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08/12/2022 | FRANCE | N°20BX03694

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 08 décembre 2022, 20BX03694


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, sous le n° 1904547 à lui verser une provision de 34 989 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, et sous le n° 1904548 à lui verser une indemnité de 118 845,31 euros, avec intérêts et capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement à la suite de l'accident du travail dont elle a été

victime le 28 février 2001.

Dans l'instance n° 1904548, la caisse primaire d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, sous le n° 1904547 à lui verser une provision de 34 989 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, et sous le n° 1904548 à lui verser une indemnité de 118 845,31 euros, avec intérêts et capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement à la suite de l'accident du travail dont elle a été victime le 28 février 2001.

Dans l'instance n° 1904548, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime a demandé au tribunal de condamner le CHU de Bordeaux à lui verser la somme de 450 930,79 euros " avec intérêts à compter de la date du jugement ".

Par un jugement nos 1904547, 1904548 du 20 octobre 2020, le tribunal a condamné

le CHU de Bordeaux à verser à Mme C... une indemnité de 29 564,18 euros avec intérêts à compter du 4 juillet 2019 et capitalisation à compter du 4 juillet 2020, à verser à la CPAM de la Charente-Maritime la somme de 79 329,41 euros et à lui rembourser ses débours futurs sur présentation de justificatifs, et a mis les frais d'expertise de 2 065 euros à la charge du CHU de Bordeaux.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2020 et un mémoire enregistré

le 21 septembre 2021, Mme C..., représentée par la SCP Denizeau, Gaborit,

Takhedmit et Associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme

de 29 564,18 euros ;

2°) de condamner le CHU de Bordeaux à lui verser la somme de 171 225,45 euros, ou à titre subsidiaire de 134 738,56 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2019

et capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux les dépens, ainsi qu'une somme

de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le CHU de Bordeaux n'a pas contesté la faute retenue par l'expert à raison du caractère inapproprié de l'antibiothérapie mise en place entre le 18 mai et le 13 juillet 2001 ;

- le barème de l'ONIAM doit être écarté car son utilisation entraîne une rupture d'égalité entre les victimes de fautes médicales selon que le litige relève du juge administratif ou du juge judiciaire ;

- le tribunal n'a pas correctement appliqué la méthode de mise en œuvre du recours subrogatoire en cas de perte de chance, ce qui fausse le montant de l'indemnité allouée à la victime ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les dépenses liées à l'électro-stimulateur sont imputables, de sorte que les dépenses de santé restées à sa charge s'élèvent à 507,35 euros et que compte tenu de la perte de chance, elle a droit à 101,47 euros;

- elle a parcouru au total 12 596 km pour 47 hospitalisations entre le 9 mai 2001 et

le 10 octobre 2007, pour un coût de 6 209 euros au tarif de 0,493 euros par km ; si le jugement retient que les transports ont été pris en charge par la caisse, ils ne figurent pas sur la notification des débours ; elle a exposé 71,45 euros de frais de reproduction de son dossier médical ; c'est à tort que le tribunal n'a pas admis les frais d'hôtel de 87,20 euros exposés afin d'arriver à l'heure à la réunion d'expertise ; compte tenu de frais d'autoroute de 26,20 euros et de frais de déplacement de 433,85 euros pour se rendre à l'expertise, elle est fondée à demander 1 342,86 au titre des frais divers, après application du taux de perte de chance ;

- déduction faite des périodes d'hospitalisation, l'assistance par une tierce personne durant une heure par jour avant consolidation doit être évaluée à 60 032 euros au tarif horaire de 16 euros, soit 12 006,40 euros après application du taux de perte de chance ; après déduction de la prestation de compensation du handicap (PCH), la part restant à sa charge est supérieure à la dette du tiers responsable et par suite l'intégralité de l'indemnité lui revient ;

- au moment de l'accident, elle travaillait à temps plein pour une

rémunération mensuelle de 7 073 francs ; elle justifie d'une perte de salaires d'un montant total de 72 848,02 euros, et après déduction des indemnités journalières, la part restant à sa charge est supérieure à la dette du CHU, de sorte qu'elle est fondée à demander la somme

de 14 569,60 euros ;

- elle a exposé en 2017, 2018 et 2019 des " dépenses de santé futures " de cure thermale et d'ostéopathie pour un montant total de 5 646 euros, qu'il convient de capitaliser à compter

de 2020 par application du coefficient de rente viagère de 27,025 pour une femme âgée

de 60 ans, soit 31 986,24 euros ; l'imputabilité des cures thermales est établie par l'attestation du médecin conseil de la caisse, et les séances d'ostéopathie ont été recommandées par le service de dermatologie du CHU de Bordeaux ; la dermopigmentation sur les cicatrices, pour une somme non remboursée de 600 euros, est justifiée par la fragilité de la peau décrite par le certificat

du 21 novembre 2006 ; au total, les " dépenses de santé futures " s'élèvent à 38 459,70 euros, dont 7 691,94 à la charge du CHU de Bordeaux ; cette somme doit lui être versée intégralement car la part restant à la charge de la victime est supérieure à la dette du CHU ;

- l'expert retient un besoin d'assistance par une tierce personne d'une heure par semaine après consolidation et jusqu'au 20 mars 2023 ; ce préjudice a été partiellement réparé par la PCH du 1er mars 2017 au 29 février 2020, mais le renouvellement de cette prestation lui a été refusé à compter du 1er mars 2020 ; elle sollicite une somme de 1 689,39 euros après application du taux de perte de chance ;

- dès lors qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes pour acquérir un véhicule équipé d'une boîte automatique, le coût d'un tel véhicule d'occasion doit être admis à hauteur de 20 000 euros, soit 4 000 euros à la charge du CHU de Bordeaux ;

- son agrément d'assistante maternelle n'a pas été renouvelé en raison de son état de santé, son inaptitude à la profession d'aide-ménagère a été médicalement constatée, les séquelles au niveau de la main dominante la rendent inapte aux professions manuelles, et l'expert a conclu à son incapacité à reprendre un emploi en raison de son invalidité ; elle n'a pas pu retrouver un emploi stable en raison de ses nombreuses hospitalisations durant plus de 10 ans ; ses pertes de gains professionnels calculées par rapport au salaire minimum se sont élevées à 106,407,02 euros entre 2010 et 2020 et doivent être capitalisées pour l'avenir par application du coefficient de rente viagère de 25,526 pour une femme âgée de 61 ans, soit 382 434,43 euros ; les pertes de revenus doivent être capitalisées à titre viager afin de tenir compte des pertes de droit à la retraite ; les pertes de gains professionnels " à échoir " s'élèvent ainsi à 488 841,45 euros,

soit 97 768,29 euros après application du taux de perte de chance, cette somme devant revenir en totalité à la victime ; elle sollicite à titre principal 97 768,29 euros au titre de ses pertes de gains professionnels futurs ; à titre subsidiaire, l'incidence professionnelle doit être évaluée à 200 000 euros, auxquels s'ajoutent les pertes de gains échues pour 106 407,02 euros ; 20 % du total de 306 407,02 euros sont à la charge du CHU de Bordeaux, soit 61 281,40 euros ;

- après application du taux de perte de chance, elle est fondée à demander les sommes de 10 467,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 6 000 euros au titre des souffrances endurées, de 800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, de 11 988 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, qu'il y a lieu de prendre en compte à 27 % sans application de la règle de Balthazar que l'expert n'aurait pas dû retenir, et de 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément dès lors qu'elle justifie de la pratique du VTT avant le dommage,

et de 800 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

Par des mémoires enregistrés les 23 février et 16 novembre 2021, la CPAM de la Charente-Maritime, représentée par la SELARL Bardet et Associés, demande à la cour :

1°) de condamner le CHU de Bordeaux à lui verser la somme de 444 000,68 euros,

dont 350 196,85 euros au titre de ses débours échus et 93 803,83 euros au titre de ses frais futurs, lesquels pourront être remboursés à mesure qu'ils seront exposés, à moins que le CHU ne préfère le versement immédiat d'un capital ;

2°) d'assortir ces condamnations des intérêts au taux légal " à compter de l'arrêt à intervenir " ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux les sommes de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle sollicite la confirmation du jugement en tant qu'il a retenu la responsabilité pour faute du CHU de Bordeaux ;

- dès lors que l'expert a estimé que l'antibiothérapie administrée entre le 18 mai et

le 13 juillet 2001 n'était pas conforme aux recommandations, tous les frais postérieurs

au 18 mai 2001 sont imputables et doivent lui être remboursés ;

- en ce qui concerne les soins antérieurs au 18 mai 2001, elle s'en remet à la sagesse de la cour, mais son médecin conseil estime que tous les frais, avant et après cette date, sont imputables à la faute; la ventilation des frais pharmaceutiques n'a pas été possible car elle n'a pas pu accéder au prix de chaque prestation ; l'attestation d'imputabilité établie par son médecin conseil, dont la probité ne saurait être mise en cause, est précisément motivée et établit l'imputabilité des frais réclamés ;

- elle sollicite la prise en compte de ses débours à hauteur de 444 000,68 euros et s'en remet à la sagesse de la cour quant au taux d'imputabilité applicable ;

- elle confirme avoir pris en charge des frais de transport du 9 mai 2001

au 4 octobre 2011 et du 9 mai 2001 au 4 novembre 2011, mais ne les a pas inclus dans sa créance faute de pouvoir accéder informatiquement à leur détail du fait de leur ancienneté ;

- ses débours échus s'élèvent à 252 171,96 euros au titre des dépenses de

santé, 55 634,21 euros au titre des indemnités journalières et 42 390,68 euros au titre des arrérages échus de la rente d'accident du travail ; ses frais futurs, que le CHU pourra rembourser à mesure qu'ils seront exposés, à moins qu'il ne préfère le versement immédiat d'un capital, sont constitués par 18 895,22 euros de dépenses de santé et 74 908,71 de capital restant à échoir de la rente d'accident du travail.

Par un mémoire enregistré le 23 juillet 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SELARL Birot, Ravaut et Associés, conclut à sa mise hors de cause.

Il fait valoir qu'aucune condamnation ne saurait être prononcée à son encontre dès lors que l'infection présentée par Mme C... n'avait pas de caractère nosocomial et que son état n'est pas en lien avec un acte de prévention, de diagnostic ou de soin.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 septembre, 30 septembre

et 7 décembre 2021, le CHU de Bordeaux, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réduire les condamnations prononcées au profit de Mme C... et de la CPAM de la Charente-Maritime.

Il fait valoir que :

- c'est à tort que le tribunal a évalué la perte de revenus professionnels par rapport au SMIC alors que Mme C... n'a jamais travaillé à temps plein ou de manière continue, et qu'elle n'est pas inapte à l'emploi puisqu'elle a travaillé, comme il ressort des avis d'imposition des années 2012, 2013 et 2014 ; rien n'établit qu'une absence d'activité professionnelle serait imputable, même partiellement, à la faute qui lui est reprochée ; c'est également à tort que le tribunal a retenu un préjudice d'incidence professionnelle et l'a évalué à 10 000 euros ; l'assiette du recours de la caisse, et par voie de conséquence la somme qui lui a été allouée au titre de la rente d'accident du travail, ont été surévaluées ;

- l'attestation d'imputabilité de la caisse doit être cohérente avec le rapport d'expertise ; c'est à tort que le tribunal a retenu dans l'assiette des débours de la caisse l'hospitalisation entre le 9 mai et le 8 juin 2001, imputable à la seule infection et non à la faute, ainsi que les indemnités journalières et les frais antérieurs au 18 mai 2001, date de l'antibiothérapie retenue comme insuffisante ; l'hospitalisation du 12 au 14 septembre 2011 au centre hospitalier d'Angoulême, non mentionnée par l'expert, ne peut davantage être admise ;

- c'est à tort que le tribunal a mis à sa charge des frais pharmaceutiques exposés à compter du 2 mai 2001, alors que Mme C... n'a été hospitalisée au CHU qu'à compter

du 9 mai 2001 ;

- les bases retenues par les premiers juges pour l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées sont excessives ;

- les demandes présentées en appel par Mme C... ne sont pas fondées ;

- les demandes de la CPAM de la Charente-Maritime ne peuvent qu'être rejetées en tant qu'elles excèdent la somme de 79 329,41 euros représentant 20 % de sa créance, et dès lors qu'il n'a pas donné son accord pour un versement en capital, les frais futurs ne pourront qu'être remboursés sur présentation de justificatifs, dans la limite de 20 % de leur montant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 février 2001, Mme C..., alors factrice intérimaire dont le contrat à durée déterminée s'achevait le même jour, a été victime d'un accident de cyclomoteur dans l'exercice de ses fonctions et a présenté des excoriations sur la jambe gauche et les deux poignets, pour lesquelles son médecin traitant a prescrit des soins locaux. Les 3 et 23 avril, elle a été prise en charge dans une clinique à Angoulême pour une infection au niveau du tibia gauche, traitée par une antibiothérapie. Son médecin traitant l'a adressée le 9 mai au service de dermatologie du CHU de Bordeaux pour des placards érythémateux sur le tibia et le poignet gauches. Dans cet établissement où elle a été hospitalisée du 9 mai au 8 juin 2001, des prélèvements ont mis en évidence un mycobacterium chelonae. La patiente est rentrée à son domicile avec une cicatrisation quasi complète et la prescription de poursuivre l'antibiothérapie mise en place. Toutefois, elle a été à nouveau hospitalisée du 11 au 13 juillet pour une récidive de l'infection, et le 20 juillet, le mycobacterium chelonae et un mycobacterium gordonae ont été retrouvés au niveau du poignet gauche. La cicatrisation de la jambe gauche a été constatée le 6 juin 2002, mais les lésions du poignet gauche se sont étendues à la main, puis une atteinte de la main droite a été constatée à partir d'octobre 2002, ce qui a nécessité de multiples interventions chirurgicales, et notamment des amputations de l'index droit le 9 avril 2003, du médius droit le 1er mars 2005, et de la tête du troisième métacarpien droit en septembre 2005. L'antibiothérapie a été arrêtée en mai 2006, et une rente d'accident du travail a été accordée à Mme C... à compter du 1er février 2008 pour une incapacité permanente de 37 %. Mme C... a conservé des douleurs du membre supérieur droit et a subi une nouvelle intervention le 8 juillet 2011 pour la résection d'une bride dorso-radiale qui maintenait le quatrième doigt de la main droite en hyperextension. Son état de santé a été déclaré consolidé le 7 février 2012, après une dernière intervention le 4 octobre 2011 pour la recoupe du moignon du troisième métacarpien et l'ablation de broches sur la main droite.

2. Le 22 janvier 2018, Mme C... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'expertise, à laquelle il a été fait droit par une ordonnance du 7 juin 2018. L'expert, qui a déposé son rapport le 1er novembre 2018, a expliqué que le mycobacterium chelonae et le mycobacterium gordonae sont des mycobactéries atypiques à pousse rapide et que le mycobacterium chelonae, qui peut entraîner des lésions cutanées graves, forme à l'endroit de la contamination des biofilms qui lui permettent de résister aux désinfectants et aux antibiotiques, de sorte que son éradication peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années malgré une antibiothérapie bien conduite. Il a conclu à l'absence de caractère nosocomial de l'infection, déjà présente à l'admission au CHU de Bordeaux le 9 mai 2001, laquelle avait été contractée soit par le sol au moment de l'accident, soit ultérieurement au contact d'eau contaminée, le mycobacterium chelonae pouvant se trouver dans le sol, les eaux souillées et même l'eau du robinet. L'expert a qualifié l'antibiothérapie initiale par doxycycline, administrée au CHU de Bordeaux entre le 18 mai et le 13 juillet 2001, de non conforme aux recommandations et aux données acquises de la science et d'inadaptée à l'état de la patiente. Il a cependant estimé que cette faute, à l'origine d'un retard de deux mois dans la mise en route d'un traitement adapté, avait seulement fait perdre à Mme C... une chance de 20 % d'éviter la dégradation de son état de santé, compte tenu de l'évolution prévisible de l'infection par la mycobactérie.

3. Mme C... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de deux demandes tendant à la condamnation du CHU de Bordeaux à lui verser, respectivement, une provision

de 34 989 euros et une indemnité de 118 845,31 euros, et la CPAM de la Charente-Maritime a sollicité le remboursement de la somme de 450 930,79 euros. Le tribunal a joint les demandes, et par un jugement du 20 octobre 2020, a condamné le CHU de Bordeaux à verser à Mme C... une indemnité de 29 564,18 euros avec intérêts à compter du 4 juillet 2019 et capitalisation à compter du 4 juillet 2020, à verser à la CPAM de la Charente-Maritime la somme de 79 329,41 euros et à lui rembourser ses débours futurs sur présentation de justificatifs, et a mis les frais d'expertise de 2 065 euros à la charge du CHU de Bordeaux. Mme C... relève appel de ce jugement et porte sa demande indemnitaire à 171 225,45 euros. Par son appel incident, le CHU de Bordeaux demande la réduction des sommes allouées à Mme C... et à la CPAM de la Charente-Maritime. Cette dernière demande à la cour de condamner le CHU de Bordeaux à lui verser la somme de 444 000,68 euros, dont 350 196,85 euros au titre de ses débours échus et 93 803,83 euros au titre de ses frais futurs.

Sur la responsabilité :

4. La responsabilité pour faute du CHU de Bordeaux n'est pas contestée. Par suite, et alors que l'expert estime que la part du préjudice qui n'est pas en lien avec la perte de chance est entièrement imputable à l'état initial, l'ONIAM est fondé à demander sa mise hors de cause.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

5. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou du fait que celle-ci n'a subi que la perte de chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

S'agissant des frais divers

6. Mme C... justifie avoir exposé 71,45 euros de frais de reproduction de son dossier médical, ainsi que 26,20 euros de frais de péage et 320,45 euros de frais de transport pour se rendre de son domicile d'Angoulême à la clinique de Montauban, distante de 325 km, où l'expertise a eu lieu le 19 septembre 2018. Eu égard à cette distance, il y a lieu d'admettre également deux nuits d'hôtel à Montauban pour un coût total de 87,20 euros. Les frais divers à la charge de Mme C... se sont ainsi élevés à 505,30 euros. Ce préjudice étant entièrement imputable à la faute du CHU de Bordeaux, il doit être admis en totalité.

S'agissant des dépenses de santé :

Quant aux frais d'hospitalisation :

7. Il résulte de l'instruction que la première hospitalisation au CHU de Bordeaux

du 9 mai au 8 juin 2001 était nécessitée par l'infection, et que l'hospitalisation du 18 au

21 juin 2001, pour un bilan ayant d'ailleurs permis de constater une diminution des lésions, aurait eu lieu même dans le cas d'une antibiothérapie adaptée. Ce n'est qu'à partir

du 11 juillet 2001 que les hospitalisations pour les récidives de la mycobactériose et leurs conséquences sont en lien avec le caractère inadapté du traitement par doxycycline administré entre le 18 mai et le 13 juillet 2001. L'attestation d'imputabilité du médecin-conseil de la CPAM de la Charente-Maritime fait référence au rapport d'expertise, dont la comparaison avec le relevé détaillé des débours produit par la caisse permet de retenir un coût total de 200 587,40 euros entre le 11 juillet 2001 et le 4 octobre 2011, en excluant l'hospitalisation du 22 juillet 2003 pour l'ablation de deux épithéliomes baso-cellulaires, intervention sans lien avec l'infection, ainsi que celle du 12 au 14 septembre 2011 au centre hospitalier d'Angoulême dont l'expert, qui a répertorié toutes les hospitalisations figurant au dossier médical, n'a pas fait état. Après application du taux de perte de chance, la somme de 40 117, 48 euros doit être versée à la CPAM de la Charente-Maritime dès lors que Mme C... ne présente aucune demande au titre de ce poste de préjudice.

Quant aux frais médicaux :

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la caisse a exposé, en lien avec la faute commise par le CHU de Bordeaux, 3 360,09 euros de frais médicaux du 25 septembre 2006

au 30 octobre 2020 correspondant à des consultations de psychiatrie nécessitées par le retentissement psychologique des séquelles de l'infection, à des consultations au

centre antidouleurs pour des douleurs au membre supérieur droit, ainsi qu'à des soins infirmiers. Mme C... n'invoque aucune dépense restée à sa charge au titre de ce préjudice. Eu égard au taux de perte de chance, le CHU de Bordeaux doit être condamné à verser 672,02 euros à la caisse.

9. La CPAM de la Charente-Maritime doit être regardée comme ne demandant plus de frais futurs de rééducation dès lors que ceux-ci, mentionnés à titre viager sur l'attestation d'imputabilité de son médecin-conseil du 10 décembre 2020, ne figurent plus sur l'attestation

du 27 octobre 2022.

10. En second lieu, l'attestation d'imputabilité du médecin conseil de la CPAM de la Charente-Maritime retient des frais de cure thermale en 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, et

le protocole de soins post-consolidation de la caisse, qui porte sur la période du 7 février 2012

au 20 mars 2023, inclut une cure thermale par an parmi les prestations en lien avec l'accident

du 28 février 2001. Les pièces produites par Mme C... font apparaître qu'il s'agit de cures à La Roche-Posay pour une indication thérapeutique de dermatologie. L'expertise, réalisée

le 19 septembre 2018, après la quatrième cure qui a eu lieu en juin 2018, ne fait aucune référence à des cures thermales, dont la nécessité à partir de 2015, au regard de séquelles d'une infection ayant donné lieu à une dernière intervention chirurgicale sur la main droite le 4 octobre 2011 et à une consolidation le 7 février 2012, ne résulte pas de l'instruction. Si un médecin du service de dermatologie du CHU de Bordeaux a fait allusion, dans une lettre du 17 avril 2007, à une recommandation par un autre médecin de consulter un ostéopathe pour les douleurs à la main droite, il ne peut en être déduit que les deux séances annuelles d'ostéopathie que Mme C... a suivies à partir de 2015 dans le cadre de ses cures thermales seraient en lien avec les séquelles de l'infection à mycobacterium chelonae, alors qu'elles ne sont pas mentionnées dans l'expertise. Enfin, les pièces relatives à une dermopigmentation correctrice et réparatrice sur des cicatrices, prescrite le 23 mai 2019 par la dermatologue de Mme C... et facturée

à 600 euros le 28 mai 2019, sont trop imprécises pour permettre d'établir un lien avec les cicatrices à la main droite. Par suite, ces frais ne peuvent être retenus comme imputables à la faute du CHU de Bordeaux.

Quant aux frais pharmaceutiques :

11. La CPAM de la Charente-Maritime, qui sollicite seule la prise en compte de frais pharmaceutiques, admet expressément ne pas être en mesure, faute d'accès à des relevés informatiques anciens, de procéder à une ventilation des frais figurant pour une somme

de 2 225,55 euros sur son relevé des débours pour la période du 2 mai 2001 au 7 février 2012, lesquels incluent, comme le fait valoir le CHU de Bordeaux, des frais non imputables à la faute qui lui est reprochée puisqu'ils lui sont antérieurs. Le médecin-conseil de la caisse n'a pas davantage eu accès aux relevés informatiques détaillés qui n'existaient plus à la date de son attestation d'imputabilité, laquelle ne peut donc être regardée comme probante. L'impossibilité de déterminer le montant des frais imputables fait obstacle à une condamnation du CHU de Bordeaux pour la période du 2 mai 2001 au 7 février 2012. La caisse, qui invoquait en première instance des frais pharmaceutiques occasionnels du 7 février 2012 au 20 mars 2023, intégralement qualifiés de " futurs " sur un état du 10 décembre 2020, n'a pas justifié de frais échus malgré une mesure d'instruction, et l'attestation d'imputabilité du 27 octobre 2022

ne mentionne pas de frais pharmaceutiques futurs.

Quant au matériel médical :

12. Il résulte de l'instruction que le centre antidouleurs où Mme C... a été prise en charge pour des douleurs au membre supérieur droit lui a prescrit des séances

de neuro-stimulation. Par suite, il y a lieu d'admettre les acquisitions d'électro-stimulateurs

pour 200 euros en juin 2009 et 210,36 euros en décembre 2016, partiellement remboursées par la sécurité sociale, sur lesquelles Mme C... a conservé à sa charge une somme totale

de 175,90 euros. La somme de 82,07 euros correspondant à 20 % du coût de ce matériel doit être versée à Mme C....

13. Mme C... justifie avoir conservé à sa charge une somme de 27,24 euros sur l'acquisition d'orthèses de pouce en juillet 2018 et avril 2019, d'un coût total de 67,10 euros. Il résulte de l'instruction que la caisse a supporté 62,32 euros de frais d'orthèse en juillet 2018 et mars 2022. Le préjudice doit ainsi être fixé à 129,42 euros, dont 25,88 euros à la charge du CHU de Bordeaux. Cette somme étant inférieure à celle supportée par Mme C..., elle doit lui être intégralement versée.

14. Il résulte de l'instruction que l'état séquellaire de la main droite de Mme C... nécessite une orthèse de pouce par an à titre viager, prise en charge par la caisse pour un coût annuel de 38,40 euros, soit un capital de 970,29 euros par application du coefficient de 25,268 issu du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2020 pour une femme âgée de 62 ans à la date du présent arrêt. En l'absence de demande de Mme C..., le CHU de Bordeaux doit être condamné à rembourser 20 % de ces frais futurs à la CPAM de la Charente-Maritime, sur présentation de justificatifs, dans la limite de 194 euros.

S'agissant des frais de transport :

15. Il résulte de l'attestation d'imputabilité de son médecin-conseil que la caisse a pris en charge les transports en ambulance lors des transferts entre le centre hospitalier d'Angoulême et le CHU de Bordeaux du 9 mai 2001 au 4 octobre 2011, et en transport assis professionnalisé du 9 mai 2001 au 4 novembre 2011. La circonstance que la CPAM de la Charente-Maritime, qui confirme cette prise en charge dans ses écritures, indique ne pas avoir inclus ces frais dans sa créance faute de pouvoir accéder aux relevés informatiques anciens qui les détaillaient, est sans incidence sur le fait que Mme C..., qui ne conteste pas sérieusement avoir bénéficié de ces transports, ne justifie pas que des frais seraient restés à sa charge au titre des déplacements effectués pour se rendre à l'hôpital entre le 9 mai 2001 et le 10 octobre 2007. Ainsi, ce poste de préjudice ne peut donner lieu à aucune condamnation du CHU de Bordeaux.

S'agissant des frais liés au handicap :

Quant à l'adaptation du véhicule :

16. L'amputation de deux doigts de la main droite gêne Mme C... dans la conduite de son véhicule, comme l'a relevé l'expert qui a recommandé une boîte de vitesses automatique. Toutefois, seul le surcoût d'un véhicule adapté par rapport à un véhicule ordinaire constitue un préjudice indemnisable, et il n'en est pas davantage justifié en appel qu'en première instance. Par suite, la demande de Mme C..., qui se rapporte à l'acquisition d'un véhicule d'occasion à boîte automatique, doit être rejetée.

Quant à l'assistance par une tierce personne :

17. D'une part, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

18. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune. Ces règles ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.

19. L'expert a retenu un besoin d'assistance d'une heure par jour du 9 juin 2001

au 7 février 2012, date de consolidation de l'état de santé de Mme C..., hors périodes d'hospitalisation. Toutefois, la première récidive de la mycobactériose en lien avec le caractère inadapté du traitement par doxycycline administré entre le 18 mai et le 13 juillet 2001 n'a été constatée que le 11 juillet 2001, de sorte que la période à retenir est celle du 11 juillet 2001

au 7 février 2012 (3 864 jours). Il résulte de l'instruction que la durée des hospitalisations, toutes causes confondues, a été de 195 jours au cours de cette période. Le besoin relatif aux tâches de la vie quotidienne ne relève pas d'une aide spécialisée. Il y a lieu de l'évaluer au coût horaire moyen du salaire minimum au cours de la période en cause, majoré afin de tenir compte

des charges sociales, des majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés

et des congés payés, soit 14,50 euros. Le préjudice doit ainsi être fixé à 53 200,50 euros

pour 3 669 jours passés au domicile.

20. Pour la période postérieure à la consolidation, l'expert a seulement retenu un besoin d'assistance d'une heure par semaine jusqu'au 20 mars 2023, ce que Mme C... ne conteste pas. Il y a lieu de l'évaluer au coût horaire moyen du salaire minimum au cours de la période en cause, majoré afin de tenir compte des charges sociales et des congés payés, soit 15 euros. Le préjudice entre le 8 février 2012 et le 20 mars 2023 (4 058 jours soit 580 semaines) doit ainsi être fixé à 8 700 euros.

21. Il résulte de ce qui précède que le préjudice relatif à l'assistance par une tierce personne s'élève à 61 900,50 euros dont 20 % à la charge du CHU de Bordeaux,

soit 12 380,10 euros. Il ne résulte pas de l'instruction que la prestation de compensation

du handicap (PCH) attribuée à Mme C... pour des aides techniques ponctuelles, à hauteur

de 197,74 euros pour la période du 1er mars 2008 au 28 février 2011 et de 559,19 euros pour la période du 1er mars 2017 au 29 février 2020, payable sur présentation de factures, aurait été utilisée pour des prestations de service d'assistance par une tierce personne. Par suite,

Mme C... a droit à la somme de 12 380,10 euros.

Quant au matériel en lien avec le handicap :

22. Il résulte de l'instruction que Mme C... a exposé 257,35 euros, facturés

le 18 février 2009, pour l'achat de divers matériels, tels que des ciseaux adaptés et des couverts à gros manches, constituant des aides techniques adaptées à son handicap, dont 20 %,

soit 51,47 euros, doivent être mis à la charge du CHU de Bordeaux. En l'absence de tout élément relatif à l'emploi de la somme de 197,74 euros allouée sur présentation de justificatifs au titre

de la PCH pour des aides techniques ponctuelles au titre de la période du 1er mars 2008

au 28 février 2011, cette prestation doit être regardée comme ayant été affectée à ces acquisitions. La somme de 59,61 euros restée à la charge de Mme C... étant supérieure à l'indemnité de 51,47 euros due par le CHU, cette dernière doit être versée à Mme C....

S'agissant des pertes de revenus professionnels et de l'incidence professionnelle :

Quant à la période du 11 juillet 2001 au 31 janvier 2008 :

23. Les justificatifs produits font apparaître que Mme C... a été employée comme factrice intérimaire à la Poste sous contrats de courte durée en décembre 2000, janvier et

février 2001, et que son dernier contrat, d'une durée de 14 jours, s'achevait le 28 février 2001, date de l'accident du travail, sans qu'aucune perspective de conclusion d'un nouveau contrat soit démontrée. Il résulte de l'instruction qu'au cours des années 1997 à 2000, Mme C... a exercé successivement les activités d'aide-cantinière, de surveillante périscolaire, et en dernier lieu de factrice, pour un revenu moyen correspondant à 57 % du SMIC. Entre le 11 juillet 2001 et le 31 janvier 2008, elle a perçu 51 936,28 euros d'indemnités journalières, alors qu'un revenu de 57 % du SMIC se serait élevé à 43 127,34 euros. Ses pertes de revenus professionnels, dont l'imputabilité à la faute du CHU est établie contrairement à ce que soutient celui-ci, ont ainsi été entièrement réparées par les indemnités journalières, et le CHU de Bordeaux doit être condamné à verser 20 % de la somme de 43 127,34 euros à la CPAM de la Charente-Maritime,

soit 8 625,47 euros.

Quant à la période postérieure au 31 janvier 2008 :

24. Mme C... perçoit depuis le 1er février 2008 une rente d'accident du travail au taux de 37 % correspondant à l'amputation des deuxième et troisième doigts de la main droite chez une droitière. Contrairement à ce qu'a indiqué l'expert, ce handicap ne l'empêchait pas de reprendre un emploi après son arrêt de travail qui s'est achevé le 31 janvier 2008. Il résulte de l'instruction qu'elle a d'ailleurs occupé un emploi de surveillante dans une école de 2009 à 2012, années au cours desquelles le montant de ses salaires figurant sur les justificatifs fiscaux produits était supérieur au revenu de 57 % du SMIC qu'elle percevait avant l'infection. Aucun élément ne permet d'attribuer l'évolution ultérieure des revenus professionnels, devenus nuls à partir

de 2015, aux conséquences de l'infection. Par suite, aucune somme ne saurait être mise à la charge du CHU de Bordeaux au titre des pertes de revenus postérieures au 1er février 2008.

25. Le handicap de Mme C... limite les professions qu'elle est susceptible d'exercer, ce qui caractérise une dévalorisation sur le marché du travail. Dès lors qu'elle était âgée de 47 ans le 1er février 2008, date à laquelle elle aurait pu reprendre un emploi à l'issue de son arrêt de travail, il y a lieu d'évaluer son préjudice d'incidence professionnelle

à 20 000 euros. En l'absence de pertes de revenus professionnels, ce préjudice est entièrement réparé par la rente d'accident du travail, d'un montant annuel de 3 096,18 euros, qu'elle perçoit depuis le 1er février 2008, et le CHU de Bordeaux doit être seulement condamné à verser

à la CPAM de la Charente-Maritime 20 % de la somme de 20 000 euros, soit 4 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

26. L'expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire de 100 % pour toutes les périodes d'hospitalisation imputables entre le 11 juillet 2001 et le 4 octobre 2011, soit

au total 191 jours, et de 50 % pour les autres périodes antérieures à la consolidation,

soit 3 673 jours. Il y a lieu d'évaluer ce préjudice à 40 550 euros sur la base de 600 euros par mois de déficit total.

27. Il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées, cotées à 5 sur 7 par l'expert, en les évaluant à 16 000 euros.

28. Il y a lieu d'évaluer à 2 000 euros le préjudice esthétique temporaire de 2 sur 7 retenu par l'expert.

29. La règle de Balthazar prévue par des dispositions relatives aux pensions d'invalidité des fonctionnaires, selon laquelle une nouvelle infirmité s'ajoutant à une infirmité initiale doit être calculée par référence à la capacité restante, ne constitue pas un principe général applicable sans texte. Par suite, c'est à tort que l'expert a calculé selon cette règle un déficit fonctionnel permanent de 25 % après avoir retenu 14 % pour l'amputation du médius et de l'index, 6 % pour une ankylose de l'auriculaire et 7 % pour des troubles de l'humeur persistants post-traumatiques. Mme C... étant âgée de 51 ans le 7 février 2012, date de consolidation de son état de santé, il y a lieu d'évaluer le déficit fonctionnel permanent de 27 % à 42 000 euros.

30. Le préjudice esthétique permanent, estimé à 2 sur 7 par l'expert, correspond à l'aspect visuel de la main droite caractérisé par la perte de deux doigts et des cicatrices multiples. Il y a lieu de l'évaluer à 3 000 euros.

31. Mme C... justifie, par les pièces produites, d'un préjudice d'agrément caractérisé par l'impossibilité de poursuivre la pratique du VTT, qu'il y a lieu d'évaluer

à 1 000 euros.

32. Il résulte de ce qui précède que les préjudices extra-patrimoniaux s'élèvent

à 104 550 euros, dont l'indemnisation incombe au CHU de Bordeaux à hauteur de 20 %,

soit 20 910 euros.

33. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que le CHU de Bordeaux a été condamné à verser à Mme C... doit être portée de 29 564,18 euros à 33 954,82 euros, que la somme que le CHU de Bordeaux a été condamné à verser à la CPAM de la Charente-Maritime doit être ramenée de 79 329,41 euros à 53 414,97 euros, et que le CHU doit être condamné à rembourser 20 % des frais futurs d'orthèse à la caisse, sur présentation de justificatifs, dans la limite de 194 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

34. Comme l'a retenu le tribunal, Mme C... a droit aux intérêts sur la condamnation prononcée à son profit à compter du 4 juillet 2019, date de réception de sa réclamation préalable, et à leur capitalisation à compter du 4 juillet 2020.

35. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution. Par suite, les conclusions de la CPAM de la Charente-Maritime tendant à ce que les sommes qui lui ont été allouées portent intérêt à compter du présent arrêt sont dépourvues d'objet.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

36. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... à l'occasion du présent litige.

37. La CPAM de la Charente-Maritime étant une partie perdante, ses conclusions tendant à ce que des sommes soient mises à la charge du CHU de Bordeaux au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'indemnité forfaitaire de gestion doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause.

Article 2 : La somme que le CHU de Bordeaux a été condamné à verser à Mme C... est portée de 29 564,18 euros à 33 954,82 euros, avec intérêts à compter du 4 juillet 2019

et capitalisation à compter du 4 juillet 2020.

Article 3 : La somme que le CHU de Bordeaux a été condamné à verser à la CPAM de la Charente-Maritime est ramenée de 79 329,41 euros à 53 414,97 euros.

Article 4 : Le CHU de Bordeaux est condamné à rembourser 20 % des frais futurs d'orthèse à la CPAM de la Charente-Maritime, sur présentation de justificatifs, dans la limite de 194 euros.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux nos 1904547, 1904548

du 20 octobre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le CHU de Bordeaux versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime et à la Poste.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX03694


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03694
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CABINET BARDET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-08;20bx03694 ?
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