Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans.
Par un jugement n° 2201905 du 20 mai 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 11 mars 2022 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire pendant deux ans et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2022, la préfète de la Gironde, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 mai 2022 en tant qu'il annule sa décision d'interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de deux ans ;
2°) de rejeter intégralement la requête de M. A... ;
Elle soutient que la décision interdisant de retourner sur le territoire pendant deux ans prise à l'encontre de M. A... n'est pas entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle est justifiée par la non-exécution d'une précédente mesure d'éloignement ainsi que par l'absence de justification de la nature et de l'ancienneté de ses liens en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Chadourne, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. A... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... ;
- et les observations de Me Chadourne représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant turc, est entré une première fois sur le territoire français en juin 2006. Après le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 6 juin 2007, la préfète de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français par un arrêté du 20 juillet 2007. Il a sollicité le 16 décembre 2021 le réexamen de son droit à l'asile. Sa demande a été déclarée irrecevable par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 28 février 2022. Par un arrêté du 11 mars 2022, la préfète de la Gironde a refusé d'admettre l'intéressé au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 20 mai 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans et a rejeté le surplus de sa demande. La préfète de la Gironde relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation de sa décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.
2. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
3. Pour annuler l'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans prise à l'encontre de M. A..., le premier juge a estimé que : " le requérant soutient de manière constante depuis l'introduction de sa demande tendant au réexamen de son droit d'asile le 31 décembre 2021 qu'il a exécuté la précédente mesure d'éloignement et qu'il est revenu en France pour la dernière fois le 9 novembre 2021, date qui figure par ailleurs dans l'ensemble des documents délivrés par la préfète de la Gironde durant l'instruction de la demande de M. A.... Ainsi, et alors que la préfète de la Gironde ne défend pas sur ce point et que M. A... ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il est fondé à soutenir qu'en lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant deux ans, la préfète de la Gironde a commis une erreur dans l'appréciation de sa situation. "
4. Pour contester le jugement attaqué, la préfète de la Gironde fait valoir que l'interdiction de retour litigieuse est fondée sur l'absence d'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. A... en 2007, dont il n'est pas établi qu'elle a été exécutée par l'intéressé, ainsi que sur l'absence de justification de la nature et de l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France. Toutefois, ainsi que l'a indiqué le premier juge, il ressort des énonciations de M. A..., non contredites par les pièces du dossier, qu'il soutient de manière constante être entré en France pour la dernière fois le 9 novembre 2021. Ses affirmations sont d'ailleurs corroborées par son passeport faisant état de nombreux déplacements à l'étranger au titre de l'année 2014. Ainsi, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne pouvait se fonder sur le motif de la non-exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Dès lors, dans la mesure où cette décision, qui mentionne par ailleurs que M. A... ne constitue pas une menace pour l'ordre public, ne peut se fonder uniquement sur le second motif retenu par l'arrêté tiré de l'absence de justification de la nature et de l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, le premier juge a pu à bon droit accueillir le moyen tiré de ce que la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans était entachée d'une erreur d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Gironde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a annulé son arrêté du 11 mars 2022 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans. Sa requête doit, par suite, être rejetée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie qui succombe dans la présente instance, une somme de 1 200 euros à verser au conseil de M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de la Gironde est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera au conseil de M. A... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspond à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Chadourne et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2022.
La rapporteure,
Caroline B...
La présidente,
Florence DemurgerLa greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX01623