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18/10/2022 | FRANCE | N°21BX04042

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 18 octobre 2022, 21BX04042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté en date du 11 mai 2021 par lequel le préfet de la Martinique l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100295 du 24 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d

e la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté en date du 11 mai 2021 par lequel le préfet de la Martinique l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100295 du 24 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 26 octobre 2021

et 1er avril 2022, M. B..., représenté par Me Bâ, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat administratif de la Martinique du

24 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 11 mai 2021 du préfet de la Martinique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Martinique de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa demande, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à Me Bâ, au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier dès lors que rien ne justifie que l'audience se soit tenue par un moyen de communication audiovisuelle ; il n'est pas fait état du fondement légal permettant de mettre en œuvre cette procédure ; les conditions posées par l'article 2 de l'ordonnance

du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ne sont pas remplies ;

Sur la légalité de l'arrêté du 11 mai 2021 :

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- elle entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée suite au rejet de sa demande d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ancien article L. 743-1) dès lors qu'en l'absence de notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatride (OFPRA), son droit de se maintenir sur le territoire français n'avait pas pris fin ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est illégale dès lors qu'en l'absence de notification de la décision de l'OFPRA, son droit de se maintenir sur le territoire français n'avait pas pris fin ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée suite au rejet de sa demande d'asile et a méconnu l'étendue de sa compétence ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiqué au préfet de la Martinique qui n'a pas produit de mémoire en défense dans la présente instance.

M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision n° 2021/024731 du 2 décembre 2021.

Par ordonnance du 1er juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 août 2022.

Par courrier daté du 23 août 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office tirés, d'une part, de ce que les conclusions présentées par M. B... et tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2021 par laquelle le préfet de la Martinique a refusé de lui délivrer un titre de séjour sont irrecevables comme étant dépourvues d'objet et, d'autre part, de ce que les moyens tirés de l'insuffisante motivation des décisions d'obligation de quitter le territoire français et d'interdiction de retour sur le territoire français sont irrecevables car fondés sur une cause juridique distincte de ceux soulevés en première instance.

Un mémoire en réponse à ces moyens d'ordre public a été enregistré pour

M. B... le 26 août 2022 et communiqué au préfet de la Martinique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant haïtien né le 9 juin 1967, est entré en France le 30 octobre 2018, selon ses déclarations. Il a formulé une demande de réexamen de sa demande d'asile le 6 janvier 2020 qui a été rejetée comme irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatride (OFPRA) le 22 janvier 2020. Par arrêté du 11 mai 2021, le préfet de la Martinique l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel à fin d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et d'injonction à la délivrance d'un titre de séjour :

2. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Martinique n'a pas pris, dans l'arrêté du 11 mai 2021 en litige qui oblige M. B... à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, l'interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et fixe le pays de renvoi, de décision relative au séjour. Dans ces conditions, les conclusions présentées par M. B... et tendant à l'annulation de la décision lui refusant un titre de séjour sont irrecevables, faute d'objet. Ces conclusions qui d'ailleurs sont nouvelles en appel, doivent par suite être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction de délivrance d'un titre de séjour en exécution d'une annulation d'un refus de titre de séjour ne peuvent pas davantage être accueillies.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif applicable à la date du jugement attaqué : " I. - Sur décision du président de la formation de jugement insusceptible de recours, les audiences des juridictions de l'ordre administratif peuvent se tenir en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle permettant de s'assurer de l'identité des parties et garantissant la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. En cas d'impossibilité technique ou matérielle de recourir à un tel moyen, le juge peut, à leur demande, décider d'entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique, permettant de s'assurer de leur identité et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. Lorsqu'une partie est assistée d'un conseil ou d'un interprète, il n'est pas requis que ce dernier soit physiquement présent auprès d'elle. / II. - Dans les cas prévus au présent article, avec l'autorisation du président de la formation de jugement, les membres de la juridiction peuvent participer à l'audience depuis un lieu distinct de la salle d'audience en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle permettant de s'assurer de leur identité et garantissant la qualité de la transmission. Le président de la juridiction peut tenir lui-même ou autoriser un magistrat statuant seul à tenir l'audience par un moyen de télécommunication audiovisuelle depuis un lieu distinct de la salle d'audience. (...) Le greffe dresse le procès-verbal des opérations. (...). ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020 dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 13 mai 2020 et de l'article 2 de l'ordonnance du

18 novembre 2020 qu'elles ont pour objet, respectivement pour la période allant

du 12 mars 2020 à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020, et pour la période allant du 14 octobre 2020 à la date de la cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 1er de la loi du 14 novembre 2020, de permettre au président de la formation de jugement d'une juridiction relevant de l'ordre administratif de recourir, pour la tenue des audiences, à des moyens de télécommunication audiovisuelle permettant de certifier l'identité des personnes et d'assurer la qualité et la confidentialité des échanges. Il appartient au président de la formation de jugement de ne recourir à ces moyens dérogatoires de communication que pour autant que certaines parties ou leurs conseils ou encore certains membres de la formation de jugement ou le rapporteur public sont dans l'incapacité, pour des motifs liés à la crise sanitaire, d'être physiquement présents dans la salle d'audience et que la nature et les enjeux de l'affaire n'y font pas obstacle. En outre, lorsqu'il décide d'y recourir, il lui incombe de s'assurer que l'audience se déroule dans des conditions propres à satisfaire les exigences du caractère contradictoire de la procédure et le respect des droits de la défense. Enfin, si ces dispositions permettent également au président d'une juridiction d'autoriser un magistrat statuant seul à tenir une audience par un moyen de télécommunication audiovisuelle depuis un lieu distinct de la salle d'audience, tandis que celles de l'article 2 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 lui ouvrent également cette faculté pour les audiences qu'il préside lui-même, ces possibilités ne peuvent être mises en œuvre qu'à titre exceptionnel lorsque le président ou le magistrat sont, pour des motifs liés à la crise sanitaire, dans l'incapacité de tenir autrement cette audience et que la nature et les enjeux des affaires inscrites au rôle de l'audience imposent que l'audience se tienne sans délai et ne font pas obstacle à ce que l'audience se déroule ainsi.

5. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

6. Il ressort des termes du jugement attaqué que l'audience publique " s'est tenue par un moyen de communication audiovisuelle en présence de M. Minin, greffier d'audience ". Toutefois, le jugement, dont les visas ne font pas mention de l'ordonnance du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif, qui permettait dans les seules conditions précisées au point 3, de recourir de manière exceptionnelle à la tenue d'audiences dématérialisées, est entaché d'irrégularité. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par

M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 11 mai 2021 par lequel le préfet de la Martinique l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 mai 2021 :

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :

8. En premier lieu, les décisions contestées ont été signées par M. Antoine Poussier, secrétaire général de la préfecture de la Martinique, qui disposait d'une délégation

du 9 octobre 2020 à l'effet de signer notamment tous les arrêtés et décisions concernant les attributions de l'État dans le département de la Martinique à l'exception de ceux précisément énumérés par cet arrêté au nombre desquels ne figurent pas les décisions attaquées. En outre, l'arrêté du 9 octobre 2020 a été régulièrement publié, le même jour, au recueil n° R02-2020-227 des actes administratifs de la préfecture de la Martinique du 9 octobre 2020, soit antérieurement à l'arrêté du 11 mai 2021. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées sont entachées d'incompétence de leur auteur doit être écarté.

9. En second lieu, M. B... n'a invoqué dans sa demande présentée devant le tribunal administratif de la Martinique que des moyens tirés de l'illégalité interne des décisions attaquées. S'il soutient que les décisions d'obligation de quitter le territoire français et l'interdisant de retour sur le territoire sont insuffisamment motivées, ces moyens, fondés sur une cause juridique distincte et qui ne sont pas d'ordre public, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel et doivent être par suite écartés.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Aux termes de l'article L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent. ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; (...)/ 2° Lorsque le demandeur : (...) b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement ; c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; (...) ".

11. M. B... se prévaut de l'attestation de demande d'asile qui lui a été délivrée le 6 janvier 2020, valable jusqu'au 5 février 2020, et soutient que, n'ayant pas reçu notification d'une quelconque décision de l'OFPRA statuant sur sa demande d'asile, il disposait, en application des dispositions précitées de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de la mesure d'éloignement attaquée. Toutefois, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la demande de réexamen de la demande d'asile de M. B... a été rejetée par l'OFPRA le 22 janvier 2020 comme étant irrecevable. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit de se maintenir sur le territoire français de l'intéressé a pris fin dès que l'OFPRA a pris cette décision. Par suite, M. B... ne bénéficiait donc plus, en application de

l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la date de la mesure d'éloignement contestée, du droit de se maintenir sur le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour édicter à l'encontre de M. B... l'obligation de quitter le territoire français en litige, en raison du rejet de sa demande d'asile. Il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier que le préfet aurait pris la décision sans procéder à un examen sérieux de la situation de l'intéressé. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet se serait mépris sur sa compétence et n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de

M. B... doivent être écartés.

13. En troisième lieu, M. B... soutient qu'il a fui son pays, Haïti, en raison des craintes de persécutions personnelles eu égard au climat de violence qui y règne. Cependant, l'appelant ne produit au dossier aucun élément permettant de corroborer les risques qu'il dénonce, les articles de presse sur lequel il se fonde, par leur caractère général, étant à ce titre insuffisants. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans :

14. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision interdisant M. B... de revenir sur le territoire pendant une durée de deux ans serait illégale du fait de l'illégalité de la décision d'éloignement qui lui a été opposée ne peut qu'être écarté.

15. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. M. B... soutient que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect à sa vie privée et familiale dès lors qu'elle l'interdit de retour sur le territoire pour une durée de deux ans. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé avait déjà été débouté d'une première demande d'asile en 2010, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en 2013, et avait déjà fait l'objet d'une première décision d'éloignement le 4 juin 2013. De retour sur le territoire français en 2018, soit un peu plus de deux ans avant la date de l'arrêté attaqué, il ne justifie d'aucune attache en France ni d'aucune insertion particulière. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

17. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale du fait de l'illégalité de la décision d'éloignement qui a été opposée à l'appelant ne peut qu'être écarté.

18. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Selon les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. Comme indiqué au point 13, si M. B... soutient craindre, en cas de retour à Haïti, d'être persécuté en raison du climat de violence qui y règne, il n'établit pas, en l'absence de tout élément versé au dossier, qu'il encourait des risques actuels et personnels d'atteinte à sa vie ou à son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA, décision confirmée par

la CNDA, ainsi que sa demande de réexamen, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2021 du préfet de la Martinique. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 24 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de la Martinique et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

Héloïse C...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX04042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04042
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : BA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-18;21bx04042 ?
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