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18/10/2022 | FRANCE | N°21BX03978

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 18 octobre 2022, 21BX03978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la réduction des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701022 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a prononcé la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige établis au titre de l'année 2012 et a rejeté le surplus des conclusions

de la demande.

Procédure initiale devant la cour :

Par une requête enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la réduction des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701022 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a prononcé la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige établis au titre de l'année 2012 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure initiale devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2019 et un mémoire enregistré le 11 décembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 13 décembre 2018 ;

2°) de rétablir M. et Mme B... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 à hauteur du montant de la décharge prononcée en première instance de 762 342 euros.

Il soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le délai de prescription abrégé prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales s'appliquait aux rehaussements notifiés à M. et Mme B... au titre des bénéfices industriels et commerciaux ; en effet, la SNC Pharmacie des Cités Unies dont M. B... était associé, était bien adhérente d'un organisme de gestion agréé au sens de l'article 1649 quater H du code général des impôts mais les résultats de la société n'ont pas été rehaussés, l'administration s'étant bornée à rectifier les sommes portées par M. et Mme B... sur leur déclaration d'ensemble des revenus de l'année 2012 ; la mission de surveillance fiscale de l'organisme agréé ne s'étend pas à la déclaration d'ensemble des revenus.

Par un mémoire enregistré le 4 septembre 2019, M. et Mme B..., représentés par Me Valère-Landais, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 19BX01287 du 16 février 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête.

Par une décision n° 451666 du 20 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :

Par un mémoire enregistré le 26 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures.

Il soutient que :

- la réduction du délai de reprise ne s'applique qu'aux impôts et taxes qui ont fait l'objet d'un compte-rendu de mission ; en l'espèce, elle n'a pas lieu de s'appliquer, dès lors que la rectification litigieuse tient au défaut de déclaration, par le foyer fiscal, d'une partie de la quote-part du bénéfice provenant de la SNC Pharmacie des Cités Unies et de la plus-value professionnelle provenant de la vente du fonds de commerce de cette société à la société Gipharma ;

- la réduction du délai de reprise ne s'applique pas aux contribuables pour lesquels des pénalités autres que des intérêts de retard ont été appliquées, ce qui est le cas en l'espèce.

Par un mémoire enregistré le 12 mai 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Houillon, concluent aux mêmes fins que dans leurs précédentes écritures et, en outre, à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle dès lors qu'elle vise dans son dispositif un arrêt de la cour du 14 avril 2021 alors que l'arrêt qui faisait l'objet du pourvoi était du 16 février 2021 ;

- le jugement du tribunal doit être confirmé ; M. B... est bien adhérent d'un centre de gestion agréé ; la plus-value professionnelle fait partie des éléments sur lesquels le centre de gestion agréé doit exercer sa vigilance ; lorsque le centre effectue ses contrôles, il examine à la fois la déclaration 2031 mais également la déclaration d'ensemble du contribuable ; l'administration n'a pas expliqué en quoi la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts pouvait être qualifiée de pénalité au sens de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;

- de plus, la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; il n'y est pas mentionné sur quelles dispositions l'administration entendait se fonder pour refuser l'application de la prescription abrégée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme C... B... au titre des années 2012 et 2013, l'administration a notifié aux contribuables des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour un montant total de 766 733 euros au titre de l'année 2012 et de 52 963 euros au titre de l'année 2013. Après rejet de leur réclamation préalable, M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande tendant à la réduction de ces impositions. Par un jugement du 13 décembre 2018, le tribunal a prononcé la décharge à hauteur de 762 342 euros de ces impositions au titre de l'année 2012, au motif que le droit de reprise de l'administration était prescrit et a rejeté le surplus de leur demande. Le ministre fait appel de ce jugement en tant qu'il prononce la décharge partielle des impositions contestées.

2. Aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts ". Aux termes de l'article L. 169 du même livre dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration, pour les revenus imposables selon un régime réel dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles ainsi que pour les revenus imposables à l'impôt sur les sociétés des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, et des sociétés à responsabilité limitée, des exploitations agricoles à responsabilité limitée et des sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont l'associé unique est une personne physique, s'exerce jusqu'à la fin de la deuxième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable est adhérent d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée, pour les périodes au titre desquelles le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte rendu de mission prévu aux articles 1649 quater E et 1649 quater H du code général des impôts. Cette réduction de délai ne s'applique pas aux contribuables pour lesquels des pénalités autres que les intérêts de retard auront été appliquées sur les périodes d'imposition non prescrites visées au présent alinéa (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que si l'administration ne disposait, par dérogation à la règle fixée au premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, que d'un délai de reprise courant jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition était due pour rectifier les omissions, insuffisances ou erreurs affectant l'assiette ou la liquidation de l'impôt sur le revenu dû par les contribuables imposables selon un régime réel dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles ainsi que de l'impôt sur les sociétés dû par les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée et les sociétés à responsabilité limitée, exploitations agricoles à responsabilité limitée et sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée dont l'associé unique était une personne physique, lorsque le contribuable était adhérent d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée ayant donné lieu à l'émission d'un compte rendu de mission au titre des périodes concernées, ces dispositions ne trouvaient à s'appliquer, en ce qui concerne les entreprises soumises au régime fiscal des sociétés de personnes et dont les bénéfices sont taxables entre les mains de leurs associés à concurrence de leur quote-part, que pour les rectifications procédant d'une remise en cause du montant des bénéfices de la société. L'administration disposait d'un délai courant jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due pour procéder aux rectifications de l'impôt dû par l'associé qui ne procèdent pas d'une telle remise en cause.

4. Il résulte en l'espèce de l'instruction que la société Pharmacie des Cités Unies, société en nom collectif dont M. B... était associé à 50 %, qui exploitait une officine de pharmacie à Pointe-à-Pitre et n'avait pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, a cédé en 2012 son fonds à une société tierce dont M. B... détenait 90 % des parts. La société, qui était adhérente d'un organisme de gestion agréé, a déclaré, au titre de l'année 2012, des résultats dont la quote-part à prendre en compte par M. B... s'élevait à 287 068 euros ainsi qu'une plus-value de cession du fonds de commerce dont la quote-part revenant à M. B... s'établissait à 1 525 592 euros. Il résulte également de l'instruction que M. B... n'a déclaré, au titre de ses revenus de l'année 2012, qu'un montant de bénéfices industriels et commerciaux de 51 541 euros et n'a pas déclaré sa quote-part de la plus-value de cession du fonds. Les rehaussements en litige assignés à M. et Mme B... portent sur la fraction des bénéfices industriels et commerciaux déclarée par la société mais non déclarée par M. et Mme B..., soit 235 527 euros, et sur la quote-part de la plus-value, également déclarée par la société mais pas par M. et Mme B.... Ainsi, les rehaussements ne procèdent pas d'une remise en cause du montant des bénéfices déclarés par la société, que l'administration a au contraire retenus pour constater que la déclaration des revenus de M. et Mme B... comportait des insuffisances. Dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas entendu appliquer des pénalités correspondant à ces rehaussements, et dès lors que, contrairement à ce que soutiennent les intimés, la mission des organismes de gestion agréés ne concerne, en application des articles 1649 quater C et suivants, du code général des impôts, que les déclarations professionnelles de résultats de leurs adhérents et non la déclaration de l'ensemble des revenus des personnes physiques qui exercent l'activité professionnelle concernée, M. et Mme B... ne peuvent se prévaloir du délai de prescription abrégé prévu par les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Ainsi, le délai de reprise de l'administration, qui expirait le 31 décembre 2015, n'était pas prescrit lorsque la proposition de rectification du 15 juillet 2015 a été notifiée aux contribuables, le 18 juillet suivant.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la réduction des suppléments d'impôt contestés établis au titre de l'année 2012, au motif que le délai de reprise de l'administration était prescrit. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens invoqués par M. et Mme B....

6. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs pour lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

7. La proposition de rectification du 15 juillet 2015 expose pour chaque chef de rehaussement les textes et les éléments de fait sur lesquels l'administration a fondé les rectifications. Elle indique le montant de ces rectifications et leurs conséquences fiscales notamment pour l'année en litige et pour chacun des impôts concernés. Ces éléments, qui permettaient aux contribuables de présenter utilement leurs observations, satisfont aux exigences de motivation de l'article L. 57 précité du livre des procédures fiscales. Aucun texte ni aucun principe n'exige que l'administration indique dans la proposition de rectification les raisons pour lesquelles elle estime que son droit de reprise est le délai de reprise de droit commun.

8. Dans sa réponse aux observations des contribuables, l'administration s'est bornée à répondre à l'argumentation de M. et Mme B... tenant à la prescription du délai de reprise mais n'a pas modifié la base légale des rehaussements en litige. Ainsi, l'administration, qui n'a pas modifié le fondement légal du redressement, n'était pas tenue de procéder à l'envoi d'une nouvelle proposition de rectification.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a prononcé la réduction des suppléments d'impôt contestés établis au titre de l'année 2012.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demandent M. et Mme B... au titre des frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 13 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. et Mme B... présentées devant le tribunal administratif de la Guadeloupe tendant à la réduction des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 sont rejetées.

Article 3 : Les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dont le tribunal a prononcé la décharge à hauteur de 762 342 euros sont remis à la charge de M. et Mme B....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. et Mme C... B....

Une copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La présidente assesseure,

Claire ChauvetLa présidente rapporteure,

Elisabeth A...

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03978
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CABINET H AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-18;21bx03978 ?
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