La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2022 | FRANCE | N°20BX02753

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 5), 13 décembre 2022, 20BX02753


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de vingt-quatre mois, dont six mois avec sursis.

.

Par un jugement n° 1800202 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 août 2020, M. B..., représenté par Me Guillau

me-Matime, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de vingt-quatre mois, dont six mois avec sursis.

.

Par un jugement n° 1800202 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 août 2020, M. B..., représenté par Me Guillaume-Matime, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de vingt-quatre-mois, dont six mois avec sursis ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel.

Il soutient que :

- son dossier administratif ne comportait pas certaines pièces en méconnaissance des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- l'avis du conseil de discipline n'a pas été sollicité concernant certaines des fautes qui lui sont reprochées ;

- l'enquête administrative n'a pas été impartiale ;

- il a fait l'objet de plusieurs sanctions pour les mêmes faits ;

- l'administration n'ayant pris aucune sanction à son encontre à l'issue du premier conseil de discipline, elle doit être regardée comme ayant renoncé à lui infliger la sanction en litige ; au demeurant ce conseil a irrégulièrement reporté l'examen de l'affaire ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas caractérisés ;

- la sanction est disproportionnée à la gravité de ces faits.

Par un mémoire enregistré le 28 janvier 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il entend s'en remettre à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., gardien de la paix est affecté à la direction départementale de la police aux frontières de la Guadeloupe depuis le 1er septembre 2009. Jusqu'au 31 décembre 2014, il a exercé ses fonctions à l'aéroport Guadeloupe - Pôle Caraïbes où il assurait notamment le contrôle transfrontalier des passagers. Par un arrêté du 29 décembre 2017, le ministre de l'intérieur lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de vingt-quatre mois, dont six mois avec sursis. M. B... relève appel du jugement du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction disciplinaire.

Sur la légalité externe de l'arrêté litigieux :

2. En premier lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article 19, alors en vigueur, de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ".

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que trois pages des procès-verbaux de ses deux auditions du 8 décembre 2015 ne figuraient pas dans le dossier qui a été communiqué à M. B... le 14 novembre 2016. Il a signalé l'incomplétude de ces documents et a demandé que les pages manquantes lui soient communiquées. L'administration n'a pas fait droit à cette dernière demande mais a ajouté les pages manquantes de ces procès-verbaux à son dossier disciplinaire avant le 2 juin 2017, date à laquelle l'appelant a, de nouveau, consulté ce dossier. Dans ces conditions, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas pu consulter l'intégralité de son dossier disciplinaire avant la réunion du conseil de discipline du 20 juin 2017 à l'issue de laquelle ce conseil a proposé une sanction à son encontre.

4. D'autre part, si M. B... soutient qu'il a expressément demandé devant le conseil de discipline qui s'était réuni, une première fois, le 29 novembre 2016 que plusieurs pièces soient jointes à ce dossier disciplinaire, il ne l'établit aucunement alors que l'existence de certaine de ces pièces n'est pas établie et que celles de ces pièces dont l'existence est établie demeurent sans rapport avec les faits qui lui sont reprochés.

5. En deuxième lieu, l'article 4 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 prévoit que : " Ce conseil peut décider, à la majorité des membres présents, de renvoyer à la demande du fonctionnaire ou de son ou de ses défenseurs l'examen de l'affaire à une nouvelle réunion. Un tel report n'est possible qu'une seule fois. ".

6. Il ressort du procès-verbal de la réunion du conseil de discipline du 29 novembre 2016 que, la veille de cette réunion, M. B... a produit des observations écrites auxquelles étaient jointes de nouvelles pièces, en particulier l'attestation établie par l'un de ses collègues témoin des faits du 3 juin 2012, et qu'eu égard à la réception tardive de ces éléments, ce conseil a décidé de renvoyer l'examen de l'affaire à une date ultérieure. Ce retrait de l'ordre du jour n'étant ainsi pas fondé sur les dispositions précitées de l'article 4 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984, M. B... ne peut utilement faire valoir qu'il n'est pas intervenu à sa demande et n'aurait pas été décidé à la majorité des membres présents pour soutenir qu'il aurait méconnu ces mêmes dispositions. Au demeurant, l'appelant n'établit ni même ne soutient que le renvoi de l'affaire, à le supposer irrégulier, l'aurait privé d'une garantie ou aurait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise.

7. En troisième lieu, il ressort du procès-verbal de la réunion de la commission de discipline du 20 juin 2017 que cette commission a été informée de l'ensemble des griefs retenus à l'encontre de M. B... dans la décision litigieuse et les a tous examinés avant de considérer que seuls trois d'entre eux caractérisaient des fautes disciplinaires susceptibles de sanction. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le conseil de discipline n'aurait pas été consulté ou ne se serait pas prononcé sur certaines des fautes qui fondent l'arrêté litigieux.

8. En quatrième lieu, M. B... fait valoir que le directeur départemental de la police aux frontières, après avoir porté plainte contre lui à raison de la publication, sur le réseau social Facebook, d'un message offensant et attentatoire à sa vie privée, a adressé une copie de sa plainte à la personne chargée de l'enquête administrative menée sur les agissements antérieurs de M. B... et qu'il ressort du message accompagnant cet envoi que tous deux entretenaient une relation cordiale. Toutefois, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que l'enquête diligentée à la suite de cette plainte n'aurait pas été impartiale mais à charge. En outre, l'appelant ne peut pas utilement faire valoir, à cet égard, que le procès-verbal d'audition d'une des dix-huit personnes ayant pu consulter le message dont s'agit ainsi que celui de l'audition de l'auteur du " sms " dénonçant ce message à ce directeur départemental n'ont pas été joints à son dossier disciplinaire dès lors qu'il n'établit pas qu'une audition de l'auteur de ce sms aurait eu lieu et qu'il ressort du procès-verbal d'audition qui n'a effectivement pas été joint à son dossier que son signataire a seulement déclaré ne pas avoir été capable d'identifier, à partir de ses seules initiales, le " chef " de M. B... mis en cause par ce message.

Sur la légalité interne de l'arrêté litigieux :

9. En premier lieu, à l'appui du moyen tiré de ce qu'il aurait fait l'objet de plusieurs sanctions pour les mêmes faits, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

10. En deuxième lieu, et ainsi qu'il a été dit précédemment, le conseil de discipline ne s'est pas prononcé sur les fautes qui étaient reprochées à M B... lors de sa réunion du 29 novembre 2016 mais s'est borné à renvoyer l'examen de l'affaire à une date ultérieure. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'administration devrait être regardée, pour ce seul motif, comme ayant renoncé à lui infliger une sanction. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la seconde réunion du conseil de discipline du 20 juin 2017 ferait suite à une nouvelle saisine de ce conseil par l'administration caractérisant l'engagement d'une nouvelle procédure disciplinaire à raison des mêmes faits.

11. En troisième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant été le sujet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

12. D'une part, l'arrêté litigieux fait grief à l'appelant d'avoir consulté, le 3 juin 2012, un fichier auquel il avait accès dans le cadre de ses fonctions à la demande d'un tiers et avoir implicitement confirmé à celui-ci qu'il était recherché par les services de police, d'avoir ultérieurement consulté le fichier de police dénommé " système de traitement des infractions constatées " (STIC) concernant deux personnes de sa connaissance défavorablement connues des services de police en méconnaissance des dispositions de l'article R. 434-21 du code de la sécurité intérieure, de ne pas avoir rendu compte à sa hiérarchie de ce qu'il avait été entendu par l'inspection générale de la police nationale (IGPN), d'avoir détenu à son domicile une petite quantité de cannabis, découverte lors de la perquisition dont son domicile a fait l'objet, d'avoir exercé au cours du mois de décembre 2014 une activité d'agent de sécurité privé sans autorisation préalable de l'administration alors qu'il était administrativement en position d'activité et, enfin, d'avoir publié sur le réseau social Facebook un message offensant et attentatoire à la vie privée du directeur départemental de la police aux frontières.

13. L'appelant ne conteste utilement aucune de ces fautes, dont la matérialité ressort des pièces du dossier, notamment de ses déclarations devant les services de l'IGPN ainsi que de ses propres écritures, mais fait valoir que, le 3 juin 2012, il a immédiatement alerté sa hiérarchie présente sur place des fautes qu'il venait de commettre et soutient, toutefois sans l'établir, avoir déposé à ce propos une main courante ainsi qu'il lui a été ordonné. Il soutient également qu'il n'a consulté que par curiosité le fichier STIC des deux personnes susmentionnées. Par ailleurs, il établit avoir rendu compte à sa hiérarchie de la garde à vue dont il a fait l'objet dès qu'il a pris conscience de cette obligation, soit plus de sept mois après l'achèvement de cette garde à vue. En outre, il précise qu'il a sollicité son placement en disponibilité à compter du 1er novembre 2014 afin de pouvoir rejoindre sa compagne à Saint-Barthélémy et a conclu un contrat de travail à compter du 1er décembre suivant dès qu'il a eu connaissance des avis favorables rendus par sa hiérarchie et par la commission administrative paritaire, qu'il a appris tardivement qu'il n'était finalement placé en disponibilité qu'à compter du 1er janvier 2015, raison pour laquelle il aurait posé des congés pour la totalité du mois de décembre 2014. Il soutient qu'il aurait trouvé du cannabis dans la rue, l'aurait ramené chez lui puis l'y aurait oublié et se prévaut à cet égard de ce que le test de toxicologie auquel il s'est soumis s'est avéré négatif. Enfin, il rappelle que le message concernant son directeur départemental n'était consultable que par dix-huit personnes, que celui-ci n'était identifié que par ses initiales et qu'il l'a effacé dès le lendemain.

14. D'autre part, compte tenu de l'emploi, des fonctions de l'intéressé et des responsabilités qui s'attachent à l'exercice de celles-ci, de la gravité, nonobstant leurs conséquences limitées, des fautes ainsi commises ainsi que de leur accumulation, l'appelant, qui ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il s'est vu remettre la médaille d'honneur de la police nationale ou de circonstances tenant à sa vie personnelle, n'est pas fondé à soutenir que le ministre de l'intérieur aurait prononcé à son encontre une sanction disproportionnée en l'excluant de ses fonctions pour une durée de vingt-quatre mois, dont six mois avec sursis.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de vingt-quatre mois, dont six mois avec sursis. Par suite sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

M. Didier Artus, président de chambre,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Luc DerepasLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°20BX02753 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 5)
Numéro d'arrêt : 20BX02753
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : GUILLAUME-MATIME

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-13;20bx02753 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award