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11/10/2022 | FRANCE | N°21BX04216

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 11 octobre 2022, 21BX04216


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2021 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 2100676 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2021, et un mémoires enregistré le 10 mai 2022, M. I..., représenté par Me Michel, demande à la cour :

1°) d'annuler

le jugement n° 2100676 du 14 septembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2021 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 2100676 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2021, et un mémoires enregistré le 10 mai 2022, M. I..., représenté par Me Michel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100676 du 14 septembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2021 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il doit être justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;

- la motivation de la décision administrative est insuffisante et est fondée sur des éléments erronés ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3 alinéa 1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ; il ne peut contester ne pas entretenir de communauté de vie avec Mme F... puisqu'il est en instance de divorce ;

- malgré cette situation difficile dans sa vie privée, il souhaite garder le lien avec ses filles, il a d'ailleurs fait une demande pour obtenir un droit de visite et d'hébergement ; par ordonnance du 17 mai 2021, le tribunal judiciaire d'Agen constatait l'exercice conjoint de l'autorité parentale à l'égard des enfants mineurs C... et B...; un arrêt rendu par la chambre familiale de la cour d'appel d'Agen du 24 novembre 2021 l'a condamné au paiement de la somme mensuelle de 25 euros par enfant ; il ne peut être contesté qu'il contribue tant à l'entretien de ses filles qu'à leur éducation ; il a quitté son pays à l'âge de 17 ans, sans y avoir jamais travaillé ; il n'est jamais retourné dans son pays d'origine depuis ; il n'a jamais réussi à garder les liens avec la famille que le jugement du tribunal administratif lui prête ; depuis son incarcération, il n'a aucun lien avec sa famille restée au Maroc ; il a de nombreux cousins en France ; il justifie avoir travaillé et ne peut le faire pour le moment en l'absence de titre.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2022, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. I... ne sont pas fondés.

Par une décision du 20 janvier 2022, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. I....

Par un courrier en date du 7 septembre 2022 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office tiré de ce que compte tenu de l'absence de moyen de légalité externe soulevé en première instance à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, ressortissant d'une cause juridique nouvelle en appel, est irrecevable à l'encontre de celle-ci.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme H... D....

Considérant ce qui suit :

1. M. I..., ressortissant marocain, déclare être entré en France en 2001. Il s'est vu délivrer du 27 janvier 2004 au 26 janvier 2006 un titre de séjour en qualité de conjoint de français, puis une carte de résident valable du 27 janvier 2006 au 26 janvier 2016. Divorcé en 2006, M. I... a été incarcéré du 15 septembre 2007 au 4 août 2018 pour exécuter une peine de réclusion criminelle de 15 ans, à la suite de sa condamnation, le 16 mai 2011, par la cour d'assises d'appel de la Sarthe pour des faits de viols. L'interdiction définitive du territoire français qui lui a été infligée par la cour d'assises d'appel de la Sarthe a été relevée par arrêt de la cour d'appel d'Angers en date du 14 août 2019. Pendant sa détention, il s'est marié le 8 juin 2018 avec Mme F..., de nationalité française, avec laquelle il a eu deux filles, nées en 2015 et 2018. Le 8 janvier 2020, il a sollicité du préfet de Lot-et-Garonne la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, rejetée par arrêté du 20 janvier 2021. M. I... relève appel du jugement n° 2100676 du 14 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 janvier 2021.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été signé par M. Tanguy, secrétaire général de la préfecture de Lot-et-Garonne. Par un arrêté du 31 août 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 47-2020-163 du 14 décembre 2020, le préfet de Lot-et-Garonne a donné à M. E..., délégation de signature aux fins de signer, notamment, les décisions de refus de délivrance de titres de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, le moyen de légalité externe tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour, non soulevé en première instance, relève d'une cause juridique distincte et ne peut, par suite, qu'être écarté comme irrecevable.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (... )/ 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est père de deux enfants mineures de nationalité française nées de sa relation avec Mme F..., avec laquelle il est en instance de divorce. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, à la date de sa demande de titre de séjour, le 15 octobre 2020, réside à Marmande, dans un appartement de deux pièces, alors que la mère de ses filles habite A.... M. I... n'établit pas avoir versé des contributions pécuniaires destinées à l'entretien des enfants, ni participé à leur éducation, en se bornant à produire quelques photos de ses filles, des factures non nominatives et des étiquettes d'achats de vélos et d'articles pour enfants, ainsi que trois attestations peu circonstanciées et, excepté l'une, non datées de personnes dont la qualité n'est pas précisée. De tels éléments sont insuffisants pour établir la contribution de l'intéressé à l'éducation et l'entretien de ses filles à la date à laquelle le préfet a pris sa décision. L'ordonnance de non-conciliation du 17 mai 2021 du tribunal judiciaire d'Agen, au demeurant postérieure à l'arrêté attaqué, par laquelle le juge aux affaires familiales fixe l'autorité parentale conjointe, le droit de visite du requérant à deux weekends par mois, par moitié en alternance aux vacances scolaires et la contribution financière mensuelle du père à l'entretien et à l'éducation de C... et B... à 260 euros, ramenée le 24 novembre 2021 par la cour d'appel d'Agen à la somme de 50 euros, à la suite du recours en appel exercé par le requérant, n'est pas en elle-même de nature à établir la contribution effective à l'éducation et l'entretien de ses enfants à la date de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le préfet a fait une exacte application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant la demande de titre dont il était saisi.

6. En quatrième lieu, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. I... contribue à l'entretien et à l'éducation de ses filles ni qu'il ait, de façon plus générale, établi avec elles une relation particulière, l'arrêté en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en vertu duquel l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si M. I... fait valoir qu'il est présent sur le territoire français depuis 2002 et qu'il n'a plus de lien avec sa famille, restée au Maroc, il ne produit aucune pièce de nature à établir qu'il a résidé en France avant 2004, année au cours de laquelle il s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de français, ni qu'il serait dépourvu de toute attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 21 ans et où résident ses parents et sa fratrie. Ainsi qu'il a été dit au point 5, par les pièces produites, il n'établit pas contribuer effectivement à l'éducation et l'entretien de ses enfants, ni même entretenir avec ces derniers des liens d'une particulière intensité. Il ne démontre pas davantage les liens qu'il aurait développés avec des cousins installés en France. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné le 16 mai 2011 à 15 ans de réclusion criminelle par la cour d'assises d'appel de la Sarthe, pour trois viols commis en 2007. Compte tenu de ses conditions de séjour en France, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de Lot-et-Garonne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... I... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 octobre 2022.

La rapporteure,

Bénédicte D...La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX04216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04216
Date de la décision : 11/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : GALY ET ASSOCIES SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-11;21bx04216 ?
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