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16/12/2022 | FRANCE | N°22BX01075

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 décembre 2022, 22BX01075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision de refus de séjour et d'expulsion du 23 mars 2021 du préfet de Lot-et-Garonne.

Par un jugement n° 2102525 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 avril et 17 juin 2022, M. E..., représenté par la AARPI Themis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement d

u tribunal administratif de Bordeaux du 8 février 2022 ;

2°) d'annuler les décisions de refus de séjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision de refus de séjour et d'expulsion du 23 mars 2021 du préfet de Lot-et-Garonne.

Par un jugement n° 2102525 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 avril et 17 juin 2022, M. E..., représenté par la AARPI Themis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 février 2022 ;

2°) d'annuler les décisions de refus de séjour et d'expulsion du préfet de Lot-et-Garonne du 23 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

Sur la décision valant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside en France depuis plus de quinze ans ;

Sur la décision valant expulsion du territoire français :

- le préfet ne démontre pas que la commission d'expulsion était régulièrement composée ;

- elle méconnaît les dispositions alors en vigueur de l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation ;

Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2022, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 juillet 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2022 à 12h00.

Par un courrier du 30 novembre 2022, les parties ont été informées, en application de dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, en raison de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe soulevé en appel, tiré de l'irrégularité de la composition de la commission d'expulsion, seuls des moyens de légalité externe ayant été soulevés en première instance.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant marocain né le 6 novembre 1990, est entré en France le 28 février 2005. Le 17 mars 2009, il a obtenu une carte de résident de dix ans au titre de l'article 5 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Entre 2010 et 2019, M. E... a été condamné à sept reprises pour différents délits et un crime. Le 20 février 2020, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 23 mars 2021, le préfet de Lot-et-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour et a prononcé son expulsion du territoire français. M. E... relève appel du jugement du 8 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2021.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

2. Seuls des moyens relevant de la légalité interne de l'arrêté contesté ont été soulevés devant les premiers juges. Par suite, les moyens tirés, d'une part, de ce que de ce que la décision valant expulsion, qui a été signée par le préfet et n'est donc entachée d'aucune incompétence, aurait méconnu les dispositions alors en vigueur des articles L. 522-1 et L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui procèdent d'une cause juridique nouvelle, ne sont pas recevables en appel et ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être écartés.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Sur la décision valant refus de séjour :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré sur le territoire français en 2005 à l'âge de 15 ans afin de rejoindre son père dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. Il y a séjourné sous couvert d'un document de circulation pour étranger mineur puis d'un titre de séjour. Il a fait l'objet d'une condamnation par le tribunal correctionnel d'Agen le 17 septembre 2010 à 2 mois d'emprisonnement avec sursis pour un vol en réunion, par le tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan le 6 mai 2015 à deux mois d'emprisonnement pour détention non autorisée de stupéfiants, le 11 février 2016 à trois mois d'emprisonnement pour rébellion, le 7 juillet 2016 à 4 mois d'emprisonnement pour violence suivie d'incapacité supérieure à 8 jours, le 1er juin 2017 à 4 mois d'emprisonnement pour violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique sans incapacité, par la cour d'assises d'appel des mineurs le 21 juin 2016 à 14 ans de réclusion criminelle pour violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner, et par la cour d'appel d'Agen le 13 juin 2019 à huit mois d'emprisonnement pour proposition ou fourniture d'avantage à une personne dépositaire de l'autorité publique. Eu égard à la nature, à la répétition et à la gravité des faits dont l'intéressé s'est rendu coupable, le préfet de Lot-et-Garonne a pu légalement estimer, après examen de la situation du requérant à la date de l'arrêté contesté et après avis de la commission d'expulsion du 16 décembre 2020, que le comportement d'ensemble de M. E... constituait une menace grave pour l'ordre public justifiant qu'une procédure d'expulsion du territoire français soit mise en œuvre à son encontre, alors même que l'intéressé, qui a bénéficié d'un suivi médico-psychologique, soutient avoir pris conscience de la gravité de ses actes durant sa détention et affiche une volonté de réinsertion à l'issue de celle-ci.

5. Si M. E... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 2005 ainsi que de celle de sa mère, il est célibataire, sans charge de famille et ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de 15 ans et où réside sa sœur. Dans ces conditions, et eu égard à la menace pour l'ordre public qu'il représente, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour du préfet de Lot-et-Garonne du 23 mars 2021 a porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

Sur la décision valant expulsion du territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : (...) / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans (...) / Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger visé aux 1° à 5° peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le préfet de Lot-et-Garonne a pu considérer que la présence de M. E... constituait une menace grave pour l'ordre public. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision par laquelle le préfet de Lot-et-Garonne a prononcé son expulsion du territoire français aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entachée d'erreur d'appréciation doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. C... F..., premiers conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le conseiller le plus ancien,

Nicolas NormandLa présidente-rapporteure,

Evelyne A... La greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01075
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : AARPI THEMIS AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-16;22bx01075 ?
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