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18/10/2022 | FRANCE | N°21BX03841

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 18 octobre 2022, 21BX03841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2021 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2101767 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée

le 1er octobre 2021, M. C... D..., représenté par Me Astié, demande à la cour :

1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2021 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2101767 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er octobre 2021, M. C... D..., représenté par Me Astié, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre aupréfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de

l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision a été signée par une autorité incompétente, les personnes précédant le signataire de l'acte dans la chaîne des délégations de signature n'étaient ni empêchées ni absentes, à la date à laquelle la mesure a été prise ;

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;

- l'autorité préfectorale n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision a été signée par une autorité incompétente, les personnes précédant le signataire de l'acte dans la chaîne des délégations de signature n'étaient ni empêchées ni absentes, à la date à laquelle la mesure a été prise ;

- la décision est privée de base légale en ce qu'elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

- la décision est privée de base légale en ce qu'elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire, illégale.

Par un mémoire, enregistré le 21 février 2022, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par M. C... D... ne sont pas fondés.

M. C... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- et les observations de Me Debril représentant M. C... D....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... C... D..., né le 7 juillet 1982, de nationalité nigériane, déclare être entré en France le 31 octobre 2018 et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 18 août 2020. Par un arrêté du 28 janvier 2021, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. C... D... relève appel du jugement du 30 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 28 janvier 2021 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... D... qui déclare être entré en France le 31 octobre 2018, s'est marié le 11 mai 2019 avec une ressortissante nigériane titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 25 juillet 2023. De cette relation est née une enfant

le 21 aout 2019. Il résulte des attestations versées au dossier que M. C... D... accompagne sa fille au service de la protection maternelle et infantile ainsi qu'à la crèche. En outre, son épouse est mère de deux autres enfants, nés de deux pères différents dont un de nationalité française. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'un courrier du 11 février 2020 de la directrice de l'école maternelle des Mondoux que M. C... amène et vient chercher la fille de son épouse qui est née en 2015 et est inscrite en moyenne section pour 2019-2020. En outre, il ressort des pièces du dossier et notamment du jugement du 11 septembre 2017 prononçant le divorce entre l'épouse de l'appelant et le père de son fils, enfant de nationalité française, que l'autorité parentale est exercée conjointement et que la résidence de l'enfant est fixée alternativement chez le père et chez la mère. Par un courrier du 6 février 2020, le père du fils de son épouse atteste de l'implication de M. C... D... dans l'éducation et le suivi du fils de son épouse, né en 2010. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment de deux attestations du centre social Saint-Exupéry des 10 février 2020 et 23 février 2021 que M. C... D... participe à des cours de français. Dans ces conditions, eu égard à l'ancienneté, à l'intensité et à la stabilité de la vie familiale de l'intéressé en France, et dès lors que son épouse, mère d'un enfant français dont le père est français, a vocation à demeurer en France et alors même que M. C... D... est père de quatre enfants, issus d'une précédente union, qui résident au Nigéria, et qu'il pourrait demander le bénéfice du regroupement familial, le refus de titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de ces motifs en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que la décision du 28 janvier 2021 par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé à M. C... D... la délivrance d'un titre séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lesquelles sont ainsi dépourvues de base légale.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que M. C... D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté

du 28 janvier 2021.

Sur les conclusions tendant à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu au présent arrêt, il y a lieu de prescrire au préfet de la Dordogne de délivrer à M. C... D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée au présent arrêt implique également que soit délivrée à M. C... D... une autorisation provisoire de séjour, dans l'attente de la délivrance d'un titre de séjour, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

7. M. C... D... a obtenu l'aide juridictionnelle et son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Astié, avocat de

M. C... D..., de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 juin 2021 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté

du 28 janvier 2021 du préfet de la Dordogne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne de délivrer à M. C... D... une autorisation provisoire de séjour et, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit.

Article 3 : L'Etat versera à Me Astié la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

Nathalie A...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03841 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03841
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-18;21bx03841 ?
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