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03/11/2022 | FRANCE | N°21BX03406

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 03 novembre 2022, 21BX03406


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Guadeloupe a déféré au tribunal administratif de la Guadeloupe MM. Laurent B... et Léon A..., en leur qualité de représentants de la société civile immobilière Etche Guadeloupe, comme prévenus d'une contravention de grande voirie pour avoir édifié sur le domaine public maritime, au droit de la parcelle cadastrée section AY n° 692, un local d'une surface de 60 m² ainsi qu'un cheminement en bois de 27 m² de surface sur un enrochement existant, et demandé de les condamner au paiement

de l'amende prévue à l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des pe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Guadeloupe a déféré au tribunal administratif de la Guadeloupe MM. Laurent B... et Léon A..., en leur qualité de représentants de la société civile immobilière Etche Guadeloupe, comme prévenus d'une contravention de grande voirie pour avoir édifié sur le domaine public maritime, au droit de la parcelle cadastrée section AY n° 692, un local d'une surface de 60 m² ainsi qu'un cheminement en bois de 27 m² de surface sur un enrochement existant, et demandé de les condamner au paiement de l'amende prévue à l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, à la remise du site en l'état, et d'autoriser l'Etat à faire exécuter cette injonction d'office, si nécessaire aux frais des contrevenants.

Par un jugement n° 1900681 du 8 juin 2021, le président du tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné MM. B... et A..., en leur qualité de représentants de la SCI Etche Guadeloupe, au paiement d'une amende de 1 500 euros chacun, leur a enjoint de remettre les lieux dans leur état initial dans le délai de quatre mois à compter de la notification de la décision et a autorisé l'Etat à procéder d'office à ces travaux aux frais et risques des intéressés après expiration de ce délai.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 août 2021, la SCI Etche Guadeloupe, représentée par Me Fructus-Barathon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif de la Guadeloupe du

8 juin 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que l'avis d'audience ne lui a pas été notifié par voie administrative ou par lettre recommandée avec accusé de réception, en méconnaissance de l'article L. 774-4 du code de justice administrative ;

- elle ne peut être considérée comme dépourvue de droits pour la réalisation des constructions en litige dès lors que les travaux ont fait l'objet d'autorisations de construire accordées les 17 juillet 2015 et 1er février 2016 devenues définitives et qu'elle n'a jamais été destinataire de la décision d'opposition à travaux du 17 juillet 2015 ;

- la construction litigieuse est située sur la parcelle cadastrée section AY n° 692 dont elle est propriétaire, et non sur le domaine public, ni dans la zone des 50 pas géométriques ;

- les co-gérants de la société ne sont pas les auteurs de cette supposée infraction dès lors que l'immeuble lui appartient et qu'elle est maître d'ouvrage des travaux;

- en l'absence de récidive, le montant total de 3 000 euros dépasse le plafond fixé au 5° de l'article 131-13 du code pénal.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure ;

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 22 février 2019, à raison de l'édification sur le domaine public maritime sans autorisation, par la SCI Etche Guadeloupe, d'un local d'une surface de 60 m² et d'un cheminement en bois de 27 m² de surface sur un enrochement existant près du port au droit de la parcelle cadastrée section AY n° 692 située sur la commune de Saint-François. Ce procès-verbal a été notifié le 4 avril 2019 à M. B... et M. A..., gérants de la société. Le préfet de la Guadeloupe a déféré, le 5 juillet 2019, MM. B... et A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et a demandé au tribunal de les condamner au paiement d'une amende pour l'édification de ces installations sans autorisation d'occupation du domaine public maritime, d'enjoindre aux contrevenants de remettre en état les lieux sous astreinte et de l'autoriser à procéder d'office à la remise en état de cette parcelle à leurs frais et risques. La SCI Etche Guadeloupe fait appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le président du tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné MM. B... et A..., en leur qualité de représentants de cette société, au paiement d'une amende de 1 500 euros chacun au titre de l'occupation sans titre, leur a enjoint de remettre les lieux en l'état originel dans un délai de quatre mois, et a autorisé l'Etat à procéder à cette remise en état des lieux à leurs frais et risques.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 774-4 du code de justice administrative : " Toute partie doit être avertie du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / Cet avertissement est notifié dans la forme administrative. Il peut être donné par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Guadeloupe a déféré M. B... et M. A... devant le tribunal administratif et non la société Etche Guadeloupe, qui n'avait pas été mise en cause par le tribunal et n'avait que la qualité d'intervenante. Dans ces conditions, ne faisant pas elle-même l'objet des poursuites pour contravention de grande voirie et n'étant pas partie à cette instance, la société ne saurait utilement se prévaloir du non-respect des dispositions de l'article L. 774-4 du code de justice administrative à son égard. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité pour ce motif doit être écarté

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) / 4° La zone bordant le littoral définie à l'article L. 5111-1 dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion. ". Selon l'article L. 5111-1 du même code : " La zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques définie à l'article L. 5111-2 fait partie du domaine public maritime de 1'Etat. ". Aux termes de l'article L. 2132-2 de ce code : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ". Enfin, l'article L. 2132-3 dudit code dispose que : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende (...) ".

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments figurant dans le procès-verbal en litige, lequel fait foi jusqu'à preuve contraire, que la bande de terrain sur laquelle ont été édifiées les constructions litigieuses se situe en dehors de la parcelle cadastrée section AY n° 692 de la commune de Saint-François, dans son prolongement, et notamment au-dessus de l'enrochement qui matérialise le rivage de la mer. Ce terrain se trouve ainsi dans la zone, matérialisée par cet enrochement, dite des cinquante pas géométriques qui appartient au domaine public maritime de l'Etat en application des dispositions des articles L. 2111-4 et L. 5111-1 du code général de la propriété des personnes publiques. La société requérante, qui se borne à faire état d'une promesse de vente de la commune sur ce terrain et d'une occupation par le précédent propriétaire, n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'elle serait titulaire d'un titre de propriété de cette parcelle, alors que par un courrier du 10 décembre 2019, l'agence pour la mise en valeur de la zone dite des 50 pas géométriques a rejeté sa demande d'acquisition au motif que cette parcelle ne faisait pas partie des terrains dont la cession était autorisée par la loi du 30 décembre 1996. Par ailleurs, la société requérante ne soutient ni même n'allègue être titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public. La circonstance que la société aurait été régulièrement autorisée à édifier les constructions en cause sur cette parcelle, notamment par une décision datée du mois de juillet 2015 de non-opposition à une déclaration de travaux devenue définitive, est sans influence sur la matérialité de la contravention de grande voirie dès lors que cette déclaration n'a ni pour objet ni pour effet de conférer à son titulaire une autorisation d'occupation temporaire du domaine public, laquelle ne peut être tacite. Dans ces conditions, la matérialité de l'infraction est établie.

6. La personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention, qu'elle l'ait ou non édifié elle-même.

7. Il résulte de l'instruction qu'en leur qualité de co-gérants de la SCI Etche Guadeloupe, M. B... et M. A... disposaient des pouvoirs leur permettant de prendre toutes dispositions pour libérer le domaine public maritime. Dès lors, ils pouvaient être regardés comme les auteurs de l'action à l'origine de l'infraction et comme les gardiens des constructions en litige. En outre, l'identité des gérants était mentionnée dans le procès-verbal de contravention du 22 février 2019, qui leur a été notifié le 4 avril 2019. Dès lors, la société n'est pas fondée à soutenir qu'elle était l'auteur des infractions et pouvait seule faire l'objet d'une condamnation en sa qualité de propriétaire et de maître d'ouvrage des bâtiments.

8. Aux termes de L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques: " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal./ Dans tous les textes qui prévoient des peines d'amendes d'un montant inférieur ou ne fixent pas le montant de ces peines, le montant maximum des amendes encourues est celui prévu par le 5° de l'article 131-13./ Dans tous les textes qui ne prévoient pas d'amende, il est institué une peine d'amende dont le montant maximum est celui prévu par le 5° de l'article 131-13. ". Aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " Le montant de l'amende est le suivant : (...) 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit.

9. Dès lors que le préfet a demandé la condamnation de MM. B... et A..., gérants de la société, en raison de leur qualité d'auteurs des infractions, chacun d'entre eux pouvait se voir infliger le montant maximal prévu au 5° de l'article 131-13 du code pénal. Par suite, le moyen tiré de ce que le montant cumulé de ces deux amendes dépasse le montant maximal fixé par les dispositions de cet article doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que la SCI Etche Guadeloupe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné MM. B... et A... à une amende de 1 500 euros chacun et leur a enjoint de remettre les lieux en l'état originel dans un délai de quatre mois. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Etche Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Etche Guadeloupe et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2022.

L'assesseure-rapporteure,

Christelle Brouard-Lucas

La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03406 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03406
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : FRUCTUS-BARATHON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-03;21bx03406 ?
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