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04/10/2022 | FRANCE | N°21BX04122

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 octobre 2022, 21BX04122


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°2100250 du 25 mai 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2021, M. D..., représenté par Me Ali, demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°2100250 du tribunal administratif de La Réunion du 25 mai 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°2100250 du 25 mai 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2021, M. D..., représenté par Me Ali, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°2100250 du tribunal administratif de La Réunion du 25 mai 2021 ;

2°) d'enjoindre, avant dire droit, au préfet de La Réunion ou à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de produire les extraits de l'application Themis relatifs à l'instruction de son dossier ainsi que toute preuve de la tenue d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle réunissant les trois médecins du collège de l'OFII ;

3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 26 novembre 2020 ;

4°) d'enjoindre au préfet de La Réunion, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à compter du délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui remettre dans l'attente et dès notification de l'arrêt à intervenir une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans les mêmes conditions d'astreinte, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir, et de se prononcer dans un délai de deux mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui remettre dans l'attente et dès notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour :

- il n'est pas établi que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu de façon collégiale ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie dès lors qu'il remplissait les conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- son droit à être entendu n'a pas été respecté dès lors que l'autorité préfectorale ne l'a, à aucun moment, invité à présenter ses observations ;

- elle est entachée d'une erreur de fait démontrant un défaut d'examen sérieux de sa situation dès lors qu'il séjourne à La Réunion de façon continue depuis l'âge de 21 ans et non pas depuis l'âge de 26 ans ;

- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle dès lors qu'il ne lui est pas possible de bénéficier effectivement d'un traitement et d'un suivi appropriés à son état de santé dans son pays d'origine ;

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée en droit ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et sa situation personnelle n'a pas suffisamment été examinée, le préfet s'étant borné à apprécier l'atteinte portée à sa vie familiale sans prendre en compte sa vie privée ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré 21 avril 2022, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- à titre principal, la requête de M. D... est irrecevable, faute pour lui d'apporter des éléments de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant comorien, né le 5 janvier 1993 et entré irrégulièrement sur le territoire français, a obtenu le 31 décembre 2019 une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois. Par un arrêté du 26 novembre 2020, le préfet de

La Réunion a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 25 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, notamment

le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles L. 511-1 et L. 513-2 de ce code et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il rappelle le contenu de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 9 novembre 2020 et précise que l'intéressé ne relève pas du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'il ne justifie pas de l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine. Il indique, en outre, que la mesure d'éloignement ne portera pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie personnelle et familiale et ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, et alors qu'il n'avait pas à mentionner de manière exhaustive tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, l'arrêté qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, M. D... se borne à reprendre en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif sur ce point, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

4. En troisième lieu, l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII le 9 novembre 2020 et revêtu des signatures des trois médecins composant ce collège, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " laquelle atteste du caractère collégial de l'avis et fait foi jusqu'à preuve du contraire. Cette preuve contraire n'est pas rapportée par la seule production de captures d'écran tirées du logiciel de traitement informatique de dossiers médicaux d'autres ressortissants étrangers faisant état des dates et heures auxquelles chacun des médecins du collège a renseigné et authentifié dans cette application le sens de son avis. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'avis du collège des médecins de l'OFII aurait été émis dans des conditions irrégulières.

5. En quatrième lieu, l'avis émis le 9 novembre 2020 sur lequel le préfet s'est appuyé pour prendre sa décision, indique que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale, que ce défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque.

6. M. D... fait valoir qu'il souffre d'une pathologie chronique asthmatique persistante ainsi que d'allergies ORL. A cet égard, si l'avis du collège de médecins de l'OFII mentionne ainsi qu'il a été dit, la nécessité d'une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet a estimé, ainsi que l'indique le même avis, qu'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de M. D.... Pour contredire cette appréciation, l'intéressé produit une attestation médicale établie le 10 juin 2019, soit, comme relevé par le tribunal plus d'un an avant la mesure en litige, par le docteur B..., médecin généraliste, rappelant la pathologie dont est atteint M. D... et se bornant à indiquer que les soins dont il doit bénéficier ne seraient pas accessibles aux Comores, sans en expliquer les raisons. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments circonstanciés permettant de douter de la possibilité pour lui de bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé, M. D... n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation du préfet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui révèlerait un défaut d'examen sérieux de sa situation, doit être écarté.

7. En cinquième lieu, à supposer que M. D... est arrivé en France en 2014, alors qu'il était âgé de 21 ans et non pas, comme l'aurait considéré à tort le préfet, en 2019 à l'âge de 26 ans, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, qu'il aurait développé des liens d'une intensité particulière en France, ni qu'il serait dépourvu de toutes attaches personnelles ou familiales aux Comores où il est constant qu'il a vécu jusqu'à au moins ses 21 ans. Dans ces circonstances, l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet a été sans incidence sur l'appréciation portée sur sa situation au regard d'un éventuel droit au séjour.

8. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision contestée et applicable aux ressortissants algériens : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Le préfet n'est toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions mentionnées à ces articles, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... ne remplit pas les conditions pour bénéficier du renouvellement de son titre de séjour ou de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions dont il se prévaut. Dès lors, le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui opposer un refus de délivrance et de renouvellement de titre de séjour.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement est privée de base légale en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

11. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, la décision qu'il attaque vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle en rappelle également le contenu et ses termes, rappelant en particulier le cas dans lequel l'administration refuse la délivrance d'un titre de séjour à un étranger, permettent de comprendre le motif de droit justifiant la mesure d'éloignement qu'elle prononce. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.

12. En troisième lieu, il résulte des motifs pertinents du point 7 du jugement du tribunal qu'il y a lieu d'adopter et de ce qui a été dit au point 7 de cet arrêt que les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du défaut d'examen sérieux de la situation du requérant doivent être écartés.

13. En quatrième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire est privée de base légale en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

15. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) ".

16. Il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier, que le préfet aurait appliqué de façon manifestement erronée les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent ou qu'il se serait estimé à tort en situation de compétence liée en fixant à trente jours le délai de départ volontaire.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions en injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

La rapporteure,

Claire A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX04122 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04122
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Claire CHAUVET
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET ALI - MAGAMOOTOO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-04;21bx04122 ?
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