Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.
Par un jugement n° 2102168 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2022 et un mémoire ampliatif enregistré le 31 mai 2022, M. A..., représenté par Me Babou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'enjoindre à la préfète, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", à défaut, de réexaminer sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le tribunal n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnait les dispositions des articles L. 435-1, L. 423-23 et L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;
- la décision de la préfète n'est pas motivée malgré la demande de communication des motifs qui lui a été adressées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né en 1977, serait entré en France en 2008 selon ses déclarations après avoir séjourné en Espagne. Le 2 mars 2020, il a présenté auprès des services de la préfecture de la Gironde une demande d'admission exceptionnelle au séjour qui a été implicitement rejetée. M. A... relève appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal, après avoir cité les termes de l'article L.232-4 du code des relations entre le public et l'administration, a constaté que l'intéressé ne justifiait pas de la réception, par la préfète, du courrier par lequel il avait demandé la communication des motifs de la décision implicite rejetant sa demande de titre de séjour et en a déduit qu'en l'absence d'une telle preuve le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision devait être écarté. Cette motivation, qui a permis à M. A... de comprendre la position du tribunal sur le moyen qu'il avait ainsi soulevé, était suffisante. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour défaut de motivation doit être écarté.
Sur la légalité de la décision de la préfète de la Gironde :
3. En vertu des dispositions de l'article L.232-4 du code des relations entre le public et l'administration, une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. En l'espèce, faute pour M. A... d'apporter la preuve que le courrier du 8 mars 2021, par lequel son conseil a demandé à la préfète de la Gironde de lui indiquer les motifs de sa décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour, a effectivement été envoyé aux services de la préfecture, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée doit être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 435-1 de ce code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.313-2. (...)". Aux termes de l'article L.313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;(...) ".
5. Si M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis 2008, aucune des pièces qu'il produit n'est de nature à établir sa présence continue sur le territoire français depuis cette année-là. Par ailleurs, s'il est le père de deux petites filles de nationalité espagnole, nées en France en 2015 et 2016, qui résident avec leur mère, elle-même de nationalité espagnole, et qui sont scolarisées en France, les documents qu'il produit, à savoir un jugement de divorce daté du 21 janvier 2020 rappelant que l'autorité parentale est confiée en commun aux deux parents et les certificats de scolarité de ses deux filles, ne permettent pas, à eux seuls, de considérer que M. A... entretiendrait des liens avec celles-ci. Dans ces conditions, les seuls éléments ainsi invoqués par M. A... ne peuvent être regardés comme constituant des motifs exceptionnels au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, alors même que sa présence ne constitue pas une menace à l'ordre public. Pour les mêmes motifs, en l'absence de liens anciens, stables et durables en France, la décision contestée ne peut être regardée comme portant au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L.313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ont été reprises à l'article L.423-23 de ce code, et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
6. Par ailleurs, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 435-1 de ce code, est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, bien que cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. Si M. A... fait valoir qu'il a effectué des stages en 2008 et 2015 à la chambre des métiers et de l'artisanat des Pyrénées-Atlantiques et qu'il travaille au sein d'une société en qualité d'ouvrier polyvalent, ces circonstances ne sont pas, dans les circonstances de l'espèce, suffisantes pour justifier que lui soit délivré un titre de séjour en qualité de salarié. Par suite, la préfète de la Gironde n'a pas, en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation exceptionnelle, entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation. Enfin, M. A... ne justifie pas de la détention d'une autorisation de travail délivrée dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de l'accord franco-tunisien doit être écarté. Il en est de même, en tout état de cause, du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Enfin, dès lors que les pièces produites par M. A... ne permettent pas de justifier de l'existence de liens particuliers avec ses deux filles, la décision contestée rejetant sa demande de titre de séjour ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur des enfants de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la préfète de la Gironde. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.
La présidente-rapporteure,
Marianne B...La présidente-assesseure,
Christelle Brouard-Lucas
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01371