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08/11/2022 | FRANCE | N°21BX03601

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 novembre 2022, 21BX03601


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, l'a assignée à résidence et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002939 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Po

itiers a annulé la décision par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a refusé de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, l'a assignée à résidence et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002939 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2021, Mme D... F..., représentée par Me Liger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 mars 2021, sauf en ce qu'il prononce l'annulation de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi, l'a assignée à résidence et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir l'indemnité mise à la charge de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Mme F... soutient que :

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que les enfants nés sur le territoire français ont vocation à devenir français dès qu'ils auront l'âge de treize ans ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation et méconnaît les stipulations du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, le préfet ayant estimé à tort qu'elle n'a pas la qualité de parent d'un enfant français mineur et qu'elle n'établit pas que ses enfants auront vocation à devenir français par déclaration, ni ne démontre subvenir effectivement aux besoins de son enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du pouvoir général d'appréciation du préfet ;

- elle méconnaît les stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle et familiale ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elles sont illégales pour les mêmes moyens que ceux soulevés à l'encontre de la décision de refus de séjour ;

- le jugement du tribunal administratif de Poitiers doit être confirmé en ce qu'il a annulé la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est manifestement disproportionnée ;

- elle est illégale dès lors qu'elle ne s'est pas soustraite à une précédente mesure d'exécution et qu'elle ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- la décision d'assignation à résidence est disproportionnée.

La requête a été communiquée au préfet de la Charente-Maritime qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/013411 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 22 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, M. E... a lu son rapport.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante algérienne née le 1er août 1984, déclare être entrée sur le territoire français pour la dernière fois le 22 décembre 2013 après avoir épousé en France, le 29 septembre 2012, M. A..., ressortissant français. Elle a demandé pour la première fois la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de ressortissant français le 3 juillet 2014. Par un arrêté du 29 septembre 2014, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. La légalité de cet arrêté a été définitivement confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 octobre 2015. A la suite du décès de son époux, M. A..., le 1er janvier 2016, Mme F... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " en raison de la naissance de son fils C..., le 5 octobre 2017, qui avait été reconnu par M. G... ressortissant français. Cette reconnaissance de paternité a été annulée par un jugement du tribunal de grande instance de La Rochelle du 8 octobre 2019 en raison de son caractère frauduleux. Le 2 août 2020, Mme F... a sollicité de nouveau la délivrance d'un certificat de résidence algérien. Par un arrêté du 17 novembre 2020, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a assignée à résidence et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a partiellement fait droit à sa demande en prononçant l'annulation de la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire. Mme F... relève appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, à l'appui de son moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de fait au regard des dispositions de l'article 21-11 du code civil, Mme F... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... est entrée et se maintient en France de façon irrégulière depuis décembre 2013 malgré une obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative. Si Mme F... a donné naissance à deux enfants sur le territoire national les 5 octobre 2017 et 22 août 2020, la reconnaissance de paternité par M. G..., ressortissant français, de l'aîné, a été annulée par un jugement du tribunal de grande instance de La Rochelle du 8 octobre 2019 en raison de son caractère frauduleux. Mme F... qui est veuve depuis le 1er janvier 2016 et est hébergée chez un tiers ne justifie d'aucune intégration sociale ou professionnelle et ne fait état d'aucun lien personnel ou affectif en France, le père présumé de ses enfants, M. B... de nationalité syrienne, résidant d'ailleurs en Allemagne. En outre, sa tentative d'obtenir pour son fils aîné un passeport et une carte nationale d'identité de façon frauduleuse ne démontre pas une volonté d'intégration dans la société française. Par ailleurs, si l'intéressée établit que ses parents sont décédés, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait pour autant dépourvue d'attaches familiales en Algérie, pays dans lequel elle a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Charente-Maritime, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Il n'a, par suite, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Le préfet de la Charente-Maritime n'a pas davantage porté une appréciation manifestement erronée quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

6. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. En l'espèce, les circonstances décrites au point 4 ne peuvent être regardées comme constituant un motif humanitaire ou exceptionnel qui serait de nature à justifier l'admission au séjour de Mme F.... Le préfet de la Charente-Maritime n'a donc pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

8. En dernier lieu, aux termes du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Si Mme F... soutient que la décision litigieuse porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs, l'un âgé de 3 ans et l'autre de 3 mois à la date de l'arrêté attaqué, aucune circonstance ne fait obstacle, eu égard au jeune âge des enfants, à ce que leur scolarité se poursuive ou débute dans un autre pays que la France. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de la décision de refus du titre de séjour.

11. En second lieu, Mme F... se borne à indiquer qu'elle entend reprendre les moyens qu'elle a soulevés à l'encontre de la décision refusant de lui octroyer un titre de séjour pour contester la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, aucun de ces moyens n'apparaît fondé. Par suite, ces moyens dirigés contre les deux décisions attaquées ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, si Mme F... réside sur le territoire national depuis sept ans, elle ne justifie pas de l'ancienneté et de l'intensité de ses liens personnels en France. La circonstance qu'elle vit seule avec ses deux fils nés en France ne saurait constituer une circonstance humanitaire. En outre, le préfet de la Charente-Maritime qui a rappelé que la requérante avait fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 29 septembre 2014 a pu, sans entacher sa décision d'erreur de droit, préciser que Mme F... s'était soustraite à cette mesure. Si le préfet a, en revanche, estimé à tort que le comportement de la requérante constituait une menace pour l'ordre public alors que Mme F... a fait reconnaître son enfant non pas aux fins d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour mais aux fins de délivrance d'une carte nationale d'identité et d'un passeport à son fils, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ce motif. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, en édictant une interdiction de retour à l'encontre de la requérante, et en fixant la durée de cette interdiction à deux ans, aurait fait une inexacte application des dispositions citées au point précédent. Les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation doivent, par suite, être écartés.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

15. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ; (...) ".

16. Par son jugement n° 2002939 du 25 mars 2021, devenu définitif sur ce point en l'absence de contestation en appel de la part du préfet de la Charente-Maritime, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision, contenue dans l'arrêté du 17 novembre 2020, refusant d'accorder à Mme F... un délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet. Dès lors, la mesure d'assignation à résidence, qui avait été prise en application des dispositions citées au point précédent, est privée de base légale. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens soulevés par la requérante à son encontre, que cette décision, qui a été entièrement exécutée, doit être annulée.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme F... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime l'a assignée à résidence pendant une durée de cinq mois.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. L'exécution du présent arrêt, qui rejette notamment les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " et qui annule la décision portant assignation à résidence qui a été entièrement exécutée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction de Mme F... doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requérante présentées, au bénéfice de son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 17 novembre 2020 du préfet de la Charente-Maritime est annulé en tant qu'il assigne à résidence Mme F....

Article 2 : Le jugement n° 2002939 du tribunal administratif de Poitiers du 25 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

M. Anthony Duplan premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2022.

Le rapporteur,

Anthony E...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX03601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03601
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : LIGER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-08;21bx03601 ?
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