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04/10/2022 | FRANCE | N°21BX04121

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 octobre 2022, 21BX04121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et interdiction de retour pendant une période de trois ans.

Par un jugement n° 2100352 du 27 septembre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 29 janvier 2021 et a enjoint au préfet de La Réunion de délivrer à M. B

... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et interdiction de retour pendant une période de trois ans.

Par un jugement n° 2100352 du 27 septembre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 29 janvier 2021 et a enjoint au préfet de La Réunion de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avant le 19 octobre 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 octobre 2021, le préfet de La Réunion, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 27 septembre 2021 et de rejeter la demande de première instance de M. B....

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; M. B... ne pouvait être regardé comme séjournant régulièrement à

La Réunion et ne pouvait y présenter une demande de titre de séjour dans les conditions de droit commun ;

- la circonstance que l'arrêté attaqué comportait des erreurs relatives aux voies et délais de recours est sans influence sur sa légalité ;

- le moyen soulevé par M. B... en première instance et tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté dès lors que l'intéressé ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le moyen soulevé par M. B... en première instance et tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnait son droit à être entendu et l'article 24 de la loi

du 12 avril 2000 doit être écarté dès lors que rien n'imposait à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de présenter des observations spécifiques sur cette mesure d'éloignement ;

- le moyen soulevé par M. B... en première instance et tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des garanties procédurales spécifiquement prévues pour les étrangers détenus doit être écarté ;

- le moyen soulevé par M. B... en première instance et tiré de ce que la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de fait et de droit dans l'appréciation de la durée de sa présence en France doit être écarté dès lors que l'intéressé ne peut se prévaloir, en application des dispositions de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'ancienneté de son séjour à la Réunion, qui était irrégulier ;

- les moyens soulevés par M. B... en première instance et tirés de ce que la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 2° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-14 du même code et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés dès lors que son comportement constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'ordre public et qu'il ne justifie pas de liens stables et anciens en France ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par exception d'illégalité de la décision de refus de séjour et ne méconnaît pas les dispositions de

l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est justifiée par la menace à l'ordre public que M. B... représente et n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ; il n'a pas méconnu non plus l'étendue de sa compétence ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas illégale par exception d'illégalité de la mesure d'éloignement et n'est entachée ni d'un défaut de motivation, ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas les dispositions des article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Ali, conclut à titre principal au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté du 29 janvier 2021 et à l'injonction du préfet de La Réunion à lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois sous la même astreinte et en tous les cas de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Il ajoute que l'arrêté en litige est illégal au regard des moyens qu'il a déjà soulevés en première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

n° 2021/027351 du 20 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant comorien né le 20 décembre 1997, est entré à

La Réunion le 30 janvier 2016 sous couvert d'un document de circulation pour étranger mineur (A...) valable du 19 mai 2015 au 18 mai 2016 délivré par le préfet de Mayotte. L'intéressé a sollicité le 6 mai 2017 un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 29 janvier 2021, le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et interdiction de retour pendant une période de trois ans. A la demande de M. B..., le tribunal administratif de

La Réunion a annulé l'arrêté du 29 janvier 2021 pour méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 312-1 et L. 511-4 du même code et prescrit au préfet de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet de La Réunion relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... établit, comme l'a à juste titre retenu le tribunal, par la production de certificats de scolarité émis par le directeur de l'école primaire publique de Malamani pour les classes de CP à CM2 puis par la principale du collège

de Tsimkoura pour les classes de 6ème à 3ème, qui ne sont pas utilement contredits par le préfet, sa présence régulière à Mayotte depuis l'année 2004 jusqu'à l'année 2016, date à laquelle il est entré à La Réunion. Né en 1997, il établit donc avoir passé la majeure partie de sa vie à Mayotte puis à La Réunion, où sa présence jusqu'en 2021 n'est pas contestée. Même à considérer qu'il n'avait pas obtenu, avant d'entrer à La Réunion, l'autorisation spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, l'empêchant ainsi de pouvoir prétendre à la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions de droit commun, motif sur lequel ne s'est toutefois pas fondé le préfet de La Réunion pour lui refuser le titre de séjour sollicité, il établit sa présence sur le territoire français depuis, à minima, l'âge de 6 ans. Il présente un passeport comorien, qui dès lors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il ait été obtenu par fraude, corrobore son identité et sa filiation, laquelle est établie par le jugement supplétif du 13 juin 2015 qu'il produit. Il justifie de la présence à La Réunion de sa mère, qui bénéficie d'une carte de séjour de 10 ans valable jusqu'en février 2024, de son beau-père et de l'ensemble de sa fratrie, résidant régulièrement sur le territoire français, famille qu'il déclare avoir voulu rejoindre en 2016. Ainsi, quand bien même il a été condamné par le tribunal correctionnel de Saint-Pierre à trois reprises, les

7 novembre 2019, 7 août et 16 septembre 2020 pour des faits de vol aggravé et de violences suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours, pour lesquels il a purgé en cumulé une peine de

17 mois de prison, qu'il est célibataire et sans enfant, il établit l'ancienneté de sa présence en France où il est arrivé enfant, et la présence de l'intégralité des membres de sa famille, qui lui rendent d'ailleurs régulièrement visite en prison. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il ait gardé un quelconque lien avec les Comores, pays dans lequel il n'a quasiment jamais vécu, ou qu'il y ait conservé un noyau familial ou une quelconque attache. Dans ces conditions, et dans les circonstances de l'espèce, M. B... est fondé à soutenir que la décision de refus de séjour attaquée porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale telle que garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que cette illégalité entraine l'illégalité, par voie de conséquence, des décisions l'obligeant à quitter le territoire français, fixant le pays de destination et l'interdisant de retour sur le territoire français.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le bienfondé des autres motifs retenus par le tribunal de La Réunion pour annuler l'arrêté attaqué, que le préfet de La Réunion n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 29 janvier 2021. Sa requête doit, dès lors, être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 la somme de 1 200 euros à verser à Me Ali, conseil de M. B..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de La Réunion est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Ali, conseil de M. B..., la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

La rapporteure,

Héloïse D...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX04121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04121
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET ALI - MAGAMOOTOO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-04;21bx04121 ?
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