Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Médecins sans Frontières Logistique a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner le remboursement de la taxe sur les salaires acquittée au titre des années 2013 à 2016 pour un montant total de 1 687 948 euros.
Par un jugement n° 1705236 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2019 et des mémoires enregistrés les 2 octobre 2020 et 25 mai 2021, l'association Médecins sans Frontières Logistique, représentée par Maîtres Jallas et Benoit, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er octobre 2019 ;
2°) d'ordonner le remboursement de la taxe sur les salaires acquittée au titre des années 2013 à 2016 pour un montant total de 1 687 948 euros ;
3°) subsidiairement, de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne des deux questions préjudicielles suivantes : " 1. Les articles 146, 1., c}, et 2., et 169 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée permettent-ils aux organismes agréés qui exportent des biens en dehors de la Communauté dans le cadre de leurs activités humanitaires, charitables ou éducatives de déduire la TVA encourue à l'égard des biens exportés et des services s'y rapportant lorsque le droit interne ne comporte pas de disposition exonérant l'acquisition de tels biens et services ' 2. Le montant de telles exportations de biens réalisées par des organismes agréés doit-il être pris en compte au numérateur du prorata de déduction de ces organismes, calculé en application de l'article 174 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ' " ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 7 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le régime d'exonération de TVA dont elle relève, prévu par l'article 261-7-1-b du code général des impôts et emportant la perte corrélative du droit à déduction, ne s'applique pas à ses opérations d'exportation et de livraisons de biens intracommunautaires de sorte qu'elle est en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a supportée en amont de ces opérations sur le fondement des dispositions de l'article 271 V du même code ; ainsi, la prise en compte, au seul dénominateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires, des opérations d'exportation et de livraison intracommunautaire, qui, quoique exonérées, ouvrent droit à déduction, conduit à exclure les salaires versés du champ d'application de la taxe sur les salaires, dès lors que les opérations ouvrant droit à déduction représentent plus de 90 % de son chiffre d'affaires total ;
- elle est assujettie à la TVA contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- la mise en œuvre combinée des dispositions du c) du 1 de l'article 146 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 et de celles du b) de l'article 169 de cette même directive, permet de conclure, d'une part, à l'exonération de ses opérations et, d'autre part, à la conservation du droit à déduction de la TVA d'amont ;
- en raison du mode de calcul du contingent d'achats en franchise, la position de l'administration selon laquelle il n'existe aucun lien entre l'octroi d'un contingent d'achats en franchise et l'exercice d'un droit à déduction de la TVA d'amont par celui qui bénéficie du contingent, crée une rupture du principe d'égalité devant les charges publiques ;
- elle est à la disposition de la Cour pour lui fournir ses copies de factures.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 août 2020, 26 avril 2021 et 8 juin 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 26 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 juin 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... B...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- et les observations de Me Benoît, représentant l'association Médecins sans Frontières Logistique.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Médecins sans Frontières Logistique, qui assure l'approvisionnement en médicaments, équipements médicaux et matériel logistique des missions humanitaires de Médecins sans Frontières et d'autres organisations non gouvernementales a demandé à l'administration fiscale le remboursement de la taxe sur les salaires qu'elle a acquittée au titre des années 2013 à 2016 pour un montant total de 1 687 948 euros. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er octobre 2019 qui a rejeté sa demande.
2. Aux termes d'une part, de l'article 262 du code général des impôts : " I. -Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation ; [...] ". Aux termes de l'article 262 ter du même code " I. - Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. [...] ". Aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) V. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) c) Les opérations exonérées en application des dispositions des articles 262 et 262 bis, du I de l'article 262 ter, de l'article 263, du 1° du II et du 2° du III de l'article 291 ; (...) ". Pour l'application des dispositions précitées, seules les exportations ou livraisons intracommunautaires de biens dont les ventes, lorsqu'elles sont effectuées sur le territoire français, sont imposables, constituent des opérations ouvrant droit à déduction de la taxe en ayant grevé le prix de revient.
3. Aux termes d'autre part, de l'article 261 du code général des impôts " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7. (Organismes d'utilité générale) : 1° (...) b. les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. (...) ". Aux termes de l'article 275 dudit code : " I. Les assujettis sont autorisés à recevoir ou à importer en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée les biens qu'ils destinent à une livraison à l'exportation, à une livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter, à une livraison dont le lieu est situé sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne en application des dispositions de l'article 258 A ou à une livraison située hors de France en application du III de l'article 258 ainsi que les services portant sur ces biens, dans la limite du montant des livraisons de cette nature qui ont été réalisées au cours de l'année précédente et qui portent sur des biens passibles de cette taxe. / (...) II. Les dispositions du I s'appliquent aux organismes sans but lucratif dont la gestion est désintéressée qui exportent des biens à l'étranger dans le cadre de leur activité humanitaire, charitable ou éducative. (...) ".
4. Enfin, en application de l'article 231 1° du même code, les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés sont soumises à une taxe qui est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés et qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations.
5. En premier lieu, la requérante soutient que son rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires est proche de 0 % sur 1'ensemble de la période. Elle revendique, à cet effet, sur le fondement des dispositions combinées des articles 262 I 1°, 262 ter I 1° et 271 V du code général des impôts, le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a effectivement supportée et qui a grevé en amont les biens qu'elle a expédiés à l'étranger ou dans l'Union européenne en exonération de taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte toutefois de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que la société requérante, dûment assujettie à la TVA, est exonérée de cette taxe, pour ses opérations économiques, sur le fondement de l'article 261 7. 1° b) du code général des impôts en sa qualité d'organisme d'utilité générale sans but lucratif présentant un caractère social ou philanthropique dont la gestion est désintéressée. Cette exonération totale de TVA entraîne la perte du droit à déduction de cette même taxe ayant grevé les éléments du prix des opérations d'exportation et de livraison intracommunautaire. La circonstance que la société dispose, en application des dispositions du II de l'article 275 du code général des impôts, pour les biens qu'elle destine à l'exportation, d'un droit à un contingent d'achats de biens et des services y afférents, en franchise de TVA, ne l'autorise pas davantage à déduire la TVA qu'elle a effectivement supportée pour l'achat de biens et services non couverts par cette franchise dès lors que ces dispositions légales, dont elle se prévaut, n'ont pas la même finalité que celles régissant le droit à déduction de la TVA. Ainsi, dès lors que le chiffre d'affaires généré par les opérations réalisées à destination d'autres Etats membres de l'Union européenne ou de pays tiers ne pouvait être considéré comme ouvrant droit à déduction de la TVA d'amont, ce chiffre d'affaires devait être pris en compte tant au numérateur qu'au dénominateur pour le calcul du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le calcul du rapport d'assujettissement de la société, établit que son chiffre d'affaires était assujetti à la TVA à plus de 90 % doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 146 de la directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes [...] : c) Les livraisons de biens à des organismes agréés qui exportent ces biens en dehors de la Communauté dans le cadre de leurs activités humanitaires, charitables ou
éducatives en dehors de la Communauté dispositions du c) du 1 de l'article 146 de la Directive. ". Aux termes de l'article 169 de cette même directive : " Outre la déduction visée à l'article 168, l'assujetti a le droit de déduire la TVA y visée dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes: [...] b) ses opérations exonérées conformément aux articles 138, 142 et 144, aux articles 146 à 149, aux articles 151, 152, 153 et 156, à l'article 157, paragraphe 1, point b), aux articles 158 à 161 et à l'article 164; ".
7. Ces dispositions de la directive invoquées par la requérante ne règlent pas la situation des organismes agréés réalisant certaines catégories d'opérations à l'exportation, mais celle de leurs fournisseurs. Elles ne sont donc, en tout état de cause, pas de nature à autoriser la société à déduire la TVA ayant grevé les éléments du prix des opérations d'exportation et de livraison intracommunautaire qu'elle a réalisées. La requérante n'est donc pas davantage fondée à soutenir que les opérations ouvrant droit à déduction représentent plus de 90 % de son chiffre d'affaires total.
8. En dernier lieu, la requérante soutient qu'en raison du mode de calcul du contingent d'achats en franchise déterminé à partir du montant des exportations réalisées l'année précédente par l'opérateur, la position de l'administration selon laquelle il n'existe aucun lien entre l'octroi d'un contingent d'achats en franchise et l'exercice d'un droit à déduction de la TVA d'amont par celui qui bénéficie du contingent, crée une rupture du principe d'égalité devant les charges publiques. Toutefois, cette position de l'administration fiscale résulte de la stricte application des dispositions combinées de l'article 271 V du code général des impôts et de l'article 275 du même code, de valeur législative. Or, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors des cas où il est saisi dans les conditions prévues aux articles 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-3 du code de justice administrative, de se prononcer sur la non-conformité de dispositions législatives à des règles et principes de valeur constitutionnelle. Au demeurant, ainsi que le relève l'administration, le dépassement, par une association, de son contingent légal d'achats en franchise, n'entraînerait pas nécessairement, pour cette dernière, une charge d'un montant supérieur à celle supportée par l'association restant dans les limites dudit contingent puisque l'administration autorise les opérateurs éligibles au régime des achats en franchise à présenter des demandes de dépassement du contingent légal. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne de questions préjudicielles, que l'association Médecins sans Frontières Logistique n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association Médecins sans Frontières Logistique est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Médecins sans Frontières Logistique et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.
Le rapporteur,
Nicolas B... La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04617