La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/11/2022 | FRANCE | N°20BX03096

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 03 novembre 2022, 20BX03096


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la préservation du patrimoine martiniquais (Assaupamar) a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2018 par lequel le maire de Ducos a délivré à la société Agri'Prod un permis de construire pour la réalisation d'une unité de conditionnement d'aliments pour bétail destinée au stockage et à l'ensachage ainsi que la décision implicite du 30 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le 25 janvier 2019.

Par un déféré du

8 mai 2020, le préfet de la Martinique a également demandé au tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la préservation du patrimoine martiniquais (Assaupamar) a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2018 par lequel le maire de Ducos a délivré à la société Agri'Prod un permis de construire pour la réalisation d'une unité de conditionnement d'aliments pour bétail destinée au stockage et à l'ensachage ainsi que la décision implicite du 30 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux formé le 25 janvier 2019.

Par un déféré du 8 mai 2020, le préfet de la Martinique a également demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler le permis de construire du 13 décembre 2018 délivré à la société Agri'Prod.

Par un jugement n° 1900283-1900284 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a annulé l'arrêté du 13 décembre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2020, la société Agri'Prod, représentée par Me Senart, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 11 juin 2020 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de l'Assaupamar et du préfet de la Martinique.

La société Agri'Prod soutient que :

- la demande de première instance de l'Assaupamar était irrecevable faute pour l'association d'avoir précisé quelle personne physique la représentait en qualité de président et d'avoir justifié de sa capacité à agir en son nom ;

- elle exerce une activité agricole de fait ;

- le bâtiment en litige présente un intérêt collectif dès lors qu'il permet à ses adhérents de disposer d'aliments pour le bétail hors monopole.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2020, le préfet de la Martinique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Agri'Prod ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 15 décembre 2020 et 19 mai 2022, la commune de Ducos, représentée par le cabinet Overeed Aarpi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 11 juin 2020 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de l'Assaupamar et du préfet de la Martinique ;

3°) de mettre à la charge de l'Assaupamar la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité pour avoir d'une part, méconnu le principe du contradictoire en organisant une audience en visioconférence sans en informer l'ensemble des parties et, d'autre part, insuffisamment motivé leur jugement sur le moyen tiré de la méconnaissance des règles de hauteur des bâtiments en zone A ;

- le tribunal a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la vocation agricole de la construction ;

- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit dans l'application de l'article 2.A du règlement du plan local d'urbanisme autorisant les constructions d'intérêt collectif en zone A ;

- les silos et superstructures étant exclus pour le calcul de la hauteur de la construction, c'est à tort que le tribunal a retenu la violation de l'article 10.A du plan local d'urbanisme ;

- le vice tiré de la méconnaissance de l'article 11.A du plan local d'urbanisme ne pouvait à lui seul justifier l'annulation du permis de construire dès lors qu'un tel vice était régularisable en application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ; le jugement ne justifie pas les raisons qui ont conduit le tribunal à ne pas faire usage de ces dispositions ;

- dans la mesure où elle a intérêt à l'annulation du jugement portant sur un projet de construction sur son territoire, elle est recevable à intervenir dans le cadre de la présente instance ; en tout état de cause, il appartiendra à la cour de requalifier son mémoire comme valant observations ;

- le plan local d'urbanisme ayant été annulé sur des motifs étrangers aux règles d'urbanisme applicables au projet, les dispositions annulées demeurent applicables au projet ; en tout état de cause la construction qui constitue un équipement technique d'exploitation agricole est autorisée par le plan d'occupation des sols ;

- les moyens nouveaux contre le permis de construire sont irrecevables, les règles de cristallisation s'appliquant également à l'Assaupamar.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2021, l'Assaupamar, représentée par le cabinet Gide Loyrette Nouel Aarpi, conclut au rejet de la requête d'appel de la société Agri'Prod, à l'irrecevabilité de la requête de la commune de Ducos et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Agri'Prod et de la commune de Ducos sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le mémoire de la commune de Ducos est irrecevable ;

- la cour ayant totalement annulé le plan local d'urbanisme de Ducos, la légalité du permis de construire doit être appréciée au regard du plan d'occupation des sols remis en vigueur ;

- le projet méconnaît les dispositions des articles NC1, NC2, NE1 et NE 2 du plan d'occupation des sols ;

- à titre subsidiaire, les premiers juges étaient bienfondés à annuler le permis de construire litigieux sur le fondement des articles 1.A et 2.A du règlement du plan local d'urbanisme ; au regard de l'ancien article R. 123-9 du code de l'urbanisme et de l'article R. 151-27 du même code, un bâtiment ne peut être qualifié à la fois de bâtiment agricole et de construction et installation nécessaire aux services publics ou d'intérêt collectif ;

- la société Agri'Prod n'ayant pas remis en cause le bienfondé du jugement contesté concernant l'illégalité du permis de construire au regard des dispositions des articles 10.A et 11.A du règlement du plan local d'urbanisme, elle doit être considérée comme acquiesçant à ces deux motifs d'annulation retenus par le tribunal ; l'extension projetée ne saurait être considérée comme un " ouvrage technique " ou un " silo " pouvant s'affranchir de toute règle de hauteur ;

- en cas d'annulation du jugement, la cour sera saisie de l'ensemble des moyens et conclusions qu'elle a présentés dans ses écritures de première instance, lesquels sont intégralement repris dans la présente instance ;

- au surplus, elle entend se fonder sur un nouveau moyen d'annulation tiré de la méconnaissance des articles L. 121-8 et L. 121-10 du code de l'urbanisme ; la construction constitue une extension d'urbanisation qui ne saurait être regardée comme étant en continuité avec les agglomérations et villages existants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Pernet Frentz, représentant l'Assaupamar, et de Me Chaudhry-Shouq, représentant la commune de Ducos.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 décembre 2018, transmis au contrôle de légalité le 4 janvier 2019, le maire de Ducos a délivré à la SAS Agri'Prod un permis de construire en vue de la régularisation de travaux de construction d'une unité de conditionnement d'aliments pour bétail destinée au stockage et à l'ensachage, réalisée en continuité d'un hangar existant sur la parcelle cadastrée C 2003, située à l'habitation Rivière la Manche et antérieurement achevés. Par un déféré du 8 mai 2020, le préfet de la Martinique a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler ce permis de construire. Parallèlement, par un recours enregistré le 13 mai 2019, l'Assaupamar a également demandé l'annulation de ce permis de construire ainsi que de la décision implicite de rejet de son gracieux. Par un jugement du 11 juin 2020 le tribunal administratif de la Martinique a fait droit à leurs demandes et a annulé le permis de construire du 13 décembre 2018. La société Agri'Prod relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité des conclusions de la commune de Ducos :

2. La commune de Ducos se prévaut de sa qualité d'intervenante à l'instance d'appel. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la commune de Ducos, qui avait la qualité de partie en première instance, avait compétence pour faire appel du jugement attaqué qui lui a été notifié le 11 juin 2020. Ainsi, ses conclusions devant la cour tendant à l'annulation de ce jugement, par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé le permis de construire du 13 décembre 2018 délivré à la SAS Agri'Prod, ne peuvent être regardées que comme un appel, lequel a été enregistré le 24 janvier 2020, soit après l'expiration du délai d'appel. La circonstance que ce mémoire a été produit en réponse à la communication de la requête par le greffe de la cour pour d'éventuelles observations n'a pas pour effet de conférer à la commune la qualité de partie à l'instance d'appel. Il s'ensuit que les conclusions de la commune de Ducos, qui ne peut pas se prévaloir de sa qualité d'intervenante, sont tardives, et dès lors irrecevables.

Sur le bienfondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

3. Aux termes de l'article 11 des statuts de l'Assaupamar : " Le (la) Président(e) peut intenter, au nom de l'association, tout recours devant les juridictions pénales, civiles ou administratives. Il (elle) peut se faire représenter par tout membre de l'association à qui il (elle) aura délivré un mandat à cet effet ". Aucune autre stipulation ne réserve à un autre organe le pouvoir de décider d'engager une action en justice au nom de l'association. Il ressort par ailleurs, du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 21 janvier 2018, que M. B... a bien été désigné président de l'association. Ainsi, le président de l'Assaupamar avait qualité pour, au nom de celle-ci, former un recours en annulation contre le permis de construire du 13 décembre 2018.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 13 décembre 2018 :

4. En l'espèce, le tribunal a annulé le permis de construire en litige en se fondant sur la méconnaissance des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Ducos adopté par délibération du 26 juin 2018, alors applicable. Toutefois, ainsi que le soutient l'Assaupamar, par un arrêt n° 20BX00691, 20BX00982 et 20BX01193 du 31 août 2021, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir jugé que les illégalités affectant le plan local d'urbanisme par leur nombre et leur importance remettaient en cause l'économie général du plan, a annulé cette délibération en tant qu'elle approuve le plan local d'urbanisme de la commune de Ducos. La société Agri'Prod, qui ne remet pas en cause le bienfondé du jugement du tribunal administratif de la Martinique concernant la méconnaissance des articles 10 et 11. A du règlement du plan local d'urbanisme relatifs à la hauteur des bâtiments et la couleur des façades, ne conteste que le bien-fondé du moyen tiré de la violation de l'article 1. A du règlement du plan local d'urbanisme également retenu par le tribunal au motif que la construction en litige ne pouvait être regardée comme liée à une activité agricole.

5. Aux termes de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur ".

6. Aux termes de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de cette même loi : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions de refus de permis ou d'opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l'annulation ou l'illégalité du document d'urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l'annulation de ladite décision ".

7. Il résulte de l'article L. 600-12-1 que l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un document local d'urbanisme n'entraîne pas l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d'illégalité repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause. Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de l'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours contre une autorisation d'urbanisme, de vérifier d'abord si l'un au moins des motifs d'illégalité du document local d'urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme. Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s'il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger. Lorsque le document local d'urbanisme sous l'empire duquel a été délivrée l'autorisation contestée est annulé ou déclaré illégal pour un ou plusieurs motifs non étrangers aux règles applicables au projet en cause, la détermination du document d'urbanisme au regard duquel doit être appréciée la légalité de cette autorisation obéit, eu égard aux effets de la règle posée à l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, aux règles suivantes : - dans le cas où ce ou ces motifs affectent la légalité de la totalité du document d'urbanisme, la légalité de l'autorisation contestée doit être appréciée au regard de l'ensemble du document immédiatement antérieur ainsi remis en vigueur ; / - lorsque ce ou ces motifs affectent seulement une partie divisible du territoire que couvre le document local d'urbanisme, ce sont les dispositions du document immédiatement antérieur relatives à cette zone géographique qui sont remises en vigueur ; / - si ce ou ces motifs n'affectent que certaines règles divisibles du document d'urbanisme, la légalité de l'autorisation contestée n'est appréciée au regard du document immédiatement antérieur que pour les seules règles équivalentes nécessaires pour assurer le caractère complet et cohérent du document. / S'agissant en particulier d'un plan local d'urbanisme, une disposition du règlement ou une partie du document graphique qui lui est associé ne peut être regardée comme étant divisible que si le reste du plan forme avec les éléments du document d'urbanisme immédiatement antérieur le cas échéant remis en vigueur, un ensemble complet et cohérent. En outre, lorsqu'un motif d'illégalité non étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d'urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours en annulation d'une autorisation d'urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.

8. Il ressort des termes de la décision de la cour d'appel de Bordeaux du 31 août 2021 précitée, qu'au titre des vices affectant la légalité interne du plan, la cour a retenu que l'absence de recherche par les auteurs du plan local d'urbanisme d'une gestion économe des espaces naturels et agricoles et les partis d'aménagement retenus entrainaient un déséquilibre d'une ampleur telle que le plan n'était pas compatible avec le principe d'équilibre fixé à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme. Ce motif d'annulation, qui n'est pas sans rapport avec les règles applicables au projet en litige, affecte la légalité de la totalité du plan local d'urbanisme. Il en résulte que la légalité de l'autorisation contestée doit être appréciée au regard de l'ensemble du document d'urbanisme antérieur ainsi remis en vigueur, en l'espèce le plan d'occupation des sols de la commune de Ducos.

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet objet du permis litigieux concerne un bâtiment de 220 m², composé principalement d'une fosse de 2,50 mètres de profondeur avec une capacité de stockage de 870 m² et d'une superstructure habillée de débardage métallique de près de 23 mètres de haut, aménagé aux fins de stockage en vrac d'aliments pour bétail. Ce bâtiment est attenant à un hangar existant d'une surface de 492 m², réaménagé pour de l'ensachage et du stockage de matériel et d'intrants. Il ressort également des pièces du dossier que les bâtiments en litige sont situés pour partie en zone NC du plan d'occupation des sols et pour l'autre en zone NE.

10. D'une part, en zone NC du plan d'occupation des sols, caractérisée comme une zone naturelle comprenant des terrains non équipés à préserver en raison de leur richesse économique, l'article NC.1 du règlement autorise sans condition : " Les bâtiments et équipements techniques d'exploitation agricole et forestière (...) ". Aux termes de l'article NC.2 sont interdites : " Tous les types d'occupation et d'utilisation du sol qui ne sont pas strictement liés à l'exploitation agricole ou aux carrières et mentionnées à l'article NC.1 ". D'autre part, en zone NE, caractérisée comme des zones naturelles non équipées qui sont l'objet d'une mise en valeur économique par extraction, l'article NE.1 du règlement du plan autorise sans condition " l'ouverture et l'exploitation de carrière d'extraction de matériaux. ", et admet sous conditions " les bâtiments et équipements strictement liés et nécessaires à l'activité d'extraction de matériaux ". L'article NE.2 interdit tous " types d'occupation et d'utilisation du sol qui ne sont pas mentionnés à l'article NE.1 ".

11. Il ressort de la demande de permis de construire et des propres explications de la société requérante que cet ouvrage technique déployé sur 220 m2 est destiné à accompagner le fonctionnement de la société Agri'Prod, laquelle réalise la transformation, le conditionnement, le stockage et la vente d'aliments pour animaux. Une telle construction, dès lors qu'elle est seulement destinée à une activité de stockage et de commerce d'aliments pour bétail indépendamment de l'activité de production des exploitations agricoles de la commune, ne peut être regardée comme un bâtiment ou un équipement technique d'exploitation agricole au sens de l'article NC.1 du plan d'occupation des sols. Par ailleurs, compte tenu de son caractère commercial, l'activité de stockage en vrac d'aliments pour animaux ne peut davantage être regardée comme liée à une exploitation agricole au sens de l'article NC.2 du plan d'occupation des sols, alors même que ce projet de stockage et de vente d'aliments pour bétail vise à lever, au bénéfice de 70 % des éleveurs martiniquais, une situation de monopole de fait en matière d'importation d'aliments pour animaux d'élevage. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que son activité s'inscrit dans le processus d'alimentation animale, pas davantage que son nom et son fonctionnement en coopérative agricole ne peuvent suffire à établir le caractère agricole de son activité. Par ailleurs, ni l'ouvrage technique ni le hangar existant ne sauraient être qualifiés de bâtiments strictement liés et nécessaires à l'activité d'extraction de matériaux au sens de l'article NE.1 du plan d'occupation des sols. Dans ces conditions, le projet, qui ne rentre pas dans le champ des occupations et utilisations admises en zone NC et NE du plan d'occupation des sols de la commune de Ducos, ne peut être autorisé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Agri'Prod n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé l'arrêté du 13 décembre 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Agri'Prod, qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Assaupamar et non compris dans les dépens.

.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Agri'Prod est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Ducos sont rejetées.

Article 3 : La SAS Agri'Prod versera à l'Assaupamar une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Agri'Prod, à la commune de Ducos, à l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (Assaupamar) et au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Bouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022.

La rapporteure,

Birsen C...

La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03096


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03096
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : OVEREED AVOCATS PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-03;20bx03096 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award