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06/10/2022 | FRANCE | N°20BX03023

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 06 octobre 2022, 20BX03023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... B... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel le recteur de l'académie de Bordeaux l'a suspendue de ses fonctions à titre conservatoire jusqu'au 7 juillet 2018, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1805209 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 8 septembre

2020, le 10 mars 2021 et le 7 juillet 2022, Mme B... E..., représentée par Me Crecent, dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... B... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel le recteur de l'académie de Bordeaux l'a suspendue de ses fonctions à titre conservatoire jusqu'au 7 juillet 2018, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1805209 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 8 septembre 2020, le 10 mars 2021 et le 7 juillet 2022, Mme B... E..., représentée par Me Crecent, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de Bordeaux du 11 juin 2018, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Bordeaux de réexaminer sa candidature aux contrats à durée déterminée dans l'académie de Bordeaux et de lui confirmer qu'elle est inscrite dans le logiciel ACCLOE permettant de postuler aux contrats ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur sa demande tendant à la confirmation de son inscription dans le logiciel ACCLOE ;

- l'auteur de la décision en litige ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ;

- les faits qui ont justifié sa suspension étaient partiellement erronés dès lors qu'elle n'a jamais abandonné sa salle de classe mais s'est seulement rendue dans l'arrière-salle afin de joindre par téléphone la vie scolaire ;

- le recteur de l'académie de Bordeaux ne s'est pas fondé sur des éléments de preuve suffisants et ne pouvait en conclure que les faits qui lui étaient reprochés présentaient un caractère de vraisemblance suffisant ;

- aucune procédure disciplinaire ou pénale n'a été engagée à son encontre, et dans les faits, la mesure n'avait pas de caractère conservatoire ;

- le recteur a détourné la procédure de suspension afin de ne pas avoir à mettre en place une procédure de licenciement ni de procédure contradictoire ;

- la durée de la mesure de suspension est disproportionnée ;

- cette suspension est en réalité une sanction disciplinaire dès lors qu'il est précisé que son contrat de travail ne sera pas renouvelé, et qu'aucun contrat de travail ne lui a été proposé depuis.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2022, la rectrice de l'académie de Bordeaux conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de Mme B... E... ne sont pas fondés.

Mme B... E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 2 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... C...,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... E... a été engagée par le rectorat de l'académie de Bordeaux dans le cadre d'un contrat à durée déterminée pour assurer des fonctions de professeure de sciences et vie de la terre entre le 7 mai et 7 juillet 2018 au sein du collège " Porte du Médoc " à Parempuyre. Par un arrêté du 11 juin 2018, le recteur de l'académie de Bordeaux a suspendu Mme B... E... de ses fonctions, à titre conservatoire, jusqu'au 7 juillet 2018. Mme B... E... relève appel du jugement du 6 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du point 10 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que son jugement n'appelait aucune mesure d'exécution dès lors que les conclusions à fin d'annulation de Mme B... E... étaient rejetées. Les premiers juges ont ainsi entendu se prononcer sur l'ensemble des conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante, alors même qu'ils n'ont pas repris explicitement ses conclusions tendant à la confirmation de son enregistrement dans le logiciel ACCLOE dans ce point 10. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier sur ce point doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 juin 2018 :

3. En premier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le recteur de l'académie de Bordeaux a, par un arrêté du 15 février 2016, régulièrement publié le 18 février suivant au recueil des actes administratifs n° 2016-18 de la préfecture de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, donné délégation à Mme Claude Gaudy, secrétaire générale adjointe de l'académie de Bordeaux déléguée aux relations et aux ressources humaines, signataire de l'arrêté du 11 juin 2018 et du courrier accompagnant cet arrêté, à l'effet de signer la correspondance et les documents concernant les questions relevant de sa direction en cas d'absence ou d'empêchement de M. F... A.... Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier n'aurait pas été absent ou empêché à la date de l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 43 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " En cas de faute grave commise par un agent non titulaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité définie à l'article 44. La durée de la suspension ne peut toutefois excéder celle du contrat (...) ". La suspension d'un agent contractuel peut légalement intervenir, dans l'intérêt du service, dès lors que les faits relevés à l'encontre de l'agent présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier une telle mesure. Cette mesure conservatoire, sans caractère disciplinaire, a pour objet d'écarter l'agent du service pendant la durée nécessaire à l'administration pour tirer les conséquences de ce dont il est fait grief à l'agent.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des différents courriels adressés par le principal du collège au rectorat de l'académie de Bordeaux, que Mme B... E... a rencontré d'importantes difficultés dans la gestion de ses classes dès le début de sa prise de fonctions, en particulier avec les classes de quatrième et de troisième. Une inspection a d'ailleurs été diligentée dès le douzième jour de son contrat afin de prodiguer à Mme B... E... des conseils sur ce point. La situation s'est toutefois fortement dégradée dès le 30 mai 2018, soit seulement deux jours après cette inspection, lors d'un cours avec une classe de troisième, que la requérante reconnaît avoir dû interrompre plusieurs fois en raison de chants émanant d'une quinzaine d'élèves et de jets de projectiles. Si Mme B... D... conteste avoir quitté la salle de classe et soutient s'être seulement rendue dans l'arrière-salle afin de joindre par téléphone les surveillants du collège, les élèves ont toutefois été laissés sans surveillance, et il n'est pas contesté que deux d'entre eux sont sortis de la classe afin de prévenir les agents du bureau de la vie scolaire au cours de cette absence. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a tenu auprès de ses élèves de troisième des propos inappropriés, compte tenu notamment du jeune âge de ce public, et ce alors même que lesdits propos auraient été prononcés sur le ton de l'humour ou de manière plus mesurée que ce qui a été rapporté par ces élèves. Ces éléments, qui révèlent les graves difficultés rencontrées par Mme B... E... dans la gestion de ses classes, sont corroborés par l'ensemble des pièces du dossier, et notamment les écritures de l'intéressée qui fait état elle-même des difficultés récurrentes qu'elle a rencontrées. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les faits reprochés à la requérante présentaient, à la date de l'arrêté en litige, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier qu'une mesure de suspension soit prise à son égard.

6. En troisième lieu, la légalité d'une mesure de suspension s'apprécie au seul regard des circonstances de fait et de droit existant à la date de son édiction. Ainsi, la circonstance que des poursuites disciplinaires n'ont pas été engagées à l'encontre de Mme B... E... est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 11 juin 2018. Par ailleurs, la suspension de la requérante jusqu'à la fin de son contrat de travail, soit jusqu'au 7 juillet 2018, n'est pas disproportionnée eu égard au motifs pour lesquels cette mesure a été prise, soit l'intérêt du service et la sécurité des élèves. L'arrêté litigieux ne peut ainsi être regardé comme ayant été adopté dans le but de ne pas engager une procédure de licenciement et de dispenser l'administration de son obligation de préavis, contrairement à ce que soutient Mme B... E.... Enfin, la durée de la suspension, qui n'a pas excédé celle du contrat de travail de la requérante, n'a pas eu pour effet de " réglementer la période postérieure au contrat ". Par suite, les moyens tirés de l'absence de procédure disciplinaire et du non-respect des stipulations du contrat de travail relatives à la procédure de licenciement, en particulier celles relatives à l'obligation d'un préavis, doivent être écartés comme inopérants.

7. Enfin, il ressort des termes du courrier accompagnant l'arrêté du 11 juin 2018 portant suspension de Mme B... E... à titre conservatoire que cette dernière a été informée de ce que son contrat de travail ne serait pas renouvelé en raison des manquements graves relevés à son égard dans l'exercice de son activité. Outre que ces mentions sont suffisamment précises, la seule circonstance que la requérante ne s'est pas vu proposer de contrat de travail depuis ce courrier ne saurait révéler qu'elle a fait l'objet d'une sanction administrative déguisée, contrairement à ce qu'elle soutient. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... B... D... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Bordeaux

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.

La rapporteure,

Charlotte C...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20BX03023 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03023
Date de la décision : 06/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CRECENT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-06;20bx03023 ?
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