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13/12/2022 | FRANCE | N°20BX04090

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 5), 13 décembre 2022, 20BX04090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 11 décembre 2017 par laquelle le directeur général de l'agence française pour la biodiversité l'a affectée au service " production et valorisation des connaissances " de la direction régionale Nouvelle-Aquitaine à compter du 1er septembre 2017 et a fixé sa résidence administrative à Bordeaux et d'annuler la décision du 15 décembre 2017 par laquelle le directeur régional Nouvelle-Aquitaine de l'agence française po

ur la biodiversité a prolongé la mesure de retrait à titre conservatoire de son...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 11 décembre 2017 par laquelle le directeur général de l'agence française pour la biodiversité l'a affectée au service " production et valorisation des connaissances " de la direction régionale Nouvelle-Aquitaine à compter du 1er septembre 2017 et a fixé sa résidence administrative à Bordeaux et d'annuler la décision du 15 décembre 2017 par laquelle le directeur régional Nouvelle-Aquitaine de l'agence française pour la biodiversité a prolongé la mesure de retrait à titre conservatoire de son arme de service.

Par un jugement n° 1900411 du 26 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2020 et 6 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Deniau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 octobre 2020 ;

2°) d'annuler les décisions du 11 et 15 décembre 2017 du directeur général de l'agence française pour la biodiversité ;

3°) d'enjoindre à l'office français de la biodiversité de la réaffecter dans son ancien service ou à proximité et de lui restituer son arme de service, ou à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de deux semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, et de lui reconnaître la possibilité, au-delà de ce délai, d'exercer son droit de retrait ;

4°) de mettre à la charge de l'office français de la biodiversité une somme de 2500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de l'engagement de la responsabilité pour faute du fait de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail ; ce moyen ne soulevait pas une nouvelle cause juridique et était ainsi recevable malgré l'expiration du délai de recours ;

- la décision du 11 décembre 2017 portant mutation d'office et changement de résidence administrative n'est pas motivée en fait ; il n'est pas indiqué qu'elle serait fondée sur une réorganisation de la direction régionale de Nouvelle-Aquitaine ; si une décision de mutation d'office n'est pas au nombre des décisions défavorables soumises à l'obligation de motivation, la décision constitue en l'espèce une sanction disciplinaire déguisée ; au demeurant, en écartant le moyen comme infondé, et non comme inopérant, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- son dossier administratif ne comportait pas le rapport d'enquête administrative établi le 1er juillet 2016 ; elle n'a ainsi pas été mise à même de consulter son entier dossier ; ce vice de procédure l'a privée d'une garantie et a été susceptible d'influer sur le sens de la décision ; ayant soulevé en première instance des moyens de légalité externe, elle est recevable à invoquer ce vice de procédure pour la première fois en appel ; quand bien même cette décision aurait été prise à raison d'une réorganisation du service, elle avait droit à la communication de son dossier et, partant, du rapport d'enquête administrative ; en tout état de cause, la mesure a été prise en considération de sa personne dès lors qu'elle a été désignée parmi plusieurs agents susceptibles d'être mutés, de sorte qu'une appréciation personnelle a été portée ; elle ignorait qu'une mutation d'office dans l'intérêt du service serait prise à son encontre ;

- l'absence de ce rapport lors de la consultation de son dossier a portée atteinte à son droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- sa mutation d'office avec changement de résidence ayant fait suite à la suppression de son poste, elle aurait dû être précédée de la consultation de la commission administrative paritaire en application de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 ; or, seul le comité technique a été consulté ; la réunion du 6 octobre 2017 de la commission administrative paritaire préparatoire, interne à l'Agence française pour la biodiversité et dont le procès-verbal n'est pas signé par l'ensemble des participants, ne constitue pas une consultation de la commission administrative paritaire nationale des techniciens de l'environnement, laquelle s'est réunie le 24 octobre 2017 mais n'a pas examiné sa situation ; ce vice de procédure l'a privée d'une garantie et a eu une influence sur le sens de la décision ;

- l'absence de consultation de la commission administrative paritaire l'a privée de son droit à un procès équitable prévu par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision repose sur une erreur manifeste d'appréciation ; il n'est aucunement fait état d'une réorganisation des services dans cette décision, laquelle a considérablement modifié la nature de ses fonctions et ses conditions de travail et a été prise dans l'intention de la sanctionner en la privant de ses fonctions d'inspecteur de l'environnement, ainsi que le révèlent les préconisations du rapport d'enquête et la prolongation de la mesure de retrait de son arme de service ; cette réorganisation a fait suite à son refus de solliciter un changement d'affectation malgré les pressions exercées par le directeur régional Nouvelle Aquitaine ; il n'est établi, ni que le nombre d'agents affectés au secteur sud aurait effectivement été insuffisant, ni davantage que l'équipe du secteur nord aurait dû être réduite ; ce déséquilibre allait être naturellement rectifié par des départs à la retraite et une mutation sur demande, intervenus dans les six mois suivant la réorganisation ; la suppression de son poste s'est d'ailleurs accompagnée d'un renfort ponctuel de deux agents du service local ; les besoins de son poste ont été assurés par 25 % de temps de travail de quatre agents ; il n'est pas davantage expliqué pour quelle raison la décision de mutation s'est portée sur elle, alors qu'un autre agent se trouvait dans une situation identique à la sienne ; son ancien poste n'est plus pourvu mais n'a jamais été supprimé ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle a été mutée à 184 km de son domicile familial ; bien que des aménagements aient été mis en place, elle s'est trouvée dans l'obligation d'effectuer de nombreux trajets ; elle a été contrainte d'engager une psychothérapie, prise en charge par l'Agence française pour la biodiversité à hauteur de seulement dix séances ; elle devait rester à proximité du domicile de son père qui souffre d'une maladie cardiaque ; elle avait refusé toute mobilité par courriel ;

- elle n'a pas bénéficié de la priorité d'affectation dans sa zone géographique prévue au 3ème alinéa de l'article de la loi du 11 janvier 1984 ;

- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir et d'un détournement de procédure ; la restructuration du service, purement fictive, a été conçue aux fins de lui imposer une mutation à titre de sanction ;

- la décision prolongeant le retrait à titre conservatoire de son arme de service lui fait grief ; si elle obtient l'annulation de la décision de mutation du 11 décembre 2017 et se trouve réintégrée, la décision en cause fera obstacle à ce qu'elle puisse porter une arme ;

- cette décision est entachée d'incompétence de son auteur ; entre la date de l'incident, soit le 7 mars 2016, et la date de la décision en cause, le directeur régional, signataire de la décision initiale, a changé ; en outre, il ne pouvait être procédé au renouvellement d'une décision initiale qui était inexistante faute d'avoir été prise par l'autorité de délivrance de l'autorisation de port d'arme, soit le directeur général de l'établissement ;

- si la décision de retrait d'arme doit être regardée comme ayant été implicitement abrogée du fait de sa mutation dans un autre département, alors la décision en cause est juridiquement inexistante ;

- cette décision n'est pas motivée ; ayant été prise en considération de sa personne, elle était soumise à l'obligation de motivation ;

- cette décision repose sur une erreur manifeste d'appréciation ; elle est fondée sur le rapport d'enquête du 1er juillet 2016 faisant état de son manque de sang-froid dans les situations difficiles, affirmation générale et imprécise qui n'est étayée par aucun élément de preuve ; ce rapport est ancien et aucun élément nouveau ne justifie cette prolongation ; les avis médicaux retiennent sa capacité au port d'une arme de service ; si son état psychologique s'est dégradé, ainsi qu'elle l'a mentionné le 4 décembre 2017 au registre d'hygiène et de sécurité, cette dégradation est précisément liée à la perte de son arme et à la diminution de ses fonctions ;

- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir ; l'administration, qui a maintenu pendant presque six ans une mesure conservatoire de retrait d'arme, avait pour intention de la sanctionner ;

- la gestion de son dossier par l'administration, qui a sollicité fin 2017 l'infliction d'un blâme pour des faits survenus le 7 mars 2016, a altéré sa santé psychologique ; le non-respect de l'article L. 4121-1 du code du travail a revêtu un caractère fautif ;

- les décisions de mutation d'office et de retrait de son arme de service s'inscrivent dans un contexte de harcèlement moral, caractérisé en particulier par des refus systématiques à ses demandes de formation et de stages ; le bénéfice de la protection fonctionnelle lui a été refusé ; les décisions en litige ont ainsi été prises en méconnaissance de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 septembre et 7 octobre 2022, l'Office français de la biodiversité conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance ne comportait pas de conclusion tendant à l'engagement de la responsabilité de l'administration à raison d'un manquement à l'obligation de sécurité prévue à l'article L. 4121-1 du code du travail ; cette demande a été présentée après l'expiration du délai de recours, de sorte que le tribunal n'était pas tenu de statuer sur ce point ;

- le tribunal pouvait écarter au fond le moyen inopérant tiré de l'insuffisante motivation de la décision de changement d'affectation ; ce moyen, repris en appel, sera écarté comme inopérant ;

- cette décision de mutation n'a pas été prise en considération de la personne de Mme A... mais à raison d'une réorganisation de la direction régionale Nouvelle-Aquitaine consécutive à la création de l'Agence française pour la biodiversité, aux fins de rééquilibrer la réparation des effectifs des secteurs nord et sud du service production et valorisation des connaissances et de développer la collaboration de l'USM Adour-Garonne avec les services départementaux et le pôle contrôle de la direction régionale ; cette décision n'avait donc pas à être précédée de la communication de son dossier à Mme A... ; en tout état de cause, cette dernière, qui avait refusé le 5 avril 2017 deux propositions d'affectation, était informée de la réorganisation en cours et ainsi mise à même de solliciter son dossier administratif, faculté dont elle n'a pas fait usage avant le printemps 2019 ; la seule attestation produite ne permet pas d'établir que le rapport d'enquête administrative ne figurait pas dans son dossier ;

- les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 invoquées par la requérante sont relatives à la situation dans laquelle l'agent dont le poste est supprimé ne peut être affecté sur un emploi vacant correspondant à son grade ; telle n'était pas le cas de Mme A... en l'espèce ;

- la situation de Mme A... a bien été examinée par la commission administrative paritaire ;

- cette décision ne constituait pas une sanction déguisée ; elle était justifiée par l'intérêt du service, la réorganisation ayant fait l'objet d'un avis favorable du comité technique du 14 juin 2017 ; elle n'a pas été édictée dans le but de sanctionner Mme A..., les faits du 7 mars 2016 qui lui étaient reprochés ayant par ailleurs donné lieu à l'infliction d'un blâme ; en outre, ses missions relèvent des missions dévolues aux techniciens de l'environnement, qui ne comportent pas nécessairement des missions de police ; aucun agent n'était auparavant placé sous son autorité hiérarchique, de sorte qu'elle n'a pas perdu une mission d'encadrement à l'occasion de cette mutation ; enfin, sa rémunération a été maintenue ;

- cette décision n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Mme A... n'établit pas que les difficultés médicales de son père nécessiteraient une assistance continue ; son affectation à Morcenx à compter du 1er janvier 2020 lui a permis de se rapprocher de sa résidence familiale ;

- Mme A... n'a pas fait l'objet d'un harcèlement moral ; les décisions dont elle conteste la légalité étaient justifiées ; le tribunal administratif a rejeté son recours dirigé contre la sanction de blâme qui lui a par ailleurs été infligée ; les refus de formation qui lui ont été opposés étaient justifiés et elle a pu participer à d'autres formations ;

- le détournement de pouvoir et le détournement de procédure allégués ne sont pas établis ;

- s'agissant de la décision de prolongation du retrait conservatoire de l'autorisation de port d'une arme de service, le tribunal s'est fondé à titre surabondant sur l'irrecevabilité de la demande de première instance ;

- la décision autorisant Mme A... à porter une arme été abrogée à compter de sa mutation du département des Landes vers celui de la Gironde, qui a pris effet au 1er septembre 2017 ; la décision du 15 décembre 2017 prolongeant le retrait conservatoire de cette autorisation était ainsi dépourvue d'effet juridique et ne faisait pas grief à Mme A... ;

- cette décision, qui est prise par le supérieur hiérarchique de l'agent, n'est pas entachée d'incompétence de son auteur ;

- une telle décision, qui n'a pas pour effet d'abroger une décision créatrice de droits, n'est pas soumise à l'obligation de motivation ; en tout état de cause, elle est motivée en droit et en fait ;

- cette décision ne repose pas sur une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'incident survenu le 7 mars 2016 et de la difficulté de Mme A... à conserver son calme dans des situations délicates relevée par le rapport d'enquête administrative du 1er juillet 2016 ; les mentions portées par Mme A... le 4 décembre 2017 sur le registre d'hygiène et de sécurité faisant état de la dégradation de sa santé psychologique justifiaient cette décision ; il est sollicité une substitution de motif ; si Mme A... n'est plus, à ce jour, titulaire d'une autorisation de port d'arme, c'est en raison de la nature des fonctions qu'elle exerce ;

- l'obligation de sécurité prévue à l'article L. 4121-1 du code du travail n'a pas été méconnue ;

- le poste qu'occupait Mme A... au sein de l'USM Adour-Garonne ayant été supprimé et cette dernière ayant été mutée à Morcenx à compter du 1er janvier 2020, l'annulation de la décision contestée de mutation impliquerait seulement une reconstitution de sa carrière, et non pas une réintégration sur son ancien poste ;

- les fonctions actuelles de Mme A... n'impliquant pas nécessairement l'exercice de missions de police, ses conclusions d'injonction tendant à la restitution de sa dotation d'arme ne sauraient être accueillies, d'autant moins que l'intéressée devrait, compte tenu du délai écoulé depuis son désarmement, suivre une formation avant de se voir restituer son arme.

Par une ordonnance du 7 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2022 à 12H00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi de finances du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 2001-586 du 5 juillet 2001 ;

- l'arrêté du 27 février 2004 portant autorisation de port d'arme pour les fonctionnaires et les agents assermentés en fonction dans les parcs nationaux, à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et au Conseil supérieur de la pêche

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... B...,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Deniau, représentant Mme A..., et de Me Labetoule, représentant l'Office français de la biodiversité.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., technicienne de l'environnement au grade de technicien supérieur, a exercé à compter du 1er mars 2010 les fonctions d'inspectrice de l'environnement au sein de l'unité spécialisée migrateurs (USM) Adour-Garonne de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), remplacé à compter du 1er janvier 2016 par l'Agence française pour la biodiversité (AFB), devenue l'Office français de la biodiversité (OFB) au 1er janvier 2020. A la suite d'un incident survenu le 7 mars 2016, elle a fait l'objet le lendemain d'une mesure de retrait conservatoire de son autorisation de port d'arme de service. Par une décision du 11 décembre 2017, le directeur général de l'AFB l'a affectée au service " production et valorisation des connaissances " de la direction régionale Nouvelle-Aquitaine à compter du 1er septembre 2017 et a fixé sa résidence administrative à Bordeaux. Par une mesure du 15 décembre 2017, le directeur régional Nouvelle-Aquitaine de l'AFB a prolongé le retrait conservatoire d'autorisation de port d'arme de service. Mme A... relève appel du jugement du 26 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décision et mesure.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme A... a soutenu, dans un mémoire enregistré devant le tribunal administratif le 8 janvier 2020, que l'AFB avait manqué à son obligation d'adopter les mesures nécessaires pour protéger sa sécurité et sa santé et ainsi commis une faute dans la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, applicables à la fonction publique en vertu de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail. Toutefois, une telle argumentation était inopérante à l'appui de sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions prononçant sa mutation d'office et la prolongation du retrait conservatoire de son autorisation de port d'arme, de sorte que le tribunal n'était pas tenu d'y répondre. Par ailleurs, cette argumentation ne venait pas au soutien de conclusions tendant à la réparation d'un préjudice fondées sur la responsabilité pour faute de l'administration à raison du manquement allégué. Le tribunal n'a dès lors pas davantage omis de statuer sur des conclusions tendant à l'engament de la responsabilité de l'AFB, devenue l'OFB.

Sur la recevabilité de la demande de première instance dirigée contre la mesure de prolongation du retrait conservatoire de l'autorisation de port d'arme :

3. Aux termes de l'article 3 du décret du 5 juillet 2001 portant statut particulier du corps de techniciens de l'environnement : " Les techniciens de l'environnement interviennent dans l'une des trois spécialités suivantes : 1. Espaces protégés ; 2. Milieux et faune sauvage ; 3. Milieux aquatiques. Ils participent, sous l'autorité du directeur d'établissement ou du chef de service, aux missions techniques et de police de l'environnement dévolues aux établissements et aux services dans lesquels ils sont affectés, dans le domaine de la protection de la faune et de la flore, de la chasse, de la pêche en eau douce et de la protection des espaces naturels (...) ". Aux termes de l'article L. 172-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Outre les officiers et agents de police judiciaire et les autres agents publics spécialement habilités par le présent code, sont habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application et aux dispositions du code pénal relatives à l'abandon d'ordures, déchets, matériaux et autres objets les fonctionnaires et agents publics affectés dans les services de l'Etat chargés de la mise en œuvre de ces dispositions, ou à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, dans les parcs nationaux et à l'Agence des aires marines protégées. Ces agents reçoivent l'appellation d'inspecteurs de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article R. 213-12-15 du même code : " I. - Les techniciens de l'environnement, les agents techniques de l'environnement de la spécialité "milieux aquatiques" ainsi que les techniciens et les garde-pêche qui sont chargés de la recherche et du constat des infractions sont commissionnés en matière de police de l'eau et de police de la pêche par le ministre chargé de l'environnement (...)IV. - Les agents de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques mentionnés au I sont, dans l'exercice de leurs fonctions, astreints à porter l'équipement et l'armement qui leur sont fournis par l'établissement et assujettis au port de signes distinctifs, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de l'environnement ". L'arrêté du 27 février 2004 portant autorisation de port d'arme pour les fonctionnaires et les agents assermentés en fonction dans les parcs nationaux, à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et au Conseil supérieur de la pêche prévoit, à son article 3, que les agents doivent être munis d'une autorisation nominative, délivrée par le directeur de l'établissement qui les emploie et visée par le préfet du département de leur résidence administrative. L'instruction générale relative à l'armement du 23 décembre 2009 de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques rappelle que l'autorisation de port d'armes est visée par le préfet de département de la résidence administrative de l'agent et qu'en cas de changement d'affectation dans un département différent, une nouvelle autorisation, visée par le préfet de département de la nouvelle affectation, est délivrée à l'agent.

4. Mme A..., qui occupait au sein de l'USM Adour-Garonne les fonctions d'inspectrice de l'environnement, était titulaire d'une autorisation de port d'arme de service visée par le préfet des Landes, laquelle a été retirée à titre conservatoire à la suite de l'incident survenu le 7 mars 2016. Ainsi que le fait valoir l'OFB, la mutation de Mme A... au 1er septembre 2017, qui s'est accompagnée d'un changement de sa résidence administrative du département des Landes vers celui de la Gironde, a implicitement mais nécessairement abrogé, à la même date, l'autorisation de port d'arme dont elle était titulaire en application des dispositions citées au point précédent. Il s'ensuit que la prolongation de ce retrait conservatoire, prononcée le 15 décembre 2017, n'emportait aucun effet juridique. Cette prolongation, qui ne présentait pas le caractère d'un acte inexistant, ne constituait ainsi pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme A..., dont la demande de première instance dirigée contre la mesure de prolongation du retrait conservatoire de son autorisation de port d'arme était irrecevable, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 11 décembre 2017 portant mutation d'office et changement de résidence administrative :

6. Aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. / Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l'avis des commissions est donné au moment de l'établissement de ces tableaux. / Toutefois, lorsqu'il n'existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé sont soumises à l'avis des commissions. (...) ".

7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. Si la situation de Mme A... a été évoquée au cours d'une réunion du 6 octobre 2017 de la commission administrative paritaire (CAP) préparatoire des techniciens de l'environnement affectés au sein de l'AFB, il ressort des pièces du dossier que la CAP nationale compétente à l'égard du corps des techniciens de l'environnement n'a pas été consultée sur sa mutation d'office comportant un changement de résidence administrative lors de sa séance du 24 octobre 2017, et il n'est ni établi ni même soutenu que cette commission aurait émis un avis sur cette mesure lors d'une autre séance. Faute de consultation de la CAP nationale compétente à l'égard du corps des techniciens de l'environnement, Mme A... a été privée de la garantie alors prévue par les dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984. Par suite, la décision du 11 décembre 2017 par laquelle le directeur général de l'AFB l'a affectée au service " production et valorisation des connaissances " de la direction régionale Nouvelle-Aquitaine à compter du 1er septembre 2017 et a fixé sa résidence administrative à Bordeaux est intervenue selon une procédure irrégulière.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'AFB du 11 décembre 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement un réexamen de la situation de Mme A.... Il y a lieu d'enjoindre au directeur de l'OFB d'y procéder dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900411 du 26 octobre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux, en ce qu'il a statué sur la demande de Mme A... dirigée contre la décision du directeur général de l'Agence française pour la biodiversité du 11 décembre 2017, ensemble cette décision, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au directeur de l'Office français de la biodiversité de réexaminer la situation de Mme A....

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Office français de la biodiversité sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à l'Office français de la biodiversité.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

M. Didier Artus, président de la 3ème chambre,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve B...

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX04090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 5)
Numéro d'arrêt : 20BX04090
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SELARL CADRAJURIS;SELARL CADRAJURIS;SCP MOREAU NASSAR HAN KWAN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-13;20bx04090 ?
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