale de droit commun prévue par les dispositions de l'article 2224 du code civil.
8. En l'occurrence, la décision du directeur général de l'ANPE n° 2007-1273 du 1er octobre 2007 a été publiée au Bulletin officiel de l'ANPE le 18 octobre 2007 et les agents concernés étaient en mesure d'en prendre connaissance à compter de cette date ou à compter de leur recrutement par l'ANPE s'il est intervenu postérieurement, comme c'est le cas de la défenderesse. En application de cette décision et ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme A... avait droit à une bonification d'ancienneté à compter du 1er janvier 2011, s'agissant des trois années antérieures, et pouvait donc en réclamer le bénéfice à compter de cette date. En application des dispositions précitées de l'article 2224 du code civil, cette action s'est prescrite, cinq ans plus tard, le 1er janvier 2016 sans que Mme A... puisse utilement faire valoir qu'elle n'a effectivement pris connaissance de ce droit à bonification qu'à la lecture de la lettre que lui a adressée Pôle Emploi le 20 septembre 2016. Ainsi, Pôle Emploi a pu, à bon droit, opposer la prescription quinquennale de droit commun concernant les droits à bonification d'ancienneté acquis par Mme A... concernant la période antérieure au 1er janvier 2011.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Pôle Emploi est seulement fondé à demander l'annulation, dans cette seule mesure, du jugement attaqué.
10. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 15 octobre 2020 est annulé en tant qu'il a annulé les dispositions de la décision du 20 décembre 2018 opposant à Mme A... la prescription quinquennale pour la période antérieure à l'année 2011.
Article 2: Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à Pôle Emploi.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2022.
Le rapporteur,
Manuel C...
Le président,
Didier ArtusLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°20BX04042 2