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17/11/2022 | FRANCE | N°21BX03371

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 novembre 2022, 21BX03371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... et M. et Mme C... et A... F... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 24 janvier 2020 par laquelle le conseil métropolitain de Bordeaux Métropole a approuvé la 9ème modification du plan local d'urbanisme intercommunal en tant qu'elle supprime le périmètre d'attente de projet d'aménagement global situé chemin du Sourd à Carbon-Blanc et qu'elle classe les parcelles cadastrées AP numéros 232, 233, 15, 16, 184, 188, 313 et 315 en espace boisé classé.



Par un jugement n° 2001525 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Bo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... et M. et Mme C... et A... F... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 24 janvier 2020 par laquelle le conseil métropolitain de Bordeaux Métropole a approuvé la 9ème modification du plan local d'urbanisme intercommunal en tant qu'elle supprime le périmètre d'attente de projet d'aménagement global situé chemin du Sourd à Carbon-Blanc et qu'elle classe les parcelles cadastrées AP numéros 232, 233, 15, 16, 184, 188, 313 et 315 en espace boisé classé.

Par un jugement n° 2001525 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2021, Mme B... et M. et Mme F..., représentés par Me Franceschini, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 juin 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du 24 janvier 2020 en tant qu'elle supprime le périmètre d'attente de projet d'aménagement global situé chemin du Sourd à Carbon-Blanc et qu'elle classe les parcelles cadastrées AP n°232, 233, 15, 16, 184, 188, 313 et 315 en espace boisé classé ;

3°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la suppression du périmètre d'attente de projet d'aménagement global est intervenue de manière irrégulière en l'absence de l'étude urbaine prévue par le plan local d'urbanisme ;

- les motifs entraînant la suppression du périmètre d'attente de projet d'aménagement global devaient être liés aux raisons de son instauration ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- l'instauration d'un espace boisé classé sur ces parcelles aurait dû faire l'objet d'une étude spécifique ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la qualité du boisement et du caractère urbain de la zone ; ces motifs ne pouvaient justifier le classement de la totalité des parcelles.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2022, Bordeaux Métropole, représentée par Me Sagalovitsch, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... et autres sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... G...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- les observations de Me Franceschini, représentant Mme B... et autres et de Me Le Baube, représentant Bordeaux Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la révision générale du plan local d'urbanisme 3.1 de Bordeaux Métropole approuvé le 16 décembre 2016, les parcelles cadastrées AP numéros 188, 232, 233, 313 et 315 appartenant à M. et Mme C... F... et celles cadastrées AP numéros 15, 16 et 184 appartenant à Mme D... B..., situées chemin du Sourd à Carbon-Blanc, ont été classées en zone constructible UM8 du plan local d'urbanisme et inscrites en périmètre d'attente de projet d'aménagement global en application du 5° de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme. La délibération du 24 janvier 2020 du conseil de Bordeaux Métropole approuvant la 9ème modification du plan local d'urbanisme a, notamment, supprimé le périmètre d'attente grevant ces parcelles et les a grevées d'une servitude d'espace boisé classé. Mme B... et M. et Mme F... ont demandé au tribunal d'annuler cette délibération en tant qu'elle supprime le périmètre d'attente de projet d'aménagement global grevant leurs parcelles et les classe en espace boisé classé. Ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif rejetant leur demande.

Sur la légalité de la décision de suppression de la servitude d'inconstructibilité :

2. Aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués :(...) 5° Dans les zones urbaines et à urbaniser, des servitudes interdisant, sous réserve d'une justification particulière, pour une durée au plus de cinq ans dans l'attente de l'approbation par la commune d'un projet d'aménagement global, les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement. Ces servitudes ne peuvent avoir pour effet d'interdire les travaux ayant pour objet l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension limitée des constructions existantes. "

3. En premier lieu, il ressort de ces dispositions que la suppression d'un périmètre d'attente de projet d'aménagement global peut résulter soit de l'approbation d'un projet d'aménagement global, soit de l'absence d'adoption d'un tel projet à l'issue du délai de cinq ans, soit encore de la modification du parti d'aménagement retenu par les auteurs du plan local d'urbanisme pour la zone concernée. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, qui n'invoquent aucune disposition législative ou règlementaire imposant la réalisation d'études préalablement à une telle suppression, l'étude mentionnée dans le rapport de présentation de la délibération du 16 décembre 2016, étude dont l'objet était de définir " la programmation logement " et de " réaliser un plan de composition urbaine, paysagère et architecturale ", n'aurait été obligatoire que dans l'hypothèse de la mise en place d'un programme d'aménagement pour ce site et non dans le cas où, comme en l'espèce, il est décidé de mettre fin à cette servitude. De même, la circonstance que la délibération en litige prévoit la suppression d'autres périmètres d'attente ayant fait l'objet d'études et d'un projet d'aménagement n'est pas de nature à instaurer une telle obligation lorsque ce périmètre est supprimé du fait de l'abandon de tout projet d'aménagement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la délibération en l'absence d'une étude urbaine préalable doit être écarté.

4. En deuxième lieu, s'il résulte des dispositions précitées du 5° de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme que l'instauration d'une servitude d'inconstructibilité temporaire doit faire l'objet d'une justification particulière, la légalité de la suppression d'un tel périmètre doit s'apprécier au regard des motifs qui la justifient. En l'espèce, les motifs exposés dans le rapport de présentation, tirés de l'absence de besoin d'implanter des équipements publics dans cette zone, des qualités arboricole et forestière du site et de la circonstance qu'il constitue le dernier poumon vert du quartier, sont de nature à expliquer l'abandon des perspectives d'aménagement de ces parcelles qui avaient justifié l'instauration de ce périmètre d'attente, et permettent donc de justifier sa suppression, quand bien même ces circonstances n'avaient pas été évoquées lors de sa création. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces motifs seraient " déconnectés " des justifications de l'instauration de ce périmètre et entachés d'erreur de droit.

5. Enfin, en troisième lieu, dès lors que les auteurs du plan ont souhaité modifier le parti d'aménagement retenu pour la zone au regard des motifs exposés au point précédent, l'évocation du caractère arboré des parcelles pour justifier la suppression de la servitude d'inconstructibilité alors que cette circonstance n'avait pas été évoquée lors de la création du périmètre d'attente n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à caractériser un détournement de procédure.

Sur la légalité de la décision de classement des parcelles en espace boisé classé :

6. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements ". Un tel classement n'est pas subordonné à la valeur du boisement existant, ni même à l'existence d'un tel boisement à la date d'établissement du plan local d'urbanisme

7. En premier lieu, il ne ressort pas de ces dispositions que la réalisation d'une étude serait nécessaire avant de procéder au classement de parcelles en espace boisé classé. Au demeurant, le classement en litige a été précédé de la réalisation d'une étude phytosanitaire le 22 mars 2018.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les parcelles en litige, d'une superficie totale de plus de 10 000 m2, se situent dans la zone UM8, définie par le rapport de présentation comme caractérisée par des tissus à dominante de grands ensembles et tissus mixtes, et sont bordées par des zones UM16 et UM23 du plan local d'urbanisme, caractérisées par des tissus à dominante de maisons individuelles récentes. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le caractère urbanisé de cette zone ne fait pas obstacle, par lui-même, à la présence d'un espace boisé classé, qui peut être créé dans tout type de zone, et, dès lors que le classement en espace boisé classé n'est pas subordonné à la valeur du boisement, ni même à son existence, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce qu'une partie de ces parcelles ne serait pas plantée d'arbres. Il ressort des pièces du dossier que ces parcelles, qui selon l'étude phytosanitaire réalisée le 22 mars 2018, comportent un taillis en très bon état sur près de 60% de leur surface totale, ainsi qu'une futaie dans laquelle les chênes sont majoritaires, constituent l'un des derniers îlots de verdure du quartier et présentent un intérêt paysager fort, notamment en raison de la présence d'un alignement de chênes le long du chemin du Sourd. En outre, elles constituent un îlot de fraicheur urbain permettant d'atténuer les effets de chaleur des zones artificialisées alentour. Ainsi, le classement de cet espace boisé s'inscrit dans le cadre de l'orientation n°1 du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme approuvé en 2016 qui prévoit de " développer la présence végétale au sein des quartiers ", notamment par la prise en compte des espaces de nature fragmentés en milieu urbain et l'intégration de la nature en ville, et de " s'adapter au changement climatique " par le " maintien ou [la] réalisation au sein des quartiers, d'espaces de nature et de traitements végétalisés (...) permettant de réguler les pics de chaleur et de réduire les apports solaires en été ". Il est également cohérent avec le rapport de présentation qui prévoit, au titre des objectifs pour le classement en espace boisé classé, la préservation de la nature en ville, notamment en raison de son effet climatique et de son intérêt paysager, et retient, parmi les critères de classement, la protection des espaces boisés qui contribuent aux grandes continuités écologiques et paysagères identifiées à l'échelle intercommunale, la préservation du cadre de vie des quartiers et le maintien de l'équilibre entre espaces bâtis et espaces ouverts. Dès lors, compte tenu des caractéristiques de la parcelle et de la zone, ainsi que du parti d'aménagement retenu, le classement de la totalité de ces parcelles en espace boisé classé n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, quand bien même ces parcelles sont desservies par les réseaux et que des opérations immobilières d'importance ont été réalisées à proximité. Dans ce contexte, et alors que les auteurs d'un plan local d'urbanisme ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, les requérants ne peuvent se prévaloir de ce que ce classement serait contradictoire avec la perspective d'aménagement qui avait justifié l'instauration d'une servitude d'inconstructibilité.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 24 janvier 2020 approuvant la 9ème modification du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole en tant qu'elle supprime la servitude d'inconstructibilité de leurs parcelles et les classe en espace boisé classé. Leur requête d'appel doit, par suite, être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Bordeaux Métropole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... et de M. et Mme F... la somme globale de 1 500 euros à verser à Bordeaux Métropole au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... et M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Mme B... et M. et Mme F... verseront à Bordeaux Métropole la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à M. et Mme C... et A... F... et à Bordeaux Métropole.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.

La rapporteure,

Christelle G...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03371 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03371
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP SARTORIO-LONQUEUE-SAGALOVITSCH et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-17;21bx03371 ?
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