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30/11/2022 | FRANCE | N°20BX02056

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 novembre 2022, 20BX02056


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la société Cabinet de coordination et expertise (CET) a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler la décision du 9 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune du Tampon a rejeté sa demande indemnitaire relative à l'exécution du lot n° 2 du marché de prestations intellectuelles " coordination de sécurité et protection de la santé " (CSPS) concernant la rénovation du bâti scolaire communal et de condamner la commune du Tampon à lui ver

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la société Cabinet de coordination et expertise (CET) a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler la décision du 9 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune du Tampon a rejeté sa demande indemnitaire relative à l'exécution du lot n° 2 du marché de prestations intellectuelles " coordination de sécurité et protection de la santé " (CSPS) concernant la rénovation du bâti scolaire communal et de condamner la commune du Tampon à lui verser la somme de 18 615,34 euros en réparation du préjudice subi dans le cadre de l'exécution de ce marché et, d'autre part, d'annuler la décision du 1er décembre 2016 par laquelle le maire de la commune du Tampon a rejeté sa demande indemnitaire relative à l'exécution du lot n° 3 du même marché et de condamner la commune du Tampon à lui verser la somme de 20 294,92 euros en réparation du préjudice subi dans le cadre de l'exécution dudit marché.

Par un jugement n° 1700106-1700107 du 2 avril 2020 procédant à la jonction des requêtes, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2020, la société CET, représentée par Me André-Robert, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 2 avril 2020 ;

2°) d'annuler les décisions des 1er décembre et 9 décembre 2016 par lesquelles le maire de la commune du Tampon a rejeté ses demandes indemnitaires ;

3°) de condamner la commune du Tampon à lui verser la somme totale de 38 910,26 euros en réparation des préjudices subis dans le cadre de l'exécution des lots n° 2 et n° 3 du marché de coordination de sécurité et de protection de la santé concernant la rénovation du bâti scolaire communal ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Tampon une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé ses demandes irrecevables au motif que, faute d'avoir adressé une lettre de réclamation dans le délai de deux mois suivant la notification des courriers des 1er et 9 décembre 2016, elle n'avait pas suivi la procédure prévue par l'article 37 du CCAG-PI ;

- en jugeant qu'il ne lui appartenait pas d'annuler les décisions contestées au motif que le juge du contrat ne peut pas annuler une décision prise par l'une des parties au contrat, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- le montant réclamé correspond au manque à gagner et aux préjudices financiers subis du fait du comportement fautif de la commune : s'agissant du lot n° 2, 399 missions au prix unitaire de 43 euros n'ont pu être faites ; par ailleurs, ayant été abusivement privé de la possibilité d'effectuer 436 visites et interventions, elle a subi un manque à gagner qui l'a empêchée d'embaucher un salarié pour répondre aux autres marchés qui lui étaient par ailleurs proposés.

Par un mémoire, enregistré le 6 janvier 2021, la commune du Tampon, représentée par Me Symchowicz, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société CET sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hubert représentant la commune du Tampon.

Considérant ce qui suit :

1. En février 2015, la commune du Tampon a lancé un appel d'offres ouvert en vue

de la passation d'un marché public portant sur une mission de coordination de sécurité

et de protection de la santé de niveau II concernant la rénovation du bâti

scolaire communal. Par actes d'engagements signés le 27 janvier 2016, la commune du Tampon a attribué les quatre lots de ce marché à la société Cabinet de coordination et expertise technique (CET). Par trois courriers en date des 13 septembre, 26 octobre et 5 décembre 2016, la société CET a dénoncé auprès du maître d'ouvrage les difficultés rencontrées dans l'exécution de ce marché et a sollicité la réparation des préjudices subis, invoquant des manques à gagner chiffrés à 18 615,34 euros pour le lot n° 2 et à 20 294,92 euros pour le lot n° 3, soit un manque à gagner total de 38 910,26 euros pour ces deux lots. Par deux courriers en date des 1er et 9 décembre 2016, le maire de la commune du Tampon a rejeté ces demandes. Par un jugement du 2 avril 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté les demandes de la société CET tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du maire du Tampon des 1er et 9 décembre 2016 et, d'autre part, à la réparation des préjudices subis, à hauteur de 18 615, 34 euros pour le lot n° 2 et de 20 294, 92 euros pour le lot n° 3. La société CET relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité des demandes présentées devant le tribunal administratif :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

2. Le juge du contrat n'a pas, en principe, le pouvoir de prononcer, à la demande de l'une des parties, l'annulation de mesures prises par l'autre partie, comme contraires aux clauses du contrat. Il lui appartient seulement de rechercher si ces mesures sont intervenues dans des conditions de nature à ouvrir un droit à indemnité.

3. Il résulte de l'instruction que, par la décision en date du 1er décembre 2016, le maire de la commune du Tampon a rejeté la demande de la société CET tendant au paiement de la somme de 20 294,92 euros correspondant, selon cette dernière, au manque à gagner résultant du fait que, dans le cadre de l'exécution du lot n° 3 du marché, elle avait réalisé 61 visites au lieu des 480 visites contractuellement convenues. Par la décision en date du 9 décembre 2016, la même autorité a rejeté la demande de cette société tendant au paiement de la somme de 18 615,34 euros correspondant, toujours selon cette dernière, au manque à gagner résultant du fait que, dans le cadre de l'exécution du lot n° 2 du marché, elle avait effectué 37 visites au lieu des 420 visites prévues par le contrat. Dès lors, ainsi que l'ont à juste titre considéré les premiers juges, les décisions des 1er et 9 décembre 2016 sont des mesures d'exécution financière des lots n° 2 et n° 3 du marché de prestations intellectuelles attribué à la société CET.

4. Il résulte de ce qui précède que la société CET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions comme irrecevables.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :

5. Aux termes de l'article 37 du cahier des clauses administratives applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles (CCAG -PI) approuvé par l'arrêté du 16 septembre 2009 auquel renvoie l'article 2.2 du CCAP du marché litigieux : " (...) Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. / Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ".

6. Il résulte de ces stipulations que, lorsqu'intervient, au cours de l'exécution d'un marché, un différend entre le titulaire et l'acheteur, résultant d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de ce dernier et faisant apparaître le désaccord, le titulaire doit présenter, dans un délai de deux mois, un mémoire de réclamation, à peine d'irrecevabilité de la saisine du juge administratif.

S'agissant des demandes liées aux difficultés d'exécution du lot n° 2 :

7. Il résulte de l'instruction que, dans son courrier en date du 9 décembre 2016, en réponse aux demandes adressées par la société CET dans une lettre du 5 décembre 2016, le maire de la commune du Tampon a, de façon très explicite, refusé à la société le paiement de la somme de 18 615,34 euros correspondant, selon cette dernière, au manque à gagner résultant du fait que, dans le cadre de l'exécution du lot n° 2 du marché, elle avait effectué 37 visites au lieu des 420 visites prévues par le contrat. Le différend est ainsi apparu à cette date et la société disposait d'un délai de deux mois pour présenter son mémoire de réclamation. Alors que la lettre du 5 décembre 2016 antérieure au différend ne peut tenir lieu de mémoire en réclamation, la société CET s'est abstenue de présenter un tel mémoire dans le délai de deux mois suivant l'apparition du différend l'opposant à la commune du Tampon, si bien qu'elle a méconnu la procédure prévue à l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de prestations intellectuelles.

S'agissant des demandes liées aux difficultés d'exécution du lot n° 3 :

8. Il résulte de l'instruction que, dans son courrier en date du 1er décembre 2016, en réponse aux demandes adressées par la société CET notamment dans une lettre du 26 octobre 2016, le maire de la commune du Tampon a, de façon très explicite, refusé à la société le paiement de la somme de 20 294,92 euros correspondant, selon cette dernière, au manque à gagner résultant du fait que, dans le cadre de l'exécution du lot n° 3 du marché, elle avait effectué 61 visites au lieu des 480 visites prévues par le contrat. Le différend est ainsi apparu à cette date et la société disposait d'un délai de deux mois pour présenter son mémoire de réclamation. Alors que la lettre du 26 octobre 2016 antérieure au différend ne peut tenir lieu de mémoire en réclamation, la société CET s'est abstenue de présenter un tel mémoire dans le délai de deux mois suivant l'apparition du différend l'opposant à la commune du Tampon, si bien qu'elle a méconnu la procédure prévue à l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de prestations intellectuelles, procédure que le maire du Tampon l'avait d'ailleurs explicitement invitée à mettre en œuvre dans son courrier daté du 1er décembre 2016.

9. Il résulte de ce qui précède que la société CET n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli les fins de non-recevoir opposées aux conclusions à fin d'indemnisation dont ils étaient saisis.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société CET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Tampon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société CET au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CET une somme de 1 500 euros à verser à la commune du Tampon au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société CET est rejetée.

Article 2 : La société CET versera à la commune du Tampon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cabinet de coordination et expertise (CET) et à la commune du Tampon.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.

La rapporteure,

Karine A...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20BX02056


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02056
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CABINET MILLANCOURT - ANDRE-ROBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-30;20bx02056 ?
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