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13/12/2022 | FRANCE | N°22BX01170

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 13 décembre 2022, 22BX01170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2021 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200011 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
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Par une requête, enregistrée le 25 avril 2022, M. C... B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2021 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200011 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2022, M. C... B..., représenté par Me Tierney-Hancock, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 mars 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 22 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à préfète de la Haute-Vienne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

M. B... soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du même code ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale notamment garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

n° 2022/006575 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du

19 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, a été entendu le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né le 3 avril 1995, est entré en France le 20 août 2019. Il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de salarié. Par un arrêté du 22 décembre 2021, la préfète de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 2200011 du 31 mars 2022 dont le requérant relève appel, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour (...) ". En vertu de l'article L. 421-1 du même code : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". Selon l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; (...) ".

3. Il est constant que M. B... n'était pas titulaire d'un visa de long séjour lors de son entrée sur le territoire français. Dès lors, la préfète a pu légalement, et pour ce seul motif, refuser de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que l'intéressé était titulaire d'un contrat à durée indéterminée et d'une autorisation de travail délivrée par le ministre de l'intérieur. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la préfète aurait entaché sa décision d'une erreur de droit et fait une inexacte application de ces dispositions doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

5. Un étranger justifiant d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant des motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est entré en France le 20 août 2019, a signé, le 1er décembre 2021, un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein, avec la société Somafer pour occuper un emploi d' " opérateur de mise en quartier ", moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 589 euros, pour lequel il a obtenu une autorisation de travail le 28 octobre 2021. Toutefois, ces seules circonstances, alors que le requérant n'établit ni même n'allègue être titulaire d'une qualification particulière, ni ne démontre par les seules pièces produites que l'emploi qu'il occupe ne pourrait être occupé par un ressortissant français ou un étranger en situation régulière, ne relèvent pas de motifs exceptionnels au sens de l'article

L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est entré sur le territoire national en août 2019, n'a pas exécuté la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 1er juillet 2020, dont la légalité a été définitivement confirmée par la juridiction administrative. S'il se prévaut de la présence en France de ses parents, titulaires d'une carte de résident, ainsi que de frères et sœurs, le requérant qui est célibataire ne justifie ni de l'intensité ni même de la régularité des liens qu'il entretiendrait avec eux. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., qui ne conteste notamment pas que ses trois enfants vivent en Guinée, serait dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de son existence. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

9. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui la fonde.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

12. D'une part, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français mentionne les dispositions légales dont elle fait application. Elle indique avec suffisamment de précision les motifs de fait justifiant l'interdiction faite à M. B... de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an, notamment l'entrée en France récente de l'intéressé, le fait qu'il a conservé des attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine et qu'il ne peut se prévaloir de circonstances humanitaires. Cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et atteste de la prise en compte par la préfète, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, est suffisamment motivée.

13. D'autre part, aucun délai de départ volontaire n'ayant été accordé à M. B... pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre par l'arrêté attaqué, la préfète de la Haute-Vienne était tenue, en vertu des dispositions citées au point 10, d'assortir cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français. Le requérant ne se prévaut d'aucune circonstance humanitaire susceptible de faire obstacle au prononcé de cette mesure. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 8, que la préfète aurait, en fixant la durée de cette interdiction à un an, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ou méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Tierney-Hancock et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

M. Anthony Duplan premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.

Le rapporteur,

Anthony A...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX01170


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01170
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : TIERNEY HANCOCK

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-13;22bx01170 ?
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