Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge, en droits et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 à raison d'une plus-value de cession de droits sociaux.
Par un jugement n° 1800681 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 février 2020, M. et Mme A... B..., représentés par Me Dal Molin, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800681 du tribunal administratif de Bordeaux du 12 décembre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 à raison d'une plus-value de cession de droits sociaux, soit la somme de 87 582 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- sur le terrain de la loi fiscale, l'administration a méconnu les dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts et a eu tort de considérer que M. B... n'avait pas exercé des fonctions de direction normalement rémunérées ; elle n'a pas apporté la preuve, qui lui incombe, de l'anormalité de sa rémunération qui ne peut être considérée comme telle dans le contexte économique de l'entreprise ;
- sur le terrain de l'interprétation de la loi fiscale, l'administration a méconnu sa doctrine énoncée dans le paragraphe n° 155 de l'instruction administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI 20-30-3040 du 20 mars 2015 dès lors qu'une tolérance est prévue s'agissant du critère de rémunération au profit des dirigeants dont l'entreprise est en difficulté.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens développés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... était associé et gérant de la société à responsabilité limitée (SARL) Les Whiskies du Monde puis président de cette société transformée le 20 mai 2014 en société par actions simplifiée (SAS). Le 24 juillet 2015, il a cédé 1300 titres dégageant une plus-value de 627 430 euros et s'est prévalu, pour l'imposition de cette plus-value, du régime applicable aux dirigeants partant à la retraite, visé à l'article 150-0 D ter du code général des impôts. Dans leur déclaration de revenus de l'année 2015, les époux B... ont appliqué l'abattement correspondant et ont déclaré une plus-value de cession de droits sociaux imposable d'un montant de 48 276 euros. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, le service vérificateur a remis en cause l'abattement sollicité, a rehaussé le montant de la plus-value imposable et a notifié à M. et Mme A... B... une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu pour un montant total, en droits et pénalités, de 87 582 euros. M. et Mme A... B... relèvent appel du jugement du 12 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 à raison de cette plus-value de cession de droits sociaux.
Sur les conclusions en décharge :
2. Il résulte de l'instruction que M. B... a, en l'espèce, refusé les rectifications proposées par l'administration selon la procédure contradictoire. Dans ces conditions, l'administration supporte la charge de la preuve du bien-fondé des suppléments d'impôt en litige en application de l'article L. 194-1 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D ter du même code : " I.-1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions prévues au même article retirés de la cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement fixe de 500 000 € et, pour le surplus éventuel, de l'abattement prévu au 1 quater dudit article 150-0 D lorsque les conditions prévues au 3 du présent I sont remplies. 3. Le bénéfice des abattements mentionnés au 1 est subordonné au respect des conditions suivantes : (...) 2° Le cédant doit : a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° ; (...) ". Aux termes de l'article 885 O bis du même code : " Les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes : 1° Etre, soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions. Les fonctions énumérées ci-dessus doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts est subordonné au respect de plusieurs conditions relatives à la personne du cédant, tenant notamment à l'exercice effectif de fonctions de direction normalement rémunérées au sein de la société dont les titres sont cédés. Le caractère normal de la rémunération s'apprécie par année d'imposition.
5. Pour les cinq années précédant la cession de ses parts, M. B..., dont il n'est pas contesté qu'il exerçait les fonctions de gérant associé majoritaire puis de président de la société Les Whiskies du Monde, a perçu une rémunération, qu'il a déclarée comme revenu imposable provenant de la société dans la catégorie des traitements et salaires, de 4 771 euros pour l'année 2010, 7 209 euros pour l'année 2011, 2 514 euros pour l'année 2012, 10 231 euros pour l'année 2013 et 21 468 euros pour l'année 2014. Il résulte pourtant de l'instruction et notamment de sa réclamation contentieuse, que M. B... a déclaré, pour justifier de l'exercice continu des fonctions de direction pendant les cinq années précédant la cession, qu'il dirigeait quotidiennement la société pendant cette période, qu'il participait aux négociations avec les fournisseurs et clients, qu'il décidait de la politique commerciale et donnait des directives aux salariés pour la mise en œuvre de la politique commerciale qu'il avait préalablement définie. Pour l'exercice de ces fonctions, il a donc perçu une rémunération de 397 euros par mois en 2010, 600 euros en 2011, 209 euros en 2012, 852 euros en 2013 et 1 789 euros en 2014, tandis que les deux autres directeurs de l'entreprise, associés minoritaires, ont perçu des salaires annuels d'un montant nettement supérieurs à ceux de l'appelant, compris entre 24 000 euros et 79 000 euros. Dans ces conditions, et malgré les difficultés de trésorerie de la société au cours de cette même période, compte tenu du niveau symbolique de la rémunération attribuée à M. B... au regard des fonctions qu'il a soutenu remplir au sein d'une entreprise dont le chiffre d'affaires dépassait un million d'euros, l'administration apporte la preuve du caractère anormalement bas de cette rémunération. Par suite, c'est à bon droit que, sur le terrain de la loi fiscale, l'administration a remis en cause le bénéfice de l'abattement prévu par l'article 150-0 D ter du code général des impôts au motif que M. B... n'avait pas exercé des fonctions de direction normalement rémunérées au sein de la société Les Whiskies du Monde.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
6. Les requérants se prévalent, pour justifier de la faiblesse de la rémunération perçue par M. B..., des énonciations du paragraphe n° 155 de l'instruction administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI 20-30-3040 du 20 mars 2015 relatives aux critères de mise en œuvre des abattements prévus à l'article 150-0 D ter du code général des impôts alors que la société a rencontré des difficultés économiques.
7. Le paragraphe n° 155 de l'instruction référencée BOI-RPPM-PVBMI 20-30-3040 publiée au Bofip-Impôts du 20 mars 2015, relatif au " cas du dirigeant d'une entreprise en difficulté ", indique : " Il est admis que les abattements prévus à l'article 150-0 D ter du CGI ne soient pas remis en cause à raison du niveau de rémunération du dirigeant lorsque la société dont les titres ou droits sont cédés a rencontré des difficultés économiques, commerciales ou financières (diminution du chiffre d'affaires, réduction des marges, charges financières excessives, etc.) de nature à justifier que le cédant n'ait pas perçu de rémunération normale au cours des cinq années précédant la cession pour l'ensemble des fonctions de direction qu'il exerce au sein de cette société et des autres sociétés du même groupe ".
8. Il résulte de l'instruction que durant la période de 2010 à 2014, le chiffre d'affaires de la société Les Whiskies du Monde apparaît en augmentation constante, passant comme l'a à juste titre retenu le tribunal, de 1 365 346 euros en 2010 à 3 589 741 euros en 2014. Quant au résultat comptable de l'entreprise, il est, en dehors de l'année 2010, largement positif et également en nette augmentation entre l'année 2011 et l'année 2014 passant de 55 272 euros à 304 621 euros. La société, qui a eu recours à une augmentation de capital de 20 000 euros en 2012 pour pallier une situation dégradée en matière de trésorerie, a donc conforté sur la période considérée sa bonne santé financière, présentant une marge commerciale très importante de 1 621 188 euros en 2014 et permettant d'ailleurs à M. B... de réaliser une plus-value très importante d'un montant de 500 000 euros lors de la cession de ses titres en 2015. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la société ait rencontré des difficultés économiques de nature à justifier que le cédant n'ait pas perçu de rémunération normale au cours des cinq années précédant la cession. Par suite, comme l'a à juste titre estimé le tribunal, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'application de l'instruction citée au point 7.
9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux, par le jugement attaqué, a rejeté leur demande de décharge, en droits et majorations, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 à raison d'une plus-value de cession de droits sociaux.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme B... de la somme qu'ils demandent sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
La rapporteure,
Héloïse C...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°20BX00619