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04/10/2022 | FRANCE | N°21BX04366

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 octobre 2022, 21BX04366


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101375 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2021, M. C...

A..., représenté par Me Taj, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101375 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2021, M. C... A..., représenté par Me Taj, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 octobre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 23 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre à toute autorité administrative compétente de lui délivrer titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente en l'absence de justification d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation et révèle un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 11 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, les dispositions de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et les stipulations du paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation en l'absence de moyen de fait et de droit spécifique à la mesure d'éloignement ;

- elle est illégale pour les autres motifs invoqués précédemment à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale, en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la déclaration universelle des droits de l'homme des Nations-Unies ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, a été entendu le rapport de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant pakistanais né le 1er novembre 2002, qui déclare être entré en France en janvier 2019, a, le 16 octobre 2020, sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Par un arrêté du 23 juillet 2021, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'issue de ce délai. M. A... a demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 28 octobre 2021 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, à l'appui de son moyen tiré de ce que les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français auraient été prises par une autorité incompétente, M. A... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, la décision par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur la base desquelles elle a été prise et satisfait ainsi à l'exigence de motivation posée par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code de relations entre le public et l'administration. Il résulte en outre des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsque l'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour avec laquelle elle se confond. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dirigé contre les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui a été dit au point précédent, que le préfet de la Haute-Vienne n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. A... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour et lui faire obligation de quitter le territoire français.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprend les anciennes dispositions de l'article L. 313-15 du même code : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé en France à l'âge de 16 ans et a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du conseil départemental de la Haute-Vienne par une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République de Limoges du 28 février 2019 et une tutelle d'Etat a été ouverte, par une ordonnance du 4 septembre 2020, rectifiée le 23 septembre suivant, par le juge des tutelles du tribunal judiciaire de Limoges, déférée au même conseil départemental. Si le requérant, après avoir été scolarisé en classe allophone au lycée Gay Lussac de Limoges, a suivi des ateliers de découverte des métiers et s'il bénéficiait en dernier lieu d'une promesse d'embauche au sein de la société Asian Shop pour exercer un emploi de responsable de magasin pour lequel il a obtenu un avis favorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) le 20 janvier 2021, il n'a pas justifié avoir suivi une formation pendant aux moins six mois destinée à lui apporter une qualification professionnelle. En outre, le rapport rédigé le 14 octobre 2020 par l'association Eugène Varlin au sein de laquelle il a été accueilli, fait état notamment de plusieurs absences du requérant lors de sa scolarité, malgré les avertissements du personnel encadrant. Enfin, M. A..., qui a déclaré être entré en France à l'initiative de ses parents pour échapper à la menace terroriste dont sa famille était menacée au Pakistan, n'établit pas ne plus avoir de relation avec eux. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne aurait, en refusant de faire droit à la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A..., entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En cinquième lieu, si le préfet de la Haute-Vienne a notamment relevé que M. A... av été interpellé le 8 mars 2021 par la police aux frontières de Limoges avec son employeur qui avait sollicité une autorisation de travail à son profit ainsi que plusieurs ressortissants pakistanais et qu'il s'est vu notifier à l'issue de son audition une convocation en justice pour les faits d'emploi en bande organisée d'étranger non muni d'une autorisation de travail salarié, d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un Etat partie à la convention de Schengen en bande organisée, de conduite d'un véhicule sans permis, d'escroquerie réalisée en bande organisée, d'usage de faux document administratif constatant un droit une identité ou une qualité ou accordant une autorisation, et de détention frauduleuse de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, ou accordant une autorisation, il n'a pas pour autant estimé que la présence de l'intéressé constituerait une menace pour l'ordre public faisant obstacle, en application de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la délivrance d'une carte de séjour temporaire. Il s'ensuit que M. A... qui indique n'avoir fait l'objet d'aucune condamnation pénale pour ces faits, ne peut utilement soutenir que le principe de la présomption d'innocence aurait été méconnu. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, des stipulations du paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que, en tout état de cause, de celles de l'article 11 de la déclaration universelle des droits de l'homme, ne peut être accueilli.

8. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par ces stipulations, doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. A... est entré en France en janvier 2019, à l'âge de 16 ans. Le requérant n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de considérer qu'il y aurait installé depuis le centre de ses intérêts privés et qu'il y aurait tissé des liens, alors qu'il est constant que ses parents résident au Pakistan. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Vienne, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, ne saurait être regardé comme ayant porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

10. En septième lieu, pour les raisons évoquées précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne aurait porté une appréciation manifestement erronée quant aux conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. A....

11. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas illégales. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions, invoqué par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2021. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et relatives aux frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

M. Anthony Duplan premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2022.

Le rapporteur,

Anthony B...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX04366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04366
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-04;21bx04366 ?
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