Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et Mme H... B..., épouse C... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision n° 18/1457 du 26 décembre 2018 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier s'est opposée au projet de division de la parcelle cadastrée section CZ 63 à Saint-Louis leur appartenant.
Par un jugement n° 1900217 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2020, régularisée le 23 septembre 2020, un mémoire en production de pièces enregistré le 24 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 22 juin 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Lauret, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 3 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision n° 18/1457 du 26 décembre 2018 de la commission départementale d'aménagement foncier de La Réunion ;
3°) de mettre à la charge de la commission départementale d'aménagement foncier de La Réunion la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision de la commission est intervenue au-delà du délai de trois mois qui lui était imparti à réception d'un dossier complet pour statuer en application de l'article R. 181-28 du code rural et de la pêche maritime issu de l'article 4 du décret n° 2012-824 du 26 juin 2012 ; une décision tacite d'autorisation est donc intervenue ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; le projet de division ne morcellerait pas la parcelle agricole ; en effet, après examen au comité d'orientation stratégique et de développement agricole le 9 octobre 2018, le directeur de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt par délégation du préfet, a notifié, le lendemain, l'absence d'impact du projet de morcellement au regard du contrôle des structures ; par ailleurs, contrairement à ce qui a été retenu par la décision contestée, l'unité foncière dans sa dimension d'exploitation agricole n'est absolument pas affectée puisque celle-ci sera poursuivie par un seul des copropriétaires au terme d'un bail rural encore en cours et que les donataires entendent poursuivre sans avoir vocation à être agriculteurs ; en l'absence du congé du propriétaire devant être délivré 18 mois avant la date anniversaire, soit au plus tard en janvier 2019, le bail au profit de Mme I... G... A... fille des requérants a été reconduit en application des articles L. 461-11 et L. 181-32 du code rural et de la pêche maritime pour une nouvelle durée de 9 années garantissant ainsi la pérennité de l'exploitation agricole pour les années à venir ; tant que dure le bail en cours, chacun des enfants lmboula est considéré comme bailleur de tout le bien loué ; de même, la division par lot d'un hectare n'expose nullement l'unité à une quelconque spéculation foncière, aucune perspective de déclassement n'étant à envisager dans la zone concernée ; le projet de division demeure en parfaite adéquation avec l'objectif de protection de l'unité agricole, puisque finalement la division n'affecte que les droits de propriété et non l'unité agricole elle-même dont l'exploitation de canne à sucre se poursuivra à l'identique ; à l'évidence, toutes les parcelles constituant la section CZ du plan cadastral de la commune de Saint-Louis sont dans une zone à vocation agricole ;
- cette décision crée une rupture d'égalité et une distorsion entre les citoyens propriétaires fonciers de la section CZ du plan cadastral de la commune de Saint-Louis ;
- la décision attaquée est devenue illégale en raison de l'expiration du schéma directeur régional des exploitations agricoles.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 avril 2021 et le 14 avril 2022, le département de La Réunion, représenté par Me Hiriart, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. et Mme C... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 mai 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2011-1609 du 22 novembre 2011 portant approbation du schéma d'aménagement régional de La Réunion ;
- le décret n° 2012-824 du 26 juin 2012 relatif à la mise en œuvre de la préservation des terres agricoles, à la mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous-exploitées et au contrôle du morcellement des terres agricoles dans les départements d'outre-mer et de Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin ;
- la délibération du 7 novembre 2012 par laquelle le conseil général a défini les périmètres soumis au contrôle du morcellement des terres agricoles à La Réunion par la commission départementale d'aménagement foncier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... F...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique. ;
- et les observations de Me Hiriart, représentant le département de La Réunion.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... ont souhaité procéder à la division de la parcelle agricole cadastrée section CZ 63 à Saint-Louis dont ils sont propriétaires, d'une superficie de 5 ha 50 a 81 ca et exploitée par leur fille G... C... suivant bail à ferme en date du 1er juillet 2011, en vue de la partager entre leurs cinq enfants dans le cadre d'une donation. Ils ont procédé, le 9 avril 2018, à une déclaration préalable de division du terrain en application de l'article R. 181-14 du code rural et de la pêche maritime. Ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif de la Réunion du 3 juillet 2020 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision n° 18/1457 du 26 décembre 2018 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Réunion qui s'est opposée à ce projet de division parcellaire.
2. Aux termes de l'article L. 181-31 du code rural et de la pêche maritime : " Est soumise à déclaration préalable la division volontaire, en propriété ou en jouissance, des parcelles situées dans les périmètres délimités par décision motivée du président du conseil général. / Ces périmètres ne peuvent être établis qu'à l'intérieur des zones suivantes : / 1° Projets d'intérêt général d'irrigation et de mise en valeur agricole ; / 2° Zones agricoles protégées mentionnées à l'article L. 112-2 ; / 3° Zones dont la vocation agricole est prévue par le schéma d'aménagement régional mentionné à l'article L. 4433-8 du code général des collectivités territoriales (...) ". Aux termes de l'article L. 181-32 de ce code : " La déclaration prévue à l'article L. 181-31 est adressée au président de la commission départementale d'aménagement foncier mentionnée à l'article L. 121-8. Cette commission peut, dans un délai déterminé par voie réglementaire, s'opposer à la division si celle-ci, par son importance, le nombre de lots ou les travaux qu'elle entraîne, est susceptible de compromettre gravement le caractère agricole et naturel des espaces, les conditions d'exploitation normale ou le maintien de l'équilibre économique du terroir concerné ou d'une filière. Si aucune opposition n'est exprimée dans ce délai, le déclarant peut procéder librement à la division (...) ". Aux termes de l'article R. 181-28 du même code : " Le délai mentionné à l'article L. 181-32 dont dispose la commission départementale d'aménagement foncier pour se prononcer est de trois mois à compter de la réception du dossier complet de déclaration (...) ". La parcelle cadastrée CZ 63 en litige est située dans la zone à vocation agricole arrêtée par le schéma d'aménagement régional adopté le 22 novembre 2011 et dans le périmètre hydro-agricole du Bras de Cilaos soumis au contrôle du morcellement des terres agricoles à La Réunion en vertu d'une délibération du 7 novembre 2012 du conseil général de La Réunion. Elle est ainsi soumise au contrôle du morcellement des terres agricoles conformément à l'ordonnance n° 2011-864 du 22 juillet 2011 relative à la protection et à la mise en valeur des terres agricoles dans les départements d'outre-mer et au décret n° 2012-824 du 26 juin 2012.
3. En premier lieu, M. et Mme C... reprennent en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que le délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 181-28 du code rural et de la pêche maritime était expiré à la date à laquelle la commission départementale d'aménagement foncier a pris la décision attaquée. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 466-11 du code rural et de la pêche maritime " Tout preneur a droit au renouvellement de son bail, sauf (...) 2° Si le bailleur invoque un droit de reprise (...) ; ".
5. De première part, il ressort des pièces du dossier que le partage de la parcelle CZ 63, située en zone agricole, tend à la création de cinq lots, quatre d'une superficie d'un hectare et un d'une superficie de 1 hectare et 50 ares. L'arrêt de l'exploitation d'un seul de ces lots serait de nature à compromettre gravement l'équilibre économique du terroir concerné dès lors que le seuil de rentabilité d'une parcelle de canne à sucre a été fixé à 6 hectares par l'article 9 du schéma directeur des exploitations agricoles dûment applicable à la date de la décision attaquée. C'est à cet égard sans portée utile que les requérants font valoir que ce schéma, adopté le 3 mai 2017, est devenu caduc 5 ans après son intervention et que l'administration serait, au demeurant, tenue d'abroger cet acte réglementaire devenu illégal.
6. De seconde part, dès lors qu'à l'expiration du bail rural, les cohéritiers mais également leur conjoint, partenaire de PACS ou descendants majeurs ou mineurs émancipés, pourront donner congé à l'actuelle preneuse pour récupérer la pleine jouissance de leurs biens, l'arrêt de l'exploitation constitue un risque effectif de nature à compromettre gravement l'équilibre économique du terroir concerné. Les requérants soutiennent certes que l'unité foncière dans sa dimension d'exploitation agricole n'est pas affectée car s'ils sont donataires des lots, ils n'exercent pas la profession d'agriculteur et ont entendu poursuivre le bail en cours avec l'exploitante. Ils ajoutent qu'en l'absence du congé du propriétaire délivré 18 mois avant la date anniversaire, soit au plus tard en janvier 2019, ce bail a été reconduit en application des articles L. 461-11 et L. 181-32 du code rural et de la pêche maritime pour une nouvelle durée de 9 années. Toutefois, il n'est pas établi que le bail ait été reconduit en janvier 2019 dès lors que les requérants n'ont produit que la promesse de bail datée du 1er juillet 2011 et non le bail lui-même. En outre, alors que la commission départementale d'aménagement foncier leur avait demandé de produire un nouveau projet de bail à ferme, celui-ci n'a jamais été communiqué à l'administration. Dès lors, la pérennité de l'exploitation agricole n'est pas assurée, et ce alors même que le comité d'orientation stratégique et de développement agricole a considéré, le 9 octobre 2018, l'absence d'impact du projet de morcellement au regard du contrôle des structures.
7. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait, de droit, ou d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 181-32 du code rural et de la pêche maritime.
8. En dernier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Si les requérants soutiennent que la décision attaquée crée une rupture d'égalité entre les propriétaires fonciers de la section CZ du plan cadastral de la commune de Saint-Louis dès lors que des divisons parcellaires d'unités foncières beaucoup plus conséquentes n'ont pas été considérées comme du " morcellement " pouvant compromettre gravement le caractère agricole des terrains et remettre en cause les conditions d'exploitation, la superficie différente des parcelles de ce secteur, dont résulte la possibilité que leur division ne compromette pas l'équilibre économique de l'exploitation, justifie cette différence de traitement qui est en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à ce que la commission départementale d'aménagement foncier de La Réunion soit condamnée au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C... la somme d'argent que demandent la commission départementale d'aménagement foncier de La Réunion et le département de La Réunion au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions du département de La Réunion est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... C... et au département de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Nicolas Normand, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022.
Le rapporteur,
Nicolas F...
La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20BX02944