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15/11/2022 | FRANCE | N°20BX01372

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 15 novembre 2022, 20BX01372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de La Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler le point 3 de la délibération n° DGA-RHF/DRH/19/005 du 29 janvier 2019 par laquelle le conseil municipal de Sainte-Marie a décidé l'octroi d'une gratification aux agents récipiendaires de la médaille d'honneur régionale, départementale et communale.

Par un jugement n° 1901068 du 20 février 2020, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête, enregistrée le 17 avril 2020, la commune de Sainte-Marie, représenté par Me Van Elslan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de La Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler le point 3 de la délibération n° DGA-RHF/DRH/19/005 du 29 janvier 2019 par laquelle le conseil municipal de Sainte-Marie a décidé l'octroi d'une gratification aux agents récipiendaires de la médaille d'honneur régionale, départementale et communale.

Par un jugement n° 1901068 du 20 février 2020, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 avril 2020, la commune de Sainte-Marie, représenté par Me Van Elslande, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 20 février 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Sainte-Marie soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation, les premiers juges n'ayant pas précisé, au point 4 de leur jugement, en quoi la gratification attaquée constitue un complément de rémunération qui ne peut entrer dans la catégorie des prestations sociales ;

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en jugeant que la gratification litigieuse doit être considérée comme étant un complément de rémunération, au seul motif que son versement n'est pas subordonné à une participation financière de ses bénéficiaires ;

- ils ont également commis une erreur manifeste d'appréciation en ne reconnaissant pas la gratification en litige comme une prestation versée au titre de l'action sociale prévue à l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et en faisant application du principe de parité posé par l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984.

La requête a été communiquée au préfet de La Réunion qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des communes ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par le point 3 de la délibération n° DGA-RHF/DRH/19/005 du 29 janvier 2019, le conseil municipal de Sainte-Marie (La Réunion) a décidé l'octroi, à compter du 1er janvier 2019, d'une gratification d'un montant de 300, 400 ou 500 euros aux agents récipiendaires respectivement des échelons " argent ", " vermeil " ou " or " de la médaille d'honneur régionale, départementale et communale. Le préfet de La Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, l'annulation du point 3 de cette délibération. Par un jugement du 20 février 2020 dont la commune de Sainte-Marie relève appel, le tribunal a fait droit à sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. (...) ".

3. Il ressort du jugement attaqué que, après avoir cité les dispositions de l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 selon lesquelles " Sous réserve des dispositions propres à chaque prestation, le bénéfice de l'action sociale implique une participation du bénéficiaire à la dépense engagée ", les premiers juges ont relevé, au point 4 de leur jugement, que les dispositions déférées de la délibération du 29 janvier 2019 avaient prévu l'octroi d'une gratification aux récipiendaires de la médaille d'honneur communale, départementale et régionale sans subordonner l'octroi de ces gratifications à une participation de leurs bénéficiaires, pour en déduire que ces gratifications devaient être regardées comme constituant des compléments de rémunération. En statuant ainsi, les premiers juges qui n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments développés devant eux, n'ont pas entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation.

4. En second lieu, si la commune de Sainte-Marie soutient que les premiers juges ont jugé à tort que la gratification litigieuse devait être considérée comme étant un complément de rémunération et non comme une prestation versée au titre de l'action sociale prévue à l'article 9 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984, l'erreur d'appréciation qu'elle invoque, susceptible d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Selon l'article R. 411-42 du code des communes, la " médaille d'honneur régionale, départementale et communale " instituée par l'article R. 411-41 de ce code, est destinée à récompenser ceux qui ont manifesté une réelle compétence professionnelle et un dévouement constant au service notamment des régions, des départements, des communes. Elle comporte, en vertu de l'article R. 411-45 de code, trois échelons, l'échelon " argent ", qui peut être décerné après vingt années de services, l'échelon " vermeil ", qui peut être décerné après trente années de services aux titulaires de l'échelon " argent " et l'échelon " or ", qui peut être décerné après trente-cinq années de services aux titulaires de l'échelon " vermeil ".

6. D'une part, aux termes de l'article 88-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les organes délibérants des collectivités territoriales (...) déterminent le type des actions et le montant des dépenses qu'ils entendent engager pour la réalisation des prestations prévues à l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que les modalités de leur mise en œuvre. ". Selon cet article 9 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " (...) L'action sociale, collective ou individuelle, vise à améliorer les conditions de vie des agents publics et de leurs familles, notamment dans les domaines de la restauration, du logement, de l'enfance et des loisirs, ainsi qu'à les aider à faire face à des situations difficiles. / Sous réserve des dispositions propres à chaque prestation, le bénéfice de l'action sociale implique une participation du bénéficiaire à la dépense engagée. Cette participation tient compte, sauf exception, de son revenu et, le cas échéant, de sa situation familiale. / Les prestations d'action sociale, individuelles ou collectives, sont distinctes de la rémunération visée à l'article 20 de la présente loi et sont attribuées indépendamment du grade, de l'emploi ou de la manière de servir. (...) ". En vertu de l'article 20 de la même loi, la rémunération à laquelle ont droit les fonctionnaires, après service fait, comprend le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement, les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire pouvant tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents et des résultats collectifs des services, ainsi que les prestations familiales obligatoires.

7. D'autre part, aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 précitée, alors en vigueur : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, alors que les dispositions des articles R. 411-41 à R. 411-53 du code des communes qui régissent l'octroi de la médaille d'honneur régionale, départementale et communale ne prévoient l'attribution d'aucune gratification aux récipiendaires de cette médaille, le conseil municipal de Sainte-Marie a décidé, par la délibération déférée du 29 janvier 2019, et " dans le cadre de la mise en œuvre de [son] projet d'actions sociales en faveur du personnel communal et de la famille ", l'octroi aux agents récipiendaires des échelons " argent ", " vermeil " ou " or " de cette médaille d'une gratification d'un montant de respectivement 300, 400 et 500 euros. Il ressort des termes mêmes de la délibération que cette gratification est versée indistinctement aux agents de la commune, récipiendaires de la médaille, sans condition tenant à la situation personnelle ou familiale des intéressés. En outre, si cette gratification est attribuée indépendamment du grade et de l'emploi des bénéficiaires, elle est octroyée aux seuls récipiendaires de la médaille, laquelle, en vertu de l'article R. 411-42 du code des communes, récompense les agents qui ont manifesté une réelle compétence professionnelle et un dévouement constant au service de sorte qu'elle tient compte indirectement de la manière de servir des intéressés. Dans ces conditions, et alors même qu'elle revêtirait une portée symbolique et qu'elle n'interviendrait que de façon ponctuelle et non en fonction de la durée du temps de travail accompli, la gratification en litige doit être regardée comme constituant un complément de rémunération soumis au principe de parité dont s'inspirent les dispositions de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, et non comme une prestation individuelle d'action sociale telle que définies par l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983. Or il est constant que les fonctionnaires de l'Etat ne bénéficient pas de compléments de rémunération semblables à ceux en litige dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne les a instaurés. Par suite, le point 3 de la délibération du 29 janvier 2019 a été adopté par le conseil municipal de Sainte-Marie en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Sainte-Marie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé le point 3 de sa délibération n° DGA-RHF/DRH/19/005 du 29 janvier 2019.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, la somme que réclame la commune de Sainte-Marie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Sainte-Marie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sainte-Marie et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

M. Anthony Duplan premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.

Le rapporteur,

Anthony A...

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX01372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01372
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : AARPI LEXSTEP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-15;20bx01372 ?
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