Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exploitation du Garage de Robinson a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 13 août 2014 par le président directeur général de 1'Agence de services et de paiement, pour un montant de 70 000 euros, et de la décharger de l'obligation de payer résultant de ce titre.
Par un jugement n° 1401782 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 avril 2017 et le 7 septembre 2018, la société d'exploitation du Garage de Robinson, représentée par Me Bellanger, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401782 du tribunal administratif de Limoges du 23 février 2017 ;
2°) d'annuler le titre exécutoire du 13 août 2014 et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 70 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Agence de services et de paiement la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement car il n'a pas indiqué les motifs pour lesquels il a estimé que la notion de véhicules neufs définie par l'article 298 sexies du code général des impôts trouvait à s'appliquer en l'espèce ;
- l'Agence de services et de paiement ne pouvait exiger, dans le cadre de son contrôle de l'éligibilité à l'aide pour l'achat de véhicules propres, qu'elle fournisse des pièces autres que celles mentionnées par l'arrêté ministériel du 26 décembre 2007 et l'annexe à la convention signée en février 2008 avec la société pour la gestion du bonus écologique ;
- c'est à tort qu'il lui est demandé, au titre de son contrôle de l'éligibilité au dispositif du bonus écologique, de s'assurer que les conditions d'éligibilité demeuraient remplies après la vente, alors que le dispositif prévu par les dispositions réglementaires et stipulations contractuelles définit un contrôle a priori de l'éligibilité du dossier par le vendeur à la date d'acquisition du véhicule ; le contrôle a posteriori de l'ASP ne l'autorisait pas à lui demander de lui fournir une pièce justificative non prévue par l'article 1er de l'arrêté du 26 décembre 2007 - à savoir une attestation certifiant que le bénéficiaire de l'aide avancée était toujours propriétaire du véhicule - pour s'assurer du respect de la condition posée par le 4° de l'article 1er du décret du 26 décembre 2007 ; elle ne dispose d'aucun moyen de vérifier si, après la vente, l'acheteur continue de remplir les conditions pour obtenir l'aide ;
- il n'y a pas eu de cession de véhicules entre la société Evercar France, à qui elle a vendu les véhicules, et la société Evercar Belgique ; il n'y a pas eu un transfert de propriété des véhicules mais livraison de ces biens entre deux établissements qui appartiennent à une même personne morale ; cette livraison se rapproche par analogie de la situation envisagée par le III de l'article 256 du code général des impôts ;
- les véhicules concernés par l'opération en litige ne sont pas des véhicules neufs ; le tribunal ne pouvait retenir la définition du véhicule neuf résultant du décret du 30 octobre 2013 dès lors que les opérations en litige ont été réalisées antérieurement à son entrée en vigueur ; la notion de véhicule neuf ne pouvait davantage être appréhendée au regard de l'article 298 sexies du code général des impôts ; il s'agit d'une définition fiscale qui ne saurait trouver à s'appliquer en l'espèce ; les dispositions du décret du 26 décembre 2007 appréhendent la notion de " véhicule neuf " par rapport à la seule immatriculation du véhicule ;
- le titre exécutoire en litige est privé de base légale dès lors qu'il est fondé sur l'article 5 de la convention pour la gestion du bonus écologique, signée en février 2008, lequel impose à l'acquéreur de supporter sur son patrimoine les conséquences pécuniaires des agissements du bénéficiaire de l'aide ; ce faisant, l'article 5 méconnaît le droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par le premier protocole additionnel à l'article premier de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'article 1er du décret n° 2007-1873 du 26 décembre 2007 subordonne le bénéfice de l'aide attribuée par le fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres créé par l'article 63 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, notamment à la condition de justifier " d'un domicile ou d'un établissement en France "; cet article ne définit aucune exigence particulière s'agissant de l'établissement en France ; la société Evercar SPRL, société de droit belge, est immatriculée, depuis le 20 novembre 2012, au registre du commerce et des sociétés de Paris et dispose, depuis cette date et de manière continue, d'un établissement situé à Paris.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2017, l'Agence de services et de paiement, représentée par Me Brouard et Me Rasseneur, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mise à la charge de la société requérante la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens invoqués par la société d'exploitation du Garage du Robinson ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, présenté le 3 octobre 2018, le conseil national des professions de l'automobile, représenté par la SCP Bourgeon-Meresse-Guillin-Bellet et Associés, demande à la cour l'annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges.
Par un arrêt n° 17BX01302 du 5 mars 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête.
Par une décision n° 430519 en date du 10 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la société d'exploitation du Garage de Robinson, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :
Par des mémoires enregistrés les 13 avril et 16 juin 2021, la société d'exploitation du Garage de Robinson, représentée par Me Bailliencourt, conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures.
Elle soutient que :
- le vendeur du véhicule susceptible de relever du dispositif du bonus écologique n'a que l'obligation de s'assurer de l'éligibilité du dossier de demande présenté par l'acheteur ; en conséquence, le vendeur ne peut refuser de consentir l'avance du bonus écologique à l'acquéreur que si et seulement il a un doute manifeste sur le respect par l'acheteur de la réglementation relative à cette aide de l'Etat ; le simple doute ou la supposition ne suffit pas ;
- l'ASP ne peut pas, dans le cadre de son contrôle a posteriori, demander au vendeur des renseignements et des pièces relatives au comportement de l'acquéreur postérieurement à la vente ; si elle entend exiger du vendeur le remboursement du montant de l'aide dont il a fait l'avance à l'acheteur, l'ASP doit, sous le contrôle du juge administratif, caractériser le manquement du vendeur dans le contrôle qui lui incombe au moment de la vente du véhicule ;
- l'ASP a, dans le cadre de la procédure de contrôle a posteriori prévue par l'article 5 de la convention conclue avec elle, demandé de produire des pièces qu'elle n'était pas légalement en droit d'exiger d'elle, à savoir, avec la copie du certificat d'immatriculation, une attestation certifiant que la société Evercar était toujours propriétaire des véhicules achetés entre mars et juin 2013 ou, le cas échéant, une copie des certificats de cession ;
- elle n'était pas en mesure, au moment de la vente des véhicules électriques et au vu des pièces exigibles pour la constitution des dossiers d'éligibilité à l'aide, de suspecter une intention de fraude du bénéficiaire de l'aide ;
- les certificats de cession, établis par la société Evercar plus de deux ans après l'acquisition des véhicules auprès d'elle, dans le seul but de répondre à la demande de cette société pour les besoins du contrôle mené par l'ASP, ne peuvent pas être regardés comme des éléments probants attestant de l'existence d'une cession de ces véhicules par l'acquéreur en tant que véhicules neufs au sens du 4° de l'article 1er du décret n° 2007-1873 du 26 décembre 2007 dans sa rédaction alors en vigueur ;
- dès lors qu'elle n'a eu connaissance de l'existence de ces certificats qu'au cours des opérations de contrôle de l'ASP et non au moment de la vente des véhicules à la société Evercar, elle ne disposait d'aucun élément tangible pour appréhender, lors de cette vente, les intentions de la société Evercar ;
- c'est sur l'ASP que pèse la charge de la preuve de caractériser son manquement dans le contrôle qui lui incombe au moment de la vente du véhicule ; estimant qu'il lui appartient de démontrer qu'elle a respecté son obligation de s'assurer de l'éligibilité du dossier de demande d'obtention du bonus écologique, l'ASP procède à une inversion de la règle de la charge de la preuve en la faisant peser sur le vendeur alors que c'est à elle d'établir le manquement du vendeur ;
- elle entend reprendre le bénéfice de son argumentation développée dans sa requête d'appel et son mémoire en réplique déposés dans le cadre de l'instance, reprise après cassation ;
- il n'y a eu aucune vente ou cession des véhicules achetés par la société Evercar en tant que véhicules neufs ;
- ces véhicules avaient fait l'objet d'une première immatriculation en France dans une série définitive avant d'être livrés à la société Evercar et d'être utilisés par celle-ci ; la notion de véhicule neuf doit s'entendre du véhicule automobile qui n'a pas été immatriculé dans une série définitive ;
- les dispositions du décret n° 2007-1873 du 26 décembre 2007 n'imposent au vendeur qu'une obligation de moyen ;
- les circonstances dans lesquelles la société Evercar s'est constituée ne faisaient pas obstacle à ce qu'elle puisse légitimement estimer, lors de son contrôle de l'éligibilité du dossier effectué au moment de la vente des véhicules électriques, que sa cliente était éligible au dispositif d'aide ; la nationalité belge de la société Evercar est sans aucun rapport avec une éventuelle destination à la revente des véhicules achetés comme véhicules neufs ; la circonstance que la société Evercar ait été créée en novembre 2012, moins de six mois avant l'achat des dix véhicules électriques auprès d'elle, n'est pas non plus une considération pouvant justifier l'exclusion de cette société du dispositif du bonus écologique ;
- l'extrait Kbis fourni par le représentant de la société Evercar au moment de la vente des véhicules automobiles électriques permettait de considérer que cette condition d'un domicile ou d'un établissement en France était satisfaite, puisqu'il fait état d'un établissement en France situé à Paris ; l'adresse était parfaitement compatible avec les activités de services de la société Evercar, lesquelles ne nécessitaient pas des moyens humains et des équipements importants ;
- l'activité de la société Evercar porte indistinctement sur la vente et la location de véhicules neufs et d'occasion ; compte tenu de la nature des activités de sa cliente, elle pouvait légitimement considérer, au moment de la commande, que le nombre de véhicules achetés s'expliquait par la nécessité de la société Evercar de constituer une flotte pour son activité de location ; de telles circonstances ne lui permettaient pas de suspecter, au moment de la vente de ces véhicules, une intention de fraude ;
- elle n'a disposé des " certificats de cession " de véhicules, qui avaient été établis par la société Evercar postérieurement à la vente que parce qu'elle les a sollicités auprès de sa cliente, laquelle n'avait aucune obligation de les lui transmettre ; elle les a sollicités pour répondre à la demande de l'ASP dans le cadre de son contrôle a posteriori, alors même que ces documents ne pouvaient pas être légalement exigés par l'autorité administrative ;
- la condition relative à la période des six mois suivant la date de première mise en service ou à la distance inférieure à 6 000 km ne lui est pas opposable, dès lors que cette condition n'a été insérée dans le décret du 26 décembre 2007 qu'à compter du 1er novembre 2013, postérieurement à la vente des véhicules électriques, par le décret n° 2013-971du 30 octobre 2013.
Par un mémoire enregistré le 1er juin 2021, l'Agence de Services et de Paiement (ASP), représentée par Me Brouard et Me Rasseneur, conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la société d'exploitation du Garage du Robinson ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 1er septembre 2021, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 ;
- le décret n° 2007-1873 du 26 décembre 2008 ;
- l'arrêté du 26 décembre 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Cabanne, rapporteure publique ;
- les observations de Me Bailliencourt, représentant la société d'exploitation du Garage du Robinson et de Me Baudorre, représentant l'Agence de services et de paiement.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exploitation du Garage de Robinson, qui a pour activité l'achat, la vente, l'entretien et la réparation de véhicules neufs ou d'occasion, a signé le 18 février 2008 avec le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), devenu l'Agence de services et de paiement (ASP), une convention ayant pour objet la mise en œuvre du décret n° 2007-1873 du 26 décembre 2007 instituant une aide à l'acquisition des véhicules propres dite " bonus écologique ". Cette convention permettait notamment à la société d'exploitation du Garage du Robinson d'avancer à ses clients le montant de l'aide avant d'en solliciter le remboursement auprès de l'Agence. Les 23 et 24 avril 2013, la société a vendu dix véhicules identiques à la société Evercar France en déduisant du montant de chacune de ces ventes la somme de 7 000 euros au titre du " bonus écologique ". L'ASP a remboursé à la société le montant total de l'aide dont a bénéficié l'acquéreur, soit 70 000 euros, avant d'engager, à compter du 24 avril 2014, un contrôle à l'issue duquel elle a estimé que les conditions du versement de l'aide n'étaient pas remplies. L'ASP a adressé le 4 septembre 2014 un ordre de reversement, d'un montant global de 70 000 euros, de l'aide attribuée que la société d'exploitation du Garage du Robinson a contesté devant le tribunal administratif de Limoges. Par une décision du 10 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 5 mars 2019 de la cour administrative d'appel de Bordeaux confirmant le jugement n° 1401782 du 23 février 2017 et a renvoyé l'affaire à la cour pour qu'elle soit de nouveau jugée.
Sur l'intervention du Conseil national des professions de l'automobile :
2. Le Conseil national des professions de l'automobile est un syndicat professionnel qui défend les intérêts des professionnels assurant des activités de commerce et de services dans le domaine de l'automobile. Par suite, il justifie d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien des conclusions présentées par la société requérante.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Le V de l'article 63 de la loi du 25 décembre 2007 de finances rectificatives pour 2007 a institué, au titre des " mesures fiscales non rattachées " un fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres. L'article 1er du décret n° 2007-1873 du 26 décembre 2007 fixe en particulier, pour " toute personne justifiant d'un domicile ou d'un établissement en France " les conditions d'attribution de cette aide que le véhicule automobile terrestre à moteur concerné doit satisfaire, à la date de sa facturation. Selon le 4° de cet article, cette aide ne peut être accordée que si le véhicule " n'est pas destiné à être cédé par l'acquéreur en tant que véhicule neuf. " Aux termes de l'article 8 de ce même décret, dans les termes applicables au litige : " En dehors de la procédure de paiement de droit commun, consistant dans le paiement direct au bénéficiaire, chaque vendeur (...) peut demander à passer avec le directeur général de l'Agence de services et de paiement une convention aux termes de laquelle l'avance de l'aide pourra être faite par le titulaire de la convention ou par son réseau, le titulaire de la convention en obtenant ensuite le remboursement par le fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres (...) ".
4. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 26 décembre 2007 relatif aux modalités de gestion de l'aide à l'acquisition des véhicules propres : " Dans le cas où le vendeur du véhicule neuf (...) fait, comme cela est prévu par l'article 8 du décret du 26 décembre 2007 susvisé, l'avance du montant de l'aide, il exige du bénéficiaire de l'aide les pièces justificatives nécessaires à la constitution du dossier prévu à l'article 1er ou à l'article 2 (...) ", ces derniers articles énumérant les pièces justificatives exigées en cas de demande adressée directement à l'ASP, parmi lesquelles un justificatif de moins de trois mois établissant l'existence d'un domicile ou d'un établissement en France, si le nom et l'adresse du bénéficiaire de l'aide ne figurent pas sur le certificat d'immatriculation, pour le véhicule neuf, ouvrant droit au bénéfice de l'aide, une copie de la facture d'achat avec mention du nom et de l'adresse du propriétaire, la désignation précise du véhicule et la date de facturation du véhicule, une copie du certificat d'immatriculation du véhicule ou, à compter de l'entrée en vigueur du nouveau système d'immatriculation des véhicules, du certificat provisoire d'immatriculation. L'article 4 du même arrêté précise que " (...) Le Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres instruit les demandes de remboursement mentionnées à l'article 3. La convention conclue avec le demandeur définit les conditions d'instruction de ces demandes et les procédures de contrôle. ".
5. Aux termes de l'article 2 de la convention signée le 18 février 2008 entre le CNASEA et la société requérante : " Le titulaire de la convention s'assure de l'éligibilité du dossier. II constitue le dossier et s'assure sous sa responsabilité de la présence, de la validité et de la conformité des pièces justificatives décrites à l'annexe 1. Il est également responsable de la conservation de l'ensemble des pièces justifiant de l'éligibilité du dossier du bénéficiaire aux aides susmentionnées. Ces pièces seront conservées par le titulaire de la convention pendant une durée de 3 ans, en plus de l'année de la demande de remboursement. La liste de ces pièces justificatives est rappelée dans l'annexe 1 de la présente convention. /Le titulaire de la convention sera responsable des données qu'il a transmises au Cnasea, (...) en vue du remboursement des avances qu'il aura consenties aux bénéficiaires ou du versement de l'aide lorsqu'il en sera le bénéficiaire. " et de l'article 5 de cette même convention : " Le Cnasea procédera à des contrôles par sondage a posteriori. Ces contrôles pourront être exercés au cours de la période durant laquelle le titulaire de la convention s'est engagé à conserver les pièces justificatives (cf. article 2 de la convention). (...) En cas, de paiement indu, le Cnasea procédera au recouvrement en émettant un ordre de reversement qui sera notifié au titulaire de la convention. Cet ordre de reversement sera éventuellement compensé sur le versement suivant. Dès lors qu'il sera constaté un taux d'anomalies graves significatif sur le panel de dossiers contrôlés, le Cnasea exigera l'envoi de nouveaux dossiers aux fins de contrôle. Si à l'issue de ce nouvel examen, le taux d'anomalies graves significatif est confirmé sur ce nouveau panel, le Cnasea en informe par courrier recommandé avec avis de réception le titulaire de la convention. Celui-ci dispose alors d'un délai de réponse de 20 jours ouvrés pour fournir des éléments complémentaires. A défaut de transmission ou si ces documents n'étaient pas de nature à lever les anomalies, la convention serait résiliée de plein droit et plus aucun remboursement ne serait consenti au titulaire dans le cadre de cette convention. (...) La notion d'anomalie grave est définie notamment comme suit : /si l'aide est indûment accordée, /si les pièces ont été falsifiées (caractéristiques ou mentions des pièces volontairement erronées), /si les pièces constitutives d'un dossier et les éléments complémentaires apportés ou tout autre moyen de preuve ne permettent de s'assurer de l'éligibilité du dossier (...), ".
6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'aide à l'acquisition de véhicules propres est subordonnée au respect de conditions d'éligibilité et à un engagement du bénéficiaire de l'aide. D'une part, au titre des conditions d'éligibilité, le demandeur doit justifier d'un domicile ou d'un établissement en France et acquérir ou prendre en location, dans les conditions précisées par le décret du 26 décembre 2007, un véhicule neuf répondant à certaines caractéristiques techniques. D'autre part, en application du 4° de l'article 1er du décret, le bénéficiaire de l'aide s'engage à ne pas destiner le véhicule acquis à la vente en tant que véhicule neuf. Dans le cas contraire, il s'expose à une action en récupération de l'aide indûment perçue. Lorsque le montant de l'aide a été avancé à l'acheteur par le vendeur du véhicule, dans le cadre d'une convention signée sur le fondement de l'article 8 du décret cité au point 2, l'ASP peut, en cas de paiement indu, ordonner le reversement par le vendeur des véhicules du montant des aides que ce dernier avait avancé et dont il avait obtenu le remboursement, s'il est établi que le vendeur n'a pas satisfait à l'obligation qui lui incombe de s'assurer de l'éligibilité du dossier de demande présenté par l'acheteur. A ce titre, il appartient au vendeur de refuser de consentir une avance de l'aide en cas de doute manifeste sur le respect par l'acheteur de la règlementation relative à l'aide, notamment s'il apparait au vendeur que l'acheteur destine les véhicules en cause à la revente comme véhicules neufs.
7. Il résulte de l'instruction que par lettres des 24 avril et 23 mai 2014, l'ASP a, dans le cadre de la procédure de contrôle a posteriori prévue par l'article 5 précité de la convention du 14 février 2008, demandé à la société d'exploitation du Garage du Robinson de produire, avec une copie du certificat d'immatriculation, une attestation certifiant que la société Evercar, auquel l'aide avait été consentie, était toujours propriétaire des dix véhicules, achetés au mois d'avril 2013 ou, le cas échéant, de produire une copie des certificats de cession. Informée par la société d'exploitation du Garage du Robinson de ce que ces véhicules avaient été revendus par sa cliente, qui avait transmis les certificats de cession desdits véhicules, l'ASP en a déduit que les véhicules avaient été revendus en tant que véhicules neufs en méconnaissance du 4° de l'article 1er du décret du 26 décembre 2007 et que l'aide à l'acquisition de véhicules propres avait été indûment accordée par la société requérante. Il résulte de l'instruction que la société Evercar a cédé à la société Evercar SPRL, située en Belgique, les véhicules vendus par la société d'exploitation du Garage du Robinson, soit le jour même de leur immatriculation, soit très peu de temps après. La concomitance ou la quasi-concomitance de ces opérations est de nature à établir que les véhicules concernés n'ont fait l'objet d'aucune utilisation avant leur cession à la société Evercar Belgique, laquelle doit ainsi être regardée comme ayant acquis des véhicules neufs, ce qui faisait obstacle à l'attribution de l'aide à l'acquisition des véhicules propres, prévue par les dispositions précitées du décret n° 2007-1873 du 26 décembre 2007.
8. Toutefois, l'ASP ne démontre pas que la société d'exploitation du Garage du Robinson aurait pu, au moment de la vente de ces véhicules et à la date de leur facturation, avoir un doute manifeste sur les intentions de sa cliente. Il résulte de l'instruction que la société requérante a constitué le dossier administratif d'éligibilité au bonus écologique de la société Evercar en collectant les pièces exigées par l'annexe 1 de la convention conclue avec le Cnasea, soit la copie du certificat d'immatriculation des véhicules, un extrait du Kbis ou un extrait du greffe du tribunal de commerce, copie des factures d'achat mentionnant outre des caractéristiques techniques, le nom et l'adresse du bénéficiaire et a ainsi vérifié que le demandeur était bien éligible au regard de ces éléments. Si l'extrait du registre du commerce et des sociétés de la société Evercar, produit le 24 février 2013 pour la constitution des dossiers d'éligibilité à l'aide à l'acquisition des véhicules propres, montrait, ainsi que le fait valoir l'ASP, que cette société était nouvellement constituée depuis le 20 novembre 2012 sous forme d'une société à responsabilité limitée, dont l'établissement principal était situé à Paris, auprès d'un domiciliataire, avec pour dirigeant un français résidant en Belgique, il y était également indiqué que cette société avait une activité non seulement de commerce de détail d'automobiles et véhicules légers ainsi que de location de voitures particulières sans chauffeur, laquelle pouvait être regardée comme nécessitant l'achat d'une flotte de véhicules électriques en vue de son développement de la part d'une société nouvellement créée en France. Il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante avait connaissance, au moment où elle a vendu les voitures de leur revente concomitante, laquelle a été révélée par elle en réponse au contrôle effectué par l'ASP, près de dix mois après leur facturation. Enfin, si l'ASP fait valoir qu'il appartenait à la société d'exploitation du Garage du Robinson de justifier de ses démarches pour vérifier l'éligibilité de la société Evercar, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante aurait manqué à ses obligations telles qu'elles étaient énoncées par les dispositions précitées du décret du 26 décembre 2007 et de l'arrêté du même jour, dans leur rédaction alors applicable. Ainsi, faute pour l'ASP de caractériser un manquement de la société d'exploitation du Garage du Robinson dans les contrôles d'éligibilité réalisés par elle en vertu de la convention du 18 février 2008, lui confiant cette responsabilité, l'ASP ne pouvait légalement engager à son encontre une procédure en récupération de l'aide qu'elle a avancée à la société Evercar.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la société d'exploitation du Garage du Robinson est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre en litige et à demander à être déchargée en conséquence de l'obligation de payer la somme de 70 000 euros à l'ASP.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société d'exploitation du Garage du Robinson, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Agence de services et de paiement demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Agence de services et de paiement la somme de 1 500 euros à verser à la société d'exploitation du Garage du Robinson au même titre.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention du Conseil national des professions de l'automobile est admise.
Article 2 : Le jugement n° 1401782 du 23 février 2017 du tribunal administratif de Limoges et le titre exécutoire du 13 août 2014 sont annulés.
Article 3 : La société d'exploitation du Garage du Robinson est déchargée de l'obligation de payer la somme de 70 000 euros.
Article 4 : L'Agence de services et de paiement versera à la société d'exploitation du Garage du Robinson la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la société d'exploitation du Garage du Robinson et les conclusions présentées par l'Agence de services et de paiement sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation du Garage du Robinson, à l'Agence de services et de paiement et au Conseil national des professions de l'automobile.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.
La rapporteure,
Bénédicte A...La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui la concerne ou à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX04000