La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2022 | FRANCE | N°20BX04163

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à 5), 20 octobre 2022, 20BX04163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Martinique TV Câble a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler les titres de recettes n°435/2015 et n°436/2015 émis à son encontre par la commune de Saint-Joseph le 31 décembre 2015 pour un montant total de 17 720,68 euros correspondant à la redevance d'occupation du domaine publique pour les années 2014 et 2015 et de la décharger des sommes mises à sa charge par ces titres.

Par un jugement n° 1900603 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de la Martinique

a annulé les titres de recettes n°435/2015 et n°436/2015 et rejeté le surplus de s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Martinique TV Câble a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler les titres de recettes n°435/2015 et n°436/2015 émis à son encontre par la commune de Saint-Joseph le 31 décembre 2015 pour un montant total de 17 720,68 euros correspondant à la redevance d'occupation du domaine publique pour les années 2014 et 2015 et de la décharger des sommes mises à sa charge par ces titres.

Par un jugement n° 1900603 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de la Martinique a annulé les titres de recettes n°435/2015 et n°436/2015 et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2020 et le 19 avril 2022, la société Martinique TV Câble représentée par Me Feldman, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 octobre 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge ;

2°) d'annuler les titres de recette n°435/2015 et n°436/2015 et de lui accorder la décharge des sommes correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Joseph une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'occupation du domaine public en litige relève du régime particulier des articles L. 45-9 et suivants du code des postes et communications électroniques ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la somme demandée n'est pas justifiée en l'absence de de corrélation entre le montant de la contrepartie demandée par la commune et l'avantage spécifique qu'elle retire de l'occupation du domaine public ; la commune ne justifie pas de cette contrepartie, ni que le barème tienne compte des avantages retirés ;

- la somme demandée excède la limite fixée par l'article R. 20-52 du code des postes et des communications électroniques ; compte tenu des caractéristiques de son réseau, le montant dû doit être ramené respectivement aux sommes de 1 860,97 euros pour l'année 2014 et 1 854,50 euros pour l'année 2015 ;

- cette redevance a été fixée en méconnaissance du principe d'égalité par rapport aux entreprises de télécommunications concurrentes qui bénéficient des plafonds de l'article R. 20-52.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2021, la commune de Saint-Joseph, représentée par Me Saint-Cyr conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Martinique TV Câble en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de la propriété des personnes publiques ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. En 1991, la Société World Satellite a sollicité auprès de la commune de Saint-Joseph (Martinique) l'autorisation de poser et d'exploiter un câble permettant la télédistribution de chaînes de télévision, qui lui a été accordée par la signature d'une convention d'occupation du domaine public, avec une rétribution de la collectivité à hauteur de 5 francs par mois et par abonné, convertie à 0,7622 euros. Un avenant a été conclu le 1er août 2006 avec la société Martinique TV Câble, venant aux droits de société World Satellite, afin de soumettre le contrat passé aux dispositions de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. A partir de 2008, la société n'a plus communiqué à la commune son nombre d'abonnés et n'a plus payé de redevance. Le 31 décembre 2015, la commune a émis deux titres exécutoires n° 435 et 436 relatifs aux redevances pour les années 2014 et 2015 pour un montant total de 17 720,68 euros qui ont été notifiés à la société Martinique TV Câble le 9 août 2019, assortis d'une mise en demeure de payer cette somme. La société Martinique TV Câble a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler ces titres de recettes et de lui accorder la décharge de ces sommes. Par un jugement n° 1900603 du 22 octobre 2020 le tribunal a annulé ces titres exécutoires et rejeté le surplus de ses demandes. La société Martinique TV Câble relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de décharge.

2. Aux termes de l'article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques applicable à compter du 30 juin 2011 : " Les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'un droit de passage, sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier (...). / (...) / L'occupation du domaine public routier (...) peut donner lieu au versement de redevances aux conditions prévues [à l'article] L. 47 ". Aux termes de cet article L. 47 dans sa rédaction applicable au litige : " Les exploitants de réseaux ouverts au public peuvent occuper le domaine public routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation. (...) L'occupation du domaine routier fait l'objet d'une permission de voirie, délivrée par l'autorité compétente, suivant la nature de la voie empruntée, dans les conditions fixées par le code de la voirie routière. La permission peut préciser les prescriptions d'implantation et d'exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie. / (...) / La permission de voirie ne peut contenir des dispositions relatives aux conditions commerciales de l'exploitation. Elle donne lieu à versement de redevances dues à la collectivité publique concernée pour l'occupation de son domaine public dans le respect du principe d'égalité entre tous les opérateurs. (...) Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article et notamment le montant maximum de la redevance mentionnée à l'alinéa ci-dessus ". Aux termes de l'article R. 20-45 du même code : " La permission de voirie prévue au premier alinéa de l'article L. 47 est délivrée : / (...) / - par l'exécutif de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale gestionnaire du domaine dans les autres cas ". Selon l'article R. 20-51 du même code : " Le montant des redevances tient compte de la durée de l'occupation, de la valeur locative de l'emplacement occupé et des avantages matériels, économiques, juridiques et opérationnels qu'en tire le permissionnaire. / Le gestionnaire du domaine public peut fixer un montant de redevance inférieur pour les fourreaux non occupés par rapport à celui fixé pour les fourreaux occupés. / Le produit des redevances est versé au gestionnaire ou au concessionnaire du domaine occupé, dans les conditions fixées par la permission de voirie ". L'article R. 20-52 de ce code dispose enfin que : " Le montant annuel des redevances, déterminé, dans chaque cas, conformément à l'article R. 20-51, en fonction de la durée de l'occupation, des avantages qu'en tire le permissionnaire et de la valeur locative de l'emplacement occupé, ne peut excéder : / I.- Sur le domaine public routier : / 1° Dans le cas d'une utilisation du sol ou du sous-sol, par kilomètre et par artère : 300 euros pour les autoroutes ; 30 euros pour le reste de la voirie routière ; / 2° Dans les autres cas, par kilomètre et par artère : / 40 euros ; / 3° S'agissant des installations autres que les stations radioélectriques : 20 euros par mètre carré au sol. L'emprise des supports des artères mentionnées aux 1° et 2° ne donne toutefois pas lieu à redevance. / (...) ".

3. Il ressort des articles L. 45-9 et L. 47 du code des postes et communications électroniques précités qu'ils ont pour objet de réglementer le droit de passage et la permission de voirie nécessaires à l'implantation des ouvrages par les exploitants des réseaux de communications électroniques et de prévoir le principe du paiement d'une redevance due au titre de l'occupation permanente du domaine public routier par ces ouvrages, tandis que les articles R. 20-45, R. 20-51 et R. 20-52 du même code déterminent les modalités de mise en œuvre de ce droit de passage et, notamment les conditions dans lesquelles doit être déterminé le tarif de la redevance due en contrepartie de cette occupation, en tenant compte de la durée de l'occupation, de la valeur locative de l'emplacement occupé et des avantages matériels, économiques, juridiques et opérationnels qu'en tire le permissionnaire, dans la limite du montant maximal prévu à l'article R. 20-52.

4. En raison de la signature d'un avenant avec la société Martinique TV Câble venant aux droits de la société World Satellite le 1er août 2006, après l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, qui prévoit que les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d'écrits, d'images ou de sons, par câble sont désormais régis par le code des postes et communications électroniques, les dispositions de l'article L. 47 de ce code étaient applicables à la convention conclue entre la commune de Saint-Joseph et la société Martinique TV Câble. Il en est de même des articles R. 20-45, R. 20-51 et R. 20-52 de ce code, pris pour l'application de cet article et entrés en vigueur à compter du 1er janvier 2006. Ainsi, comme le fait valoir la société Martinique TV Câble, les dispositions particulières prévues à l'article R. 20-52 de ce code fixant le montant annuel maximal des redevances doivent être appliquées aux redevances des années 2014 et 2015, sans que la commune puisse se prévaloir utilement de ce que cette société aurait accepté le tarif fixé par la convention de 1991 en ne sollicitant pas sa révision lors de la signature de cet avenant.

5. La société Martinique TV Câble fait valoir que le domaine public communal occupé par son réseau couvre 32,19 km en aérien, implanté sur des poteaux sur la voirie, et 3,16 km en souterrain de la voirie. Si les affirmations de la société sont basées sur ses seuls référentiels d'exploitation, la commune, qui a nécessairement autorisé les travaux d'installation des artères et des fourreaux sur son domaine public, se borne à souligner l'absence de justificatifs sans apporter aucun élément de nature à remettre en cause la longueur et les caractéristiques du réseau dont fait état la société requérante. Par suite, alors qu'en application de ces éléments et du montant non contesté du tarif maximal révisé de l'article R. 20-52, la redevance maximale due par la société doit être fixée à 1 860,97 euros pour l'année 2014 et 1 854,50 euros au titre de l'année 2015, la société est fondée à soutenir que le montant des redevances en litige ne respecte pas le montant annuel maximal fixé par l'article R. 20-52 du code des postes et des communications électroniques.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Martinique TV Câble est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses conclusions à fin de décharge pour le montant qui dépasse la somme de 3 715,47 euros, soit 14 005,21 euros.

7. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La société Martinique TV Câble est déchargée de la somme de 14 005,21 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 1900603 du 22 octobre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus de conclusions de la requête de la société Martinique TV Câble est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Joseph au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Martinique TV Câble et à la commune de Saint-Joseph.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Marianne Hardy, présidente de chambre,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

La rapporteure,

Christelle B...Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Marion Azam MarcheLa République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX04163 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à 5)
Numéro d'arrêt : 20BX04163
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SAINT- CYR ODILE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-20;20bx04163 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award