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29/11/2022 | FRANCE | N°22BX02233

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 29 novembre 2022, 22BX02233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101047 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a ann

ulé l'arrêté du 6 août 2021 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101047 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 6 août 2021 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant le jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2022, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 6 juillet 2022.

Il soutient que :

- l'arrêté du 6 août 2021 ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que Mme F... ne justifie d'aucune communauté de vie entre ses enfants et leur père, qui ne dispose pas de l'autorité parentale sur eux et ne contribue pas à leur éducation et leur entretien, et qu'elle ne démontre pas ne pas pouvoir mener une vie personnelle et familiale normale dans son pays d'origine où elle a des attaches familiales nombreuses ; elle ne justifie d'aucune activité professionnelle ;

- il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, pour les mêmes raisons et alors que cette décision n'implique pas la séparation de l'intéressée et de ses enfants mineurs ; ses enfants peuvent bénéficier d'un visa au titre du regroupement familial ou d'un document de circulation pour revenir en France.

La requête a été communiquée à Mme F..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 29 août 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante haïtienne née le 17 juin 1991, a bénéficié d'une carte de séjour temporaire valable du 21 novembre 2019 au 20 novembre 2020. Le 12 octobre 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. Par un arrêté du 6 août 2021, le préfet de la Guadeloupe a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 6 août 2021 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois. Par la présente requête, le préfet de la Guadeloupe relève appel de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... de nationalité haïtienne a déclaré être entrée en France irrégulièrement en 2012. Elle est la mère de deux enfants, A..., née le 18 juillet 2013 et Chrisler, né le 29 juillet 2016, issus de sa relation avec un compatriote en situation régulière, M. B..., qui a reconnu ses enfants, et dont elle est aujourd'hui séparée. Elle a obtenu un titre de séjour valable un an jusqu'en novembre 2020, dont le renouvellement a été refusé par l'arrêté attaqué en l'absence de communauté de vie avec M. B..., de preuve de contribution de celui-ci à l'entretien et l'éducation de ses enfants et au regard de ses modalités de séjour en France et des attaches familiales qu'elle conserve dans son pays d'origine. Mme F... a saisi le juge aux affaires familiales afin de fixer les modalités du droit de visite et d'hébergement du père. Par un jugement du 31 mai 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Basse-Terre a fixé l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur les enfants par la mère, a fixé la résidence des enfants au domicile de celle-ci, a dit que leur père exercerait un droit de visite durant les week-ends uniquement et a fixé à 100 euros par mois sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Pour annuler l'arrêté du 6 août 2021, le tribunal administratif a retenu la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

5. S'il est constant que l'ancien compagnon de Mme F..., de nationalité haïtienne comme elle, réside régulièrement sur le territoire français, il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que celui-ci contribue à l'entretien, participe à l'éducation ou entretienne une relation effective avec ses enfants, alors au contraire qu'il a déclaré lors de l'audience devant le juge aux affaires familiales ne pas vouloir prendre de décision concernant ses enfants et souhaiter que la mère dispose de l'exercice exclusif de l'autorité parentale. Par ailleurs, si en première instance Mme F... a indiqué, d'ailleurs sans l'établir, qu'elle vivait désormais en concubinage avec un homme de nationalité française dont elle avait eu un enfant mort-né et qu'elle avait suivi une formation dans le cadre d'un contrat d'intégration républicaine, ces éléments ne démontrent pas son intégration dans la société française. Il ressort enfin des pièces produites que Mme F... conserve des attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans et que ses enfants âgés de 8 et 5 ans à la date de l'arrêté attaqué sont de nationalité haïtienne comme leurs deux parents. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté préfectoral du 6 août 2021 avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la CEDH et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

6. Il résulte de ce qui précède, et en l'absence d'autre moyen soulevé par Mme F... devant le tribunal ou en appel, que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé son arrêté en date du 6 août 2021.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 6 juillet 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme D... F....

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.

La présidente-assesseure,

Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,

Evelyne C... Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02233


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02233
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-29;22bx02233 ?
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