Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Gond-Pontouvre a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ainsi que la décision du 2 octobre 2018 par laquelle il a rejeté son recours gracieux.
Par un jugement n° 1802809 du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mars 2020 M. A..., représenté par Me Cittadini, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2018 du maire de la commune de Gond-Pontouvre et la décision du 2 octobre 2018 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Gond-Pontouvre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Gond-Pontouvre la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 en l'absence de mise en place de mesures préventives contre les troubles psychosociaux ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- les décisions litigieuses ont été prises au terme d'une procédure irrégulière, le service de médecine préventive n'ayant pas été informé de sa maladie à caractère professionnel, en méconnaissance de l'article 25 du décret du 10 juin 1985 ;
- elles sont entachées d'une erreur de droit, l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étant inapplicable ; c'est à tort que le tribunal a retenu son applicabilité en l'espèce ;
- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation, sa maladie est en lien direct et certain avec ses conditions de travail et, dès lors, imputable au service ;
- la commune a manqué à son obligation de sécurité et de résultat envers ses agents en méconnaissance de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984, du fait de l'absence de mise en place de mesures préventives contre les troubles psychosociaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2021, la commune de Gond-Pontouvre, représentée par son maire en exercice et par Me Leeman, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°85-603 du 10 juin 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Leeman représentant la commune de Gond-Pontouvre.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., adjoint technique territorial employé par la commune de Gond-Pontouvre (Charente), a été placé en congés de longue maladie à compter du 30 août 2016. Par un courrier du 5 juillet 2017, il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie à compter de cette même date. Par un arrêté du 7 juin 2018, le maire a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision de cette même autorité du 2 octobre 2018 rejetant son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A... conteste la régularité du jugement attaqué en ce qu'il aurait omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 du fait de l'absence de mise en place de mesures préventives contre les troubles psychosociaux. Toutefois, le tribunal qui n'avait pas l'obligation de répondre à ce moyen inopérant, n'a pas entaché, pour ce motif, son jugement d'irrégularité.
Sur la légalité des décisions contestées :
3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : /.../ 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ".
4. En premier lieu, d'une part, les dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique sont inapplicables en l'espèce, dès lors que, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, les droits éventuels à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. A... étaient nés à la date de consolidation de sa maladie, le 30 août 2016, soit avant l'entrée en vigueur de ces dispositions. La situation du requérant relevait ainsi uniquement du régime fixé par les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984.
5. D'autre part, M. A... soutient que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il ferait application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 en subordonnant la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie à l'inscription de cette dernière à l'un des tableaux des maladies professionnelles visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale. Toutefois, si l'arrêté attaqué, qui vise l'article 57 précité, indique que " la maladie de M. A... n'est pas présumée imputable au service à défaut d'être désignée par les tableaux des maladies professionnelles ", un tel motif est invoqué par le signataire de l'arrêté à la seule fin d'écarter la qualification de maladie " professionnelle en service " pour caractériser la pathologie dont souffre M. A... et n'a ni pour objet ni pour effet de conditionner l'imputabilité au service de la maladie de l'intéressé à son inscription sur un tel tableau ni a fortiori de faire application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983.
6. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur de droit doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été placé en arrêt de maladie pour des troubles dépressifs à compter du 30 août 2016. A l'appui de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité de cette maladie au service, il soutient que ses arrêts de travail sont la conséquence d'une relation de travail difficile, constitutive d'une situation de harcèlement moral, à compter de 2014, date à laquelle est intervenu un changement dans l'équipe municipale, et de la dégradation de ses conditions de travail en rapport avec la réorganisation du service technique dans lequel il était affecté, son changement d'affectation en janvier 2017 et sa position de secrétaire syndical de la CGT.
8. D'une part, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
9. Dans le cadre de la demande d'imputabilité au service de sa pathologie, M. A... a été examiné par le docteur E..., expert désigné par le comité médical, lequel a estimé dans son rapport du 29 aout 2017 que l'intéressé souffre de psychose paranoïaque et que " L'état de l'agent est dû à sa maladie professionnelle ", sans toutefois apporter aucun élément ni aucune précision quant à l'évènement ni au contexte professionnel en cause. Le comité médical a diligenté une deuxième expertise, effectuée par le docteur G..., psychiatre, lequel a estimé, dans son rapport du 4 décembre 2017, après avoir relaté les dires de M. A..., que l'état dépressif de l'intéressé était " lié à l'activité professionnelle habituelle de l'intéressé ", sans plus de précision quant à l'évènement déclencheur de sa maladie. Enfin, le docteur F..., psychiatre expert diligenté par la commune de Gond-Pontouvre, indique dans son rapport du 2 mai 2018 que l'état dépressif d'intensité sévère que présente M. A... " semble " directement lié à la maladie professionnelle habituelle en raison de la réorganisation de son poste de travail, sans définir précisément les raisons pour lesquelles cette réorganisation serait à l'origine de cet état. Si les certificats et rapports des différents médecins qui ont examiné M. A... dans le cadre de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ont tous relevé le lien que le requérant fait entre cette pathologie et son activité professionnelle, ils se bornent à relater les dires de l'intéressé et son propre ressenti des évènements. Ils ne présentent donc pas un caractère suffisamment probant, notamment en l'absence de tout élément concernant l'évènement déclencheur de l'état dépressif de l'intéressé en lien avec son activité professionnelle.
10. Par ailleurs, M. A... fait valoir que ses conditions de travail sont difficiles depuis 2014, date d'arrivée de la nouvelle équipe municipale, et qu'il a subi une dégradation progressive de ses conditions de travail, notamment en raison des nouvelles missions dont il a eu la charge et qu'il trouve moins intéressantes. Le requérant n'apporte toutefois aucun élément établissant la " maltraitance " dont il se prévaut. Il soutient également avoir été destinataire le 26 juillet 2016 d'un avertissement fondé sur des faits non établis (plaintes de plusieurs usagers l'ayant vu uriner sur des tombes ou en inactivité pendant les heures de service, et se plaignant de l'état déplorable du cimetière) constitutif d'un traitement vexatoire qui a aggravé son état, sans qu'aucun élément du dossier ne l'établisse. Il ajoute que, contrairement à ce qu'affirme la commune, son état dépressif est bien antérieur à l'altercation qu'il a eue avec sa supérieure hiérarchique le 27 juillet 2016 à la suite de ces plaintes et dénonce enfin les mesures de réorganisation du service intervenues notamment en janvier 2017. Toutefois, les éléments qu'il verse au débat, essentiellement à caractère médical, s'ils établissent qu'il souffre d'une dépression sévère, ne permettent pas de démontrer que le contexte professionnel dans lequel il a évolué aurait été susceptible de créer une souffrance au travail, directement à l'origine de sa maladie. Si M. A... soutient, en outre, qu'il était victime depuis 2014 de harcèlement moral notamment en raison de ses fonctions syndicales, il n'apporte aucun élément permettant de faire présumer de l'existence d'un tel harcèlement. Dans ces conditions, et en dépit de l'avis favorable rendu par le comité de réforme, qui ne saurait avoir légalement ni pour objet ni pour effet de lier l'autorité administrative, les répercussions sur l'état psychologique de M. A... des difficultés qu'il a éprouvées dans l'exercice de son activité professionnelle ne peuvent être regardées comme résultant des conditions dans lesquelles il exerce son activité et, par suite, comme une maladie contractée en service.
11. En troisième lieu, la circonstance que la commune de Gond-Pontouvre n'aurait pas mis en place les mesures préventives des troubles psychosociaux, à la supposer établie, est sans incidence sur la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie du requérant. Un tel moyen doit, par suite, être écarté.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article 25 du décret du 10 juin 1985 susvisé relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Le service de médecine préventive est informé par l'autorité territoriale dans les plus brefs délais de chaque accident de service et de chaque maladie professionnelle ou à caractère professionnel ". L'imputabilité au service de la maladie de M. A... n'étant pas établie, l'autorité territoriale n'était pas tenue d'informer le médecin de prévention de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure en l'absence d'information de ce service ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 juin 2018 et de la décision rejetant son recours gracieux du 2 octobre 2018. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gond-Pontouvre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 750 euros à verser à la commune de Gond-Pontouvre au titre des frais liés à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la commune de Gond-Pontouvre la somme de 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Gond-Pontouvre.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2022.
La rapporteure,
Caroline D...
La présidente,
Florence DemurgerLa greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne à la préfète de la Charente en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01046