Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2106053 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2022 et un mémoire enregistré le 15 mars 2022, M. A..., représenté par Me Babou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'un " défaut d'examen de sa situation personnelle " ;
- le tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit en estimant que " Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 421-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. " ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; dès lors qu'il avait formulé une demande de titre de séjour " salarié " ou " vie privée et familiale ", sa demande devait être examinée au regard des critères mentionnés aux articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; or, la préfète s'est principalement basée sur des éléments erronés tant de sa situation familiale en indiquant qu'il serait entré sur le territoire Français le 1er octobre 2015 que de sa situation professionnelle en indiquant qu'il aurait présenté une fausse promesse d'embauche ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait sur sa date d'entrée en France ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 3 de l'accord franco-tunisien dès lors que la seule condition exigée d'un ressortissant tunisien pour bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour valable un an et renouvelable, portant la mention " salarié ", est la présentation d'un contrat de travail après le contrôle médical d'usage ;
- l'arrêté méconnait les dispositions des articles L. 423-23, L. 421-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Par ordonnance du 25 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juillet 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... E..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né en 1992, déclare être entré en France irrégulièrement en février 2011. L'intéressé a sollicité le 5 juin 2020 son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 octobre 2021, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 1er février 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Le requérant semble soutenir que le jugement est irrégulier au motif qu'il est entaché d'un " défaut d'examen de sa situation personnelle " et d'une erreur de droit sur le champ d'application de l'article 3 de l'accord franco-tunisien. De tels moyens qui ont trait au bien-fondé des motifs retenus par les premiers juges sont sans influence sur la régularité du jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il a fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet arrêté mentionne également de manière précise et circonstanciée les conditions de séjour en France de M. A... et notamment que quatre de ses frères et sœur dont une de nationalité française résident légalement en France, que l'intéressé réside en France depuis le 1er octobre 2015 et qu'il a justifié dans le passé d'un emploi de commis en cuisine. Si le requérant soutient que cet arrêté est entaché d'une erreur de fait sur sa date d'entrée en France qui serait intervenue en février 2011, la préfète aurait en tout état de cause pris la même décision si elle n'avait pas commis cette erreur. S'il fait également valoir que c'est à tort que la préfète indique qu'il aurait présenté une fausse promesse d'embauche en date du 6 janvier 2020, il ressort des termes mêmes d'un courrier en date du 29 octobre 2020 rédigé par son ancien employeur et adressé à la préfète de la Gironde que ce document est bien un faux. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'un défaut de motivation, d'erreurs de fait et d'un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle du requérant doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " ". Aux termes de l'article 11 de cet accord franco-tunisien : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article 2.3.3 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 : " Le titre de séjour portant la mention " salarié", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. (...) ".
5. Il ressort des termes mêmes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien précité qu'un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une activité salariée doit justifier d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Par suite, c'est à tort que le requérant soutient que l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien en ce que les seules conditions exigées d'un ressortissant tunisien pour bénéficier de la délivrance d'un tel titre seraient la présentation d'un contrat de travail après le contrôle médical d'usage.
6. En troisième lieu, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, il fait obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux ressortissants tunisiens. Par suite, M. A... ne peut utilement faire valoir qu'il remplirait les conditions posées par ces dispositions à l'encontre de la décision de refus de séjour qu'il conteste.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. A... justifiait, sur les quatre dernières années, d'emplois dans le domaine de la restauration en qualité de livreur puis de plongeur et d'une durée de présence en France d'environ 10 ans. En outre, quatre de ses frères et sœurs, dont une de nationalité française, résidaient régulièrement sur le territoire français. Toutefois, l'intéressé, qui est hébergé par un ami à Saint-Médard-en-Jalles, est célibataire, sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majorité de sa vie et où résident notamment ses parents et une partie de sa fratrie. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
10. L'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ces stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
11. Si M. A... semble se prévaloir de son emploi de plongeur auprès de l'EURL Le Havane Couleur Café, cet élément ne permet pas de caractériser des circonstances exceptionnelles ou humanitaires, de nature à justifier la délivrance, à titre gracieux, d'une carte de séjour temporaire " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il en va de même de la durée importante de sa présence en France. Par suite, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le requérant ne justifiait pas de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. D... E... et M. C... F..., premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.
Le rapporteur,
Nicolas E...
La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00705