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16/12/2022 | FRANCE | N°20BX02864

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 décembre 2022, 20BX02864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Agora a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge, en droits, pénalités et majoration, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013.

Par un jugement n° 1803405 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés les 27 août et 25 novembre 2020 ainsi que les 6,

27 et 28 septembre 2022, l'association Agora, représentée par Me Delsol et Me Rouillon-Léchère, doi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Agora a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge, en droits, pénalités et majoration, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013.

Par un jugement n° 1803405 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés les 27 août et 25 novembre 2020 ainsi que les 6, 27 et 28 septembre 2022, l'association Agora, représentée par Me Delsol et Me Rouillon-Léchère, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803405 du tribunal administratif de Bordeaux du 23 juin 2020 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majoration, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- elle est en droit de bénéficier du régime de faveur prévu par les dispositions de l'article 210 B du code général des impôts dès lors que l'apport que lui a consenti l'association Insermedia constitue un apport partiel d'actif au sens et pour l'application de ces dispositions ; l'administration fiscale a elle-même modifié sa doctrine pour accepter d'appliquer le régime de faveur de l'article 210 B du code général des impôts aux apports partiels d'actifs réalisés entre associations soumises à l'impôt sur les sociétés ;

- ainsi que la cour l'a relevé d'office, l'administration fiscale ne pouvait pas, sans méconnaître le champ d'application de la loi, fonder les rehaussements notifiés à l'association Agora sur les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts dès lors que l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, ne renvoyait pas à cet article ;

- en application de l'article 38 du code général des impôts, les suppléments d'apport ne sont pas taxables chez le bénéficiaire et l'apport que lui a consenti l'association Insermedia n'a donc pas augmenté son actif net à la clôture de l'exercice, permettant de déterminer la base imposable à l'impôt sur les sociétés ; cet article ne peut donc fonder l'imposition litigieuse, ainsi que le fait valoir l'administration fiscale ;

- la substitution de base légale sollicitée par l'administration doit être rejetée dès lors qu'elle aurait pour effet de l'avoir privée de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, d'obtenir un avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires sur sa situation ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 mars 2021 et le 23 septembre 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il sollicite une substitution du fondement légal de l'imposition litigieuse, dès lors que celle-ci peut également être fondée sur les dispositions de l'article 38 du code général des impôts et soutient, d'une part, que les conclusions relatives aux dépens sont sans objet et sont, dès lors, irrecevables, d'autre part, que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

Par un courrier du 12 août 2022, les parties ont été informées, en application de dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait pas, sans méconnaître le champ d'application de la loi, fonder les rehaussements notifiés à l'association Agora sur les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts dès lors que l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, ne renvoyait pas à cet article.

Un courrier en réponse au moyen d'ordre public, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a été enregistré le 12 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rouillon-Léchère, représentant l'association Agora.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Agora, qui a pour objet l'hébergement social pour enfants et adolescents et la formation continue pour jeunes et adultes, est soumise, pour son activité de formation continue, à l'impôt sur les sociétés. Au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, l'association a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 18 décembre 2014, le service a constaté que, par un traité d'apport partiel d'actif conclu le 30 septembre 2011, elle a bénéficié de l'apport, par l'association Insermedia, de sa branche d'activité " formation continue ". Estimant qu'en l'absence de contrepartie effective au transfert d'actifs, cette opération avait permis à l'association Agora de bénéficier d'une libéralité d'un montant de 576 103 euros, l'administration lui a notifié un rehaussement en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013. L'association Agora relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et majoration, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

S'agissant de la qualification de l'opération :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 210 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'exercice litigieux : " 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. / Il en est de même de la plus-value éventuellement dégagée par la société absorbante lors de l'annulation des actions ou parts de son propre capital qu'elle reçoit ou qui correspondent à ses droits dans la société absorbée. / L'inscription à l'actif de la société absorbante du mali technique de fusion consécutif à l'annulation des titres de la société absorbée ne peut donner lieu à aucune déduction ultérieure. / 2. L'impôt sur les sociétés n'est applicable aux provisions figurant au bilan de la société absorbée que si elles deviennent sans objet. (...) ". Aux termes de l'article 210 B du même code, dans sa rédaction applicable à l'exercice litigieux : " 1. Les dispositions de l'article 210 A s'appliquent à l'apport partiel d'actif d'une branche complète d'activité ou d'éléments assimilés lorsque la société apporteuse prend l'engagement dans l'acte d'apport : / a. De conserver pendant trois ans les titres remis en contrepartie de l'apport ; / b. De calculer ultérieurement les plus-values de cession afférentes à ces mêmes titres par référence à la valeur que les biens apportés avaient, du point de vue fiscal, dans ses propres écritures. / La rupture de l'engagement de conservation des titres remis en contrepartie de l'apport entraîne la déchéance rétroactive du régime de l'article 210 A appliqué à l'opération d'apport partiel d'actif. La déchéance intervient et produit ses effets à la date de réalisation de cette opération. (...) ". Aux termes de l'article 301 E de l'annexe II au même code : " Constitue un apport partiel d'actif l'opération par laquelle une société apporte à une société relevant du statut fiscal des sociétés de capitaux, en voie de formation ou préexistante, l'ensemble des éléments qui forment soit une, soit plusieurs branches complètes et autonomes d'activité, lorsque l'opération n'entraîne pas la dissolution de la société apporteuse et qu'elle est rémunérée dans les conditions prévues à l'article 301 F. ". Enfin, aux termes de l'article 301 F de la même annexe, dans sa rédaction applicable à l'exercice litigieux : " Les apports visés aux articles 301 B à 301 E doivent être rémunérés par l'attribution de droits représentatifs du capital de la société bénéficiaire. Toutefois, ils peuvent faire l'objet de règlements sous une autre forme dans la limite de 10 % de la valeur nominale des droits attribués. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une opération d'apport partiel d'actif d'une branche complète et autonome d'activité ou d'éléments assimilés est caractérisée par l'attribution de droits représentatifs du capital de la société bénéficiaire de l'apport en contrepartie de cet apport. Ces dispositions n'ont, en revanche, ni pour objet, ni pour effet d'étendre à l'ensemble des personnes morales assujetties à l'impôt sur les sociétés, et en particulier aux associations se trouvant soumises à cet impôt pour tout ou partie de leurs activités, le régime de faveur créé par l'article 210 A du code général des impôts, en l'absence de capital et de possibilité d'émettre des titres en contrepartie des apports qu'elles peuvent recevoir. Il en résulte que quand bien-même, ainsi que le soutient la requérante, il existerait une contrepartie attachée à l'apport, par l'association Insermedia, de sa branche d'activité " formation continue ", l'association Agora ne peut utilement se prévaloir du régime de faveur prévu à l'article 210 B du code général des impôts qui, dans sa rédaction applicable au présent litige, n'est pas applicable aux opérations d'apport partiel d'actif entre associations.

4. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'association Insermedia était composée d'un département " formation continue " et d'un département " marché public ", le premier, sectorisé au sein d'un secteur lucratif assujetti à l'impôt sur les sociétés, étant orienté vers la formation des salariés des entreprises, le second vers les demandeurs d'emploi. Par un traité d'apport partiel d'actif signé le 30 septembre 2011 avec effet rétroactif au 1er janvier 2011, l'association Insermedia et l'association Agora ont décidé de transférer la branche d'activité " formation continue " d'Insermedia à Agora. La valeur de l'actif net ainsi apporté s'élève à 576 103 euros décomposée en un actif immobilisé d'une valeur nette de 5 802 euros, un actif circulant d'une valeur nette de 649 367 euros dont 641 318 euros de valeurs mobilières de placement et un passif d'une valeur comptable de 79 065 euros. Ainsi que le fait valoir l'administration, il résulte des termes mêmes du traité d'apport partiel d'actif que les seules contreparties à l'apport de la branche d'activité " formation continue ", hormis l'apurement du passif, sont constituées par un engagement moral pris par l'association Agora d'affecter l'ensemble des apports à l'usage exclusif de la réalisation de son objet social et à solliciter l'accord de l'association Insermedia dans l'hypothèse où elle le modifierait, sans que cet engagement ne soit contraint. A cet égard, si la requérante soutient qu'en cas de dissolution, elle s'est engagée à retourner à l'association Insermedia l'ensemble des biens et activités apportés, cette clause n'implique pas, en elle-même, l'obligation de poursuivre les activités de la seule branche " formation continue ". En outre, il n'est pas sérieusement contesté que, postérieurement à l'opération, l'association Agora a continué d'exercer son activité initiale de préparation à des concours mais n'a réalisé aucune prestation de formation continue à destination des salariés, liée à l'activité transmise. La production d'un devis en date du 23 janvier 2012 relatif à la création d'un site internet " Agora Formation " et un document en date du 16 mai 2013 facturant la création, l'hébergement et la maintenance d'un nom de domaine ne suffisent pas, à eux-seuls, à justifier de la poursuite de l'activité transférée. Dès lors, à supposer même, ainsi que le soutient l'association Agora en se prévalant de ses propres extraits de comptes ainsi que de ceux de l'association Insermedia, que la valeur nette des valeurs mobilières de placement apportées, qui représentent 83 % du montant des capitaux propres de cette association, procèderait, pour partie, de réserves attachées à son activité de formation continue, qui n'a généré que 3,60 % de son chiffre d'affaires total pour l'exercice 2009, 2,34 % pour l'exercice 2010 et un chiffre d'affaires nul pour l'exercice 2011, c'est à bon droit que le service a estimé que l'opération de transfert d'actifs, effectuée sans contrepartie réelle pour l'association Insermedia, a permis à l'association requérante de bénéficier d'une libéralité.

S'agissant du fondement légal de l'imposition :

5. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les revenus distribués au sens du 1 de l'article 109 ou du c de l'article 111 du code général des impôts ne sont pas compris parmi les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés. Il n'en va autrement qu'à compter de la modification du I de l'article 209 du même code résultant de l'article 88 I-G de la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, qui a expressément prévu que les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés étaient également déterminés d'après les règles fixées par les articles 108 à 117.

6. Il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale ne pouvait, comme elle l'a fait, fonder le rehaussement qui a été notifié à l'association Agora au titre de l'exercice clos en 2013 sur les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts dès lors que l'article 209 du même code, qui lui est applicable s'agissant de son activité de formation continue, soumise à l'impôt sur les sociétés, ne renvoyait pas à cet article.

7. Cependant, l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse suivie devant le juge de l'impôt, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée et notamment de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CIDTCA), lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend. En réponse au moyen relevé d'office par la cour, tiré de l'inapplicabilité des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique fait valoir que l'imposition en litige trouve également son fondement légal dans les dispositions de l'article 38 du code général des impôts.

8. Aux termes de ces dispositions : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ".

9. D'une part, il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que la valeur de l'actif net d'un montant de 576 103 euros apporté par l'association Insermedia à l'association Agora constitue pour cette dernière une libéralité ayant eu pour effet, à due concurrence, d'augmenter la valeur de son actif net. Contrairement à ce que soutient la requérante, le transfert de la branche d'activité " formation continue " ne peut être considéré comme un supplément d'apport, au sens et pour l'application du 2 de l'article 38 du code général des impôts, dès lors que l'apport de l'actif net réalisé par l'association Insermedia n'a pas eu pour contrepartie d'affecter le passif de l'association Agora. Dès lors, l'administration est fondée à soutenir que l'imposition litigieuse trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article 38 du code général des impôts.

10. D'autre part, si l'association Agora soutient qu'elle aurait été privée de la faculté d'obtenir un avis de la CIDTCA sur sa situation, il résulte de l'instruction que, quand bien même l'imposition litigieuse trouvait alors son fondement légal dans les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, la CIDTCA de la Gironde, saisie par l'association, s'est reconnue matériellement compétente et a émis un avis le 11 décembre 2015. Dans cet avis, la commission s'est estimée incompétente pour se prononcer sur les questions de droit soulevées par le dossier, conformément aux dispositions du II de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, mais a examiné l'ensemble des questions de fait susceptibles d'être suscitées par la situation fiscale de l'association Agora, qui eu égard à la nature du différend qui persistait avec l'administration fiscale, sont communes à l'ancienne base légale et à la nouvelle base légale suggérée par le ministre. Dès lors, l'association requérante ne peut être regardée comme ayant été privée, en l'espèce, d'une garantie procédurale.

11. Par suite, il y a lieu de substituer à la base légale retenue initialement par l'administration celle invoquée par le ministre devant la cour.

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

12. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".

13. L'association Agora se prévaut des passages de la doctrine référencée BOI-IS-FUS-10-20-20 §330 à §335 aux termes desquels : " Concernant les opérations de fusion, de scission et d'apport partiel d'actifs de plusieurs associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association (...) et malgré l'absence de rémunération des apports par l'attribution de droits représentatifs du capital de l'organisme bénéficiaire, il existe une réelle contrepartie des apports. / Celle-ci est constituée par la garantie que l'association absorbante ou bénéficiaire de l'apport se substitue aux obligations de l'association absorbée ou apporteuse notamment à l'égard des engagements et garanties attachées aux apports. En conséquence, dès lors que les associations parties à l'opération sont soumises à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun, les opérations visées au III-D § 330 peuvent être assimilées à des opérations de fusion ou scission au sens de l'article 210-0 A du CGI. / Les associations mentionnées au III-D § 330 et soumises à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun peuvent bénéficier du régime spécial des fusions prévu à l'article 210 A du CGI dans les mêmes conditions que les mutuelles visées au III-A § 200 à 260. ".

14. Toutefois, cette position de l'administration fiscale a été exprimée à compter du mois de juin 2014, soit postérieurement à l'exercice d'imposition en litige, alors, au demeurant, que l'administration avait exprimé une position inverse entre les années 2011 et 2013. Les passages invoqués ne peuvent, dès lors, être regardés comme interprétant le texte fiscal qui constitue le fondement légal de l'imposition contestée.

Sur le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré :

15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

16. Pour faire application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, l'administration a notamment relevé que l'association Agora a bénéficié d'une libéralité, en l'absence de contrepartie effective au transfert d'actif net de l'association Insermedia d'un montant de 576 103 euros, ce que l'association ne pouvait ignorer au regard de la nature de l'actif transféré, essentiellement constitué de valeurs mobilières de placement, et de la circonstance que les membres dirigeants étaient communs aux deux associations au moment de l'opération d'apport partiel d'actif du 30 septembre 2011, avant leur démission de l'association Insermedia. Le service a, en outre, relevé que l'objet de l'apport partiel d'actif était en réalité le transfert de la trésorerie de l'association Insermedia au profit de l'association Agora et non le transfert de l'activité de formation continue des salariés, qui n'a généré aucun chiffre d'affaires au titre de l'exercice 2011 chez l'association Insermedia et dont il n'est pas établi qu'elle aurait été poursuivie par l'association Agora postérieurement à l'opération d'apport partiel d'actif. En tenant compte, par ailleurs, du montant du transfert d'actif net en cause, l'intention délibérée de l'association de procéder à une augmentation de ses propres actifs en franchise d'impôt sur les sociétés et, en conséquence, d'éluder l'impôt doit être regardée, contrairement à ce qui est soutenu, comme établie par l'administration fiscale.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Agora n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, celles tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de l'Etat sont rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Agora est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Agora et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le rapporteur,

Michaël B... La présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02864

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02864
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL DELSOL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-16;20bx02864 ?
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