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19/10/2022 | FRANCE | N°20BX00512

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 19 octobre 2022, 20BX00512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bottechia, exerçant son activité sous la forme d'une SARL, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 14 novembre 2017 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine lui a infligé une amende de 9 000 euros, ainsi que la décision du 21 décembre 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bottechia, exerçant son activité sous la forme d'une SARL, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 14 novembre 2017 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine lui a infligé une amende de 9 000 euros, ainsi que la décision du 21 décembre 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2020, la société Bottechia, représentée par Me Dirou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 janvier 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler les décisions du 14 novembre 2017 et du 21 décembre 2017 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine ;

3°) de réduire le montant de l'amende administrative à 1 000 euros par salarié concerné ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 14 novembre 2017 a été prise par une autorité incompétente dès lors que son signataire ne disposait pas d'une délégation à cet effet ;

- l'article L. 8115-1 du code du travail ne pouvant sanctionner la méconnaissance de l'article L. 4731-3 de ce code, l'amende prononcée est dépourvue de fondement légal ;

- l'amende en litige dépasse le seuil prévu par l'article L. 8115-3 du code du travail et est disproportionnée au regard de l'article L. 8115-4 du même code compte tenu de ce qu'elle a fait cesser la situation de danger, la période d'infraction a seulement duré quatre jours, elle n'a jamais auparavant fait l'objet d'une sanction administrative et ses ressources ne lui permettent pas de faire face à un tel montant.

Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dirou représentant la société Bottechia.

Considérant ce qui suit :

1. La société Bottechia, spécialisée dans les travaux de maçonnerie et de gros œuvre du bâtiment, a fait l'objet, le 24 novembre 2016, d'un contrôle de l'inspection du travail sur le chantier du pôle culturel de Sauveterre-de-Guyenne (Gironde). Après avoir constaté que des salariés de cette société exécutaient des travaux en équilibre sur des plateformes posées sur des tréteaux, encombrées de pierres et dépourvues de dispositifs de protection contre les chutes de hauteur, les agents de l'inspection du travail de l'unité de contrôle sud-est du département de la Gironde ont prescrit, en application de l'article L. 4731-1 du code du travail, le retrait immédiat des salariés exposés, l'interruption immédiate des travaux sur la zone concernée, la mise en conformité des planchers de travail et leur protection ainsi que l'interdiction de toute reprise des travaux avant mise en conformité des installations et autorisation de l'inspection du travail. Par un courriel du 2 décembre 2016, le gérant de la société Bottechia a informé l'administration du travail que la mise en conformité avait été effectuée et lui a transmis les photographies des dispositifs de sécurité installés sur le chantier. Lors de leur déplacement sur les lieux le 6 décembre 2016, aux fins de délivrance de l'autorisation de reprise des travaux après constat de la conformité des mesures prises pour faire cesser le danger, les agents de l'inspection du travail ont observé que des travaux avaient été réalisés le 2 décembre 2016. Par un courrier du 14 décembre 2016, le contrôleur du travail a informé la société Bottechia que la reprise du chantier avant autorisation de l'inspection du travail constituait une violation de la décision d'interruption des travaux l'exposant à une sanction administrative. A la suite du rapport établi le 14 avril 2017 par les agents de contrôle de l'inspection du travail, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a notifié à la société Bottechia, le 14 novembre 2017, une amende administrative d'un montant de 9 000 euros. Le 21 décembre 2017, le recours gracieux exercé le 25 novembre précédent par cette société a été explicitement rejeté. La société Bottechia relève appel du jugement du 9 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions des 14 novembre 2017 et 21 décembre 2017 et, d'autre part, à la réduction du montant de l'amende administrative infligée.

Sur la légalité de la décision du 14 novembre 2017 :

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'acte :

2. La société Bottechia reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que la décision du 14 novembre 2017 a été prise par une autorité incompétente. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Bordeaux.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'amende administrative prononcée :

3. Aux termes de l'article L. 4731-1 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2016 : " L'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 peut prendre toutes mesures utiles visant à soustraire immédiatement un travailleur qui ne s'est pas retiré d'une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, constituant une infraction aux obligations des décrets pris en application des articles L. 4111-6, L. 4311-7 ou L. 4321-4, notamment en prescrivant l'arrêt temporaire de la partie des travaux ou de l'activité en cause, lorsqu'il constate que la cause de danger résulte : / 1° Soit d'un défaut de protection contre les chutes de hauteur (...) ". L'article L. 4752-1 de ce code dispose que : " Le fait pour l'employeur de ne pas se conformer aux décisions prises par l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 en application des articles L. 4731-1 ou L. 4731-2 est passible d'une amende au plus égale à 10 000 euros par travailleur concerné par l'infraction. ".

4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du contrôle réalisé le 24 novembre 2016 sur le chantier du pôle culturel de Sauveterre-de-Guyenne, au cours duquel les agents de l'inspection du travail ont constaté que des salariés de la société Bottechia exécutaient des travaux en équilibre sur des plateformes posées sur des tréteaux, encombrées de pierres et dépourvues de dispositifs de protection contre les chutes de hauteur, les agents de l'inspection du travail ont notamment prescrit, en application de l'article L. 4731-1 du code du travail, l'arrêt temporaire des travaux en cause. Ayant relevé, lors de leur déplacement sur les lieux, le 6 décembre 2016, aux fins de délivrance de l'autorisation de reprise des travaux après constat de la conformité des mesures prises pour faire cesser le danger, que le chantier s'était poursuivi et que, notamment, des travaux avaient été réalisés le 2 décembre 2016 dans la zone concernée par la décision d'interruption des travaux, à laquelle la société Bottechia ne s'était ainsi pas conformée, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a pu légalement infliger à cette entreprise une amende sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 4752-1 du code du travail. Par suite, le moyen tiré de l'absence de fondement légal de la sanction prononcée doit être écarté.

En ce qui concerne le montant de l'amende administrative prononcée :

5. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'article L. 4752-1, inséré au titre V du livre VII de la quatrième partie du code du travail, prévoit que le fait pour l'employeur de ne pas se conformer aux décisions prises par l'agent de contrôle de l'inspection du travail en application de l'article L. 4731-1 est passible d'une amende au plus égale à 10 000 euros par travailleur concerné par l'infraction. Aux termes de l'article L. 4751-1 également inséré au même titre V du même code : " Les amendes prévues au présent titre sont prononcées et recouvrées par l'autorité administrative compétente dans les conditions définies aux articles L. 8115-4, L. 8115-5 et L. 8115-7, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 8115-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ".

7. Il appartient au juge administratif, statuant comme juge de plein contentieux sur une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, de faire application, le cas échéant, d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue.

8. En l'espèce et à ce titre, l'article 18 de la loi du 10 août 2018, entré en vigueur postérieurement à la date à laquelle les manquements reprochés ont été commis, a ajouté à la possibilité de sanctionner un manquement de l'employeur par une amende, seule ouverte jusque-là par l'article L. 8115-4 du code du travail, la possibilité, alternative, de prononcer à son encontre un simple avertissement, qui constitue, par rapport à l'amende, une sanction plus douce. Il s'ensuit que sont applicables en l'espèce les dispositions de l'article L. 8115-4 du code du travail, telles que citées au point 6 ci-dessus, dans sa rédaction résultant de la loi du 10 août 2018.

9. Si la société Bottechia a repris les travaux le 2 décembre 2016 en méconnaissance de la décision d'interruption temporaire qui lui avait été notifiée le 24 novembre précédent, il résulte de l'instruction qu'elle avait auparavant procédé à la mise en conformité des plateformes présentant un danger pour les salariés et informé l'administration de la sécurisation du chantier. Toutefois, non seulement la décision d'interruption des travaux mentionnait expressément que les travaux ne pourraient reprendre tant qu'une autorisation n'aurait pas été accordée par le contrôleur du travail après vérification de la conformité des mesures prises pour faire cesser le danger, mais il résulte également de l'instruction, notamment du rapport établi le 14 avril 2017 par les agents de contrôle de l'inspection du travail, que la société Bottechia a fait l'objet en 2014 pour des faits similaires d'une décision d'interruption d'un chantier lequel n'avait pu reprendre à l'issue d'une première visite en raison du caractère insuffisant des mesures prises. Après notamment qu'un des salariés de cette société a été victime, en septembre 2014, d'une chute de hauteur sur un chantier où les protections collectives et individuelles n'avaient pas été mises en place, l'inspection du travail a adressé plusieurs courriers d'observation à l'effet de rappeler à l'entreprise les dispositions réglementaires relatives à la prévention des risques de chute lors des travaux en hauteur. Si la société requérante soutient que sa situation financière ne lui permet pas de payer une amende d'un montant de 9 000 euros, il ressort des documents comptables versées au dossier que, alors que son résultat net était passé de + 27 842,99 euros en 2015 à - 51 173,48 euros en 2016 et à - 4 061,26 euros en 2017, il s'est établi à + 8 238 euros pour l'exercice clos en 2018 et à + 59 650 euros pour l'exercice clos en 2019. Dans ces conditions, et eu égard notamment à son comportement, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en lui infligeant une amende de 9 000 euros pour deux salariés, soit 4 500 euros par travailleur concerné, montant inférieur à la moitié du montant maximal prévu par les textes, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine aurait pris à son encontre une sanction disproportionnée.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, que la société Bottechia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à la société Bottechia une quelconque somme au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Bottechia est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Bottechia et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Copie en sera adressée pour information à la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2022.

La rapporteure,

Karine A...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX00512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00512
Date de la décision : 19/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DIROU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-19;20bx00512 ?
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