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08/11/2022 | FRANCE | N°20BX01045

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 novembre 2022, 20BX01045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le maire de la commune de Gond-Pontouvre a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.

Par un jugement n° 1800622 du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2020, M. B..., représenté par Me Cittadini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge

ment du tribunal administratif de Poitiers du 22 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le maire de la commune de Gond-Pontouvre a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.

Par un jugement n° 1800622 du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2020, M. B..., représenté par Me Cittadini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 du maire de la commune de Gond-Pontouvre ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Gond-Pontouvre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Gond-Pontouvre la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté en litige a été prise en méconnaissance de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 en l'absence de mise en place de mesures préventives contre les troubles psychosociaux ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de droit, l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étant inapplicable ; c'est à tort que le maire dans l'arrêté contesté et le tribunal ont retenu son applicabilité ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation, sa maladie étant en lien direct et certain avec ses conditions de travail et, dès lors, imputable au service ; il a été victime de harcèlement moral ;

- la commune a manqué à son obligation de sécurité et de résultat envers ses agents, en méconnaissance de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984, du fait de l'absence de mise en place de mesures préventives contre les troubles psychosociaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2021, la commune de Gond-Pontouvre, représentée par son maire en exercice et par Me Leeman, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... E...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Leeman, représentant la commune de Gond-Pontouvre.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., adjoint technique territorial employé par la commune de Gond-Pontouvre (Charente), a été placé en congé de longue maladie à compter du 19 septembre 2016. Par courrier du 18 mai 2017, il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie à compter de cette même date. Par un arrêté du 1er février 2018, le maire a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. M. B... soutient que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 du fait de l'absence de mise en place de mesures préventives contre les troubles psychosociaux. Toutefois, le tribunal, qui n'avait pas l'obligation de répondre à ce moyen inopérant, n'a pas entaché, pour ce motif, son jugement d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er février 2018 :

3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : /.../ 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ".

4. En premier lieu, d'une part, les dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, sont, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, inapplicables en l'espèce, dès lors que les droits éventuels à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. B... étaient nés à la date de consolidation de sa maladie, le 19 septembre 2016, soit avant l'entrée en vigueur de ces dispositions. La situation du requérant relève ainsi uniquement du régime fixé par les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984.

5. D'autre part, M. B... soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il ferait application des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 en subordonnant la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie à l'inscription de cette dernière à l'un des tableaux des maladies professionnelles visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale. Toutefois, si l'arrêté attaqué, qui vise l'article 57 précité, indique que " la maladie de M. B... n'est pas présumée imputable au service à défaut d'être désignée par les tableaux des maladies professionnelles ", un tel motif est invoqué par le signataire de l'arrêté à la seule fin d'écarter la qualification de maladie " professionnelle en service " pour caractériser la pathologie de M. B... et n'a ni pour objet ni pour effet de conditionner l'imputabilité au service de la maladie de l'intéressé à son inscription sur un tel tableau ni a fortiori de faire application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983.

6. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur de droit doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été placé en arrêt de maladie a plusieurs reprises pour des troubles dépressifs entre 2012 et 2014, puis du 20 août 2014 au 8 mai 2016 au titre d'un accident de service. Il a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 8 mai 2016, puis en congés annuels à compter d'août 2016. Le 19 septembre 2016, il a été placé en congé de longue maladie pour dépression. A l'appui de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité de cette maladie au service, le requérant soutient que ses arrêts de travail sont la conséquence d'une relation de travail dégradée, constitutive d'une situation de harcèlement moral, à compter de 2012, date à laquelle il aurait été accusé à tort d'avoir tenu des propos homophobes envers un collègue et d'avoir tenté de l'écraser avec son véhicule, ainsi que d'un conflit avec sa hiérarchie, d'un changement d'affectation intervenu en janvier 2017 et de ses fonctions syndicales.

8. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

9. Dans le cadre de la demande d'imputabilité au service de sa pathologie, M. B... a été examiné par le médecin de prévention, lequel, dans son rapport du 20 novembre 2017, relève l'existence de tensions anciennes avec son employeur et la circonstance qu'il a constaté en 2015 des troubles psychosociaux majeurs au sein des services techniques, sans toutefois établir de lien entre ces deux constats. Si, par ailleurs, le docteur F..., expert désigné par le comité médical, a conclu dans son rapport du 19 septembre 2018, après avoir repris les dires de M. B..., que l'intéressé " présente une décompensation sur un trouble de la personnalité paranoïaque avec risque de passage à l'acte sur autrui dans un contexte de conflit au travail ", il ne donne aucune précision quant au contexte professionnel conflictuel dans lequel évoluerait M. B.... Enfin, le docteur D..., psychiatre expert diligenté par la commune de Gond-Pontouvre, se borne à indiquer, dans un certificat du 19 juillet 2017 que " la décompensation anxio-dépressive décrite (...) est donc susceptible d'être imputable au service ". Ainsi, si les certificats et rapports des différents médecins qui ont examiné M. B... dans le cadre de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa dépression, ont tous relevé le lien que le requérant fait entre cette pathologie et son activité professionnelle, ils se bornent à relater les dires de l'intéressé et son propre ressenti des évènements. Ils ne présentent donc pas un caractère suffisamment probant.

10. M. B... invoque par ailleurs, pour établir un lien entre sa pathologie et le contexte professionnel dans lequel il évolue, une accusation d'homophobie survenue quatre ans auparavant, une altercation avec un de ses collègues en avril 2016 et des mesures de réorganisation du service intervenues en janvier 2017. Toutefois, les éléments qu'il verse au débat, s'ils établissent que l'intéressé souffre d'un état dépressif, ne permettent pas de démontrer que le contexte professionnel dans lequel il se trouvait aurait été susceptible de créer une souffrance au travail à l'origine de sa maladie. Si M. B... soutient en outre qu'il était victime de harcèlement moral, notamment en raison de ses fonctions syndicales, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément permettant de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Dans ces conditions, et en dépit de l'avis favorable rendu par le comité de réforme, qui ne saurait avoir légalement ni pour objet ni pour effet de lier l'autorité administrative, les répercussions sur l'état psychologique de M. B... des difficultés qu'il a éprouvées dans l'exercice de son activité professionnelle ne peuvent être regardées comme résultant des conditions dans lesquelles il exerce son activité et, par suite, comme une maladie contractée en service.

11. En dernier lieu, la circonstance que la commune de Gond-Pontouvre n'aurait pas mis en place les mesures préventives des troubles psychosociaux, à la supposer établie, est sans incidence sur la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie du requérant. Un tel moyen doit, par suite, être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er février 2018. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gond-Pontouvre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 750 euros à verser à la commune de Gond-Pontouvre au titre des frais liés à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la commune de Gond-Pontouvre la somme de 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Gond-Pontouvre.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

Caroline E...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne à la préfète de la Charente en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX01045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01045
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CABINET LANES et CITTADINI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-08;20bx01045 ?
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