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15/11/2022 | FRANCE | N°22BX00880

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 15 novembre 2022, 22BX00880


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... J... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2105483 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2022, Mme J..., représentée par Me Foucard, demande à la cour :
>1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... J... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2105483 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2022, Mme J..., représentée par Me Foucard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 de la préfète de la Gironde lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance des articles L. 313-11 4° et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 18 mars 2021 portant fixation du pays de renvoi, lesquelles n'ont pas été soumises aux premiers juges et ont donc le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel.

Mme J... a obtenu l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... H...,

- et les observations de Me Debril, représentant Mme J....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... J..., ressortissante malgache née en 1991, est entrée en France le 30 avril 2017, sous couvert d'un visa long séjour valant titre de séjour qui lui avait été délivré en qualité de conjointe de ressortissant français, à la suite de son mariage avec M. I... D... le 15 octobre 2016 à Madagascar. Le 19 octobre 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, faisant valoir qu'elle avait dû rompre la communauté de vie en raison des violences exercées à son encontre par son époux. Par un arrêté du 18 mars 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme J... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 18 mars 2021 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français qui a rejeté sa demande. Elle relève appel de ce jugement et sollicite désormais l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2021 précité dans son ensemble.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel :

2. Il ressort de la requête introductive d'instance de Mme J..., enregistrée le 18 octobre 2021 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, que ses conclusions à fin d'annulation étaient exclusivement dirigées contre les décisions portant refus de délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français. Les conclusions à fin d'annulation de la décision portant fixation du pays de renvoi constituent des conclusions nouvelles en appel. Par suite ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur la légalité de l'arrêté dans son ensemble :

3. En premier lieu, il ressort de la consultation du site internet de la préfecture, librement accessible, que la préfète de la Gironde a, par un arrêté du 7 décembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 33-2020-196 du même jour, donné délégation à M. A... E..., directeur des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté litigieux, à l'effet de signer, notamment, toutes décisions prises en application des dispositions législatives et réglementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B... du Payrat, de Mme de Vernhet et de Mme C.... Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.

4. En second lieu, Mme J... n'ayant, en première instance, soulevé que des moyens de légalité interne, le moyen de légalité externe, tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige, qui n'est pas d'ordre public, soulevé pour la première fois en appel, est irrecevable.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

5. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code alors en vigueur : " La carte délivrée au titre de l'article L. 313-11 donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. ". Par ces dispositions, le législateur a entendu créer un droit particulier au séjour au profit des personnes victimes de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune avec leur conjoint de nationalité française.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie entre Mme J... et son époux a été rompue le 4 avril 2019 et que ce dernier a présenté une requête en divorce le 20 juin 2019. Si la requérante produit une plainte pour violences conjugales déposée le 7 janvier 2020, il est constant que cette plainte a fait l'objet d'un classement sans suite. Par ailleurs, les captures d'écran, produites en première instance, faisant état de menaces et de propos dégradants dont la requérante et son nouveau compagnon auraient été victimes de la part de son conjoint par le biais d'applications de messagerie, ne comportent pour la plupart aucune date mais, eu égard à leur contenu même, sont nécessairement postérieures au départ de l'intéressée du domicile conjugal. En outre, Mme J... produit pour la première fois en appel des échanges de " sms " dépourvus de toute date faisant état de propos dégradants à son égard, tenus par son ex compagnon qui, eu égard à leur contenu sont également nécessairement postérieurs à la rupture de la vie commune. Enfin, si la requérante produit pour la première fois en appel un échange de mail daté du 13 mars 2019 faisant état de plusieurs " noms d'oiseaux " donnés par son ex conjoint et de différents reproches concernant notamment la tenue du jardin, ainsi que des propos dégradants que ce dernier lui adressait, ce document, qui atteste certes d'une situation conflictuelle, ne permet pas à lui seul d'établir une situation de violences conjugales, à l'origine de la rupture de la vie commune. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-12 et de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 7° devenu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme J... déclare être entrée en France le 30 avril 2017, soit depuis moins de quatre ans au jour de la décision contestée. La requérante allègue de sa relation avec un autre homme depuis mars 2020. Toutefois, cette relation demeurait très récente à la date de la décision contestée, tandis qu'il ressort des pièces du dossiers qu'elle n'est pas dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où résident notamment son père et sa sœur. Le fait qu'elle maîtrise la langue française et qu'elle exerce un emploi d'agent de service ne suffit pas à démontrer une insertion dans la société française. Dans ces conditions, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment eu égard à ce qui a été dit au point 8, que Mme J... devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde ne pouvait prendre à son encontre, en raison de son droit au séjour, une décision d'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, au vu des éléments factuels rappelés aux points précédents, la préfète de la Gironde, en édictant à l'encontre de Mme J... une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme J... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction, d'astreinte et de versement d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme J... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... J... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera délivrée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

M. Anthony Duplan, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.

La rapporteure,

Caroline H...

La présidente,

Karine ButériLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX00880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00880
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-15;22bx00880 ?
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