Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 5 novembre 2020 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté son recours gracieux formé le 4 septembre 2020 contre l'arrêté du 28 août 2020 refusant de délivrer à son épouse, Mme G... F... D..., un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par une ordonnance n° 2100013 du 3 février 2021, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 septembre 2021, M. C..., représenté par
Me Pornon Weidknnet, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de Limoges du
3 février 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 28 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à Mme F... C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de première instance était recevable dès lors que la décision préfectorale est un refus implicite et qu'elle ne comportait pas la mention des voies et délais de recours exigée par l'article R. 421-5 du code de justice administrative ;
- la notification ayant accompagné l'arrêté du 28 août 2020 comporte une ambigüité de nature à induire le destinataire en erreur sur les effets du recours gracieux sur le cours du délai de recours contentieux, faisant obstacle à l'exercice de son droit au recours effectif ;
- la décision du 5 novembre 2020 n'était pas purement confirmative en ce qu'elle avait statué sur des éléments de fait nouveaux ; contrairement à ce qu'a jugé le président du tribunal administratif de Limoges, la demande de première instance était recevable ;
- l'arrêté préfectoral a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- le préfet de la Haute-Vienne n'a pas procédé à un examen sérieux de la situation de son épouse en ce qu'il n'a pas retenu la communauté de vie du couple depuis 2015 ;
- l'arrêté viole l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; l'arrêté méconnaît le droit de l'Union européenne qui proscrit toute discrimination en raison de la nationalité d'un citoyen de l'Union européenne ;
- l'arrêté méconnait le principe d'égalité protégé par les articles 1er et 2 de la Constitution ;
- l'arrêté méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté préfectoral est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce que la présence de Mme C... sur le territoire français ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
- la mesure d'éloignement porte atteinte à son droit au respect d'une vie privée et familiale ;
- la mesure d'éloignement est illégale en ce qu'elle n'est pas exécutable, Mme C... étant interdite de sortie du territoire avant la fin de la procédure pénale dont elle fait l'objet ; l'éloignement n'est pas envisageable en raison de l'état de santé de son épouse.
Par un mémoire, enregistré le 24 février 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en raison de son caractère tardif ;
- les moyens développés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 8 juillet 2021, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. C....
Par une lettre du 12 août 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2020, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges et ont donc le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 31 octobre 2018, M. B... C..., ressortissant français, s'est marié avec
Mme G... F... D..., de nationalité hondurienne. Le 14 février 2020,
Mme F... D... épouse C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " conjoint de Français " auprès des services de la préfecture de la Haute-Vienne. Par un arrêté du 28 août 2020, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2001225 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté. La cour, par un arrêt n° 20BX04254 du
30 novembre 2021, a rejeté l'appel formé contre ce jugement. Par ailleurs, M. C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 5 novembre 2020 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté son recours gracieux, formé par courrier reçu
le 4 septembre 2020, contre l'arrêté préfectoral du 28 août 2020. M. C... relève appel de l'ordonnance du président du tribunal administratif de Limoges du 3 février 2021 rejetant sa demande.
Sur la fin de non-recevoir :
2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ". Aux termes de l'article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :/ 1° De la notification de la décision d'admission provisoire ; / 2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...) ". Aux termes de l'article 69 du même décret : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé (...) ". En application des
articles 1er et 6 du décret du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret du 14 octobre 2020, lorsqu'une partie est représentée par un avocat, la notification prévue à l'article R. 751-3 du code de justice administrative est valablement accomplie par l'expédition de la décision à son mandataire.
3. Il ressort des pièces du dossier que l'ordonnance du président du tribunal administratif de Limoges du 3 février 2021 a été mise à disposition de Me Dounies, mandataire de M. C..., le 12 février 2021, par une lettre datée du 11 février 2021 l'informant que " le délai d'appel est de deux mois ". Il en résulte que le délai d'appel expirait le 13 avril 2021. M. C... ayant sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 2 avril 2021, cette demande a eu pour effet d'interrompre le délai d'appel. La requête d'appel a été enregistrée le
22 septembre 2021, avant l'expiration du délai de deux mois suivant la date à laquelle
M. C... ne pouvait plus contester la décision du 8 juillet 2021 par laquelle sa demande d'aide juridictionnelle a été rejetée, dont il n'est pas contesté qu'elle a été reçue le 10 août 2021. Par suite, la fin de non-recevoir présentée par la préfète de la Haute-Vienne tirée de la tardiveté de la requête d'appel ne peut être accueillie.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2020 :
4. Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2020, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables.
Sur la régularité de l'ordonnance :
5. Pour rejeter la demande présentée par M. C... comme manifestement irrecevable, le président du tribunal administratif de Limoges a jugé que la décision du 5 novembre 2020 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté le recours gracieux formé par M. C..., était confirmative de l'arrêté du 28 août 2020. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 28 août 2020 a été contesté par M. C... devant le tribunal administratif de Limoges et qu'à la date de l'ordonnance attaquée du 3 février 2021, le jugement n° 2001225 du
26 novembre 2020 était frappé d'appel, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'ayant statué que par un arrêt n° 20BX04253 du 30 novembre 2021. Par suite, c'est à tort que le président du tribunal administratif de Limoges a jugé la requête irrecevable, entachant de ce fait son ordonnance d'une irrégularité de nature à entraîner son annulation.
6. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2020 :
En ce qui concerne la décision confirmant le refus de titre de séjour :
7. La décision du 5 novembre 2020 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté le recours gracieux formé par M. C... à l'encontre de l'arrêté du 28 août 2020 énonce les considérations de droit notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles elle se fonde. Elle précise également les raisons pour lesquelles le préfet a estimé que la condition de la communauté de vie n'était pas remplie. Ces indications étaient suffisantes pour permettre à l'intéressé de comprendre et de contester la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
8. Il ne ressort ni de la motivation ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme C... avant de rejeter le recours gracieux formé par M. C... contre l'arrêté du 28 août 2020.
9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ".
10. S'il est constant que Mme F... D... a conclu un pacte civil de solidarité
le 28 avril 2016 puis s'est mariée le 31 octobre 2018 avec M. C..., ressortissant français, il ressort de l'enquête de gendarmerie réalisée le 14 juin 2020 au domicile déclaré des deux époux, que la communauté de vie n'est pas effective, aucun élément de mobilier, de courrier ou vestimentaire ne permettant d'attester de la présence de Mme F... D... épouse C... au domicile. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêté du 1er juin 2018 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, qu'une précédente enquête diligentée le 29 avril 2018 avait déjà conclu à l'absence de communauté de vie après plusieurs passages des services de gendarmerie au domicile de M. C.... Les attestations de proches et amis versées au dossier, toutes postérieures à la décision contestée, sont insuffisamment circonstanciées pour permettre de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de la Haute-Vienne sur ce point alors en outre que certaines déclarations sont en contradiction avec les autres pièces versées au dossier, notamment celles établissant une domiciliation de l'intéressée et une scolarisation de sa plus jeune fille en Haute-Savoie dès 2017. Les pièces versées au dossier pour justifier d'une domiciliation commune sont pour la majorité d'entre elles relatives aux années 2016, 2017 et pour d'autres, postérieures à la décision contestée, notamment le courrier de la caisse de Mutualité sociale agricole (MSA) du Limousin du 23 juin 2021 relative aux prestations familiales et l'attestation de la MSA du 21 janvier 2021 relative au rattachement de
Mme F... D... épouse C... et de sa fille mineure à la complémentaire santé de
M. C... à la suite de la demande effectuée le 20 octobre 2020. Les avis d'imposition versés au dossier d'appel ne comportent pas les déclarations de revenus de Mme F... D... épouse C... alors qu'elle soutient disposer d'une double domiciliation à Thônes pour des raisons professionnelles. A cet égard, la production des bulletins de salaires de
Mme F... D... attestant d'une période d'emploi à temps partiel d'une durée d'un mois en 2019 et de trois mois en 2020 en qualité de vacataire au sein de l'institut universitaire de technologie de Nancy, pour un salaire moyen mensuel de 262 euros, ne saurait suffire pour justifier par des motifs professionnels de la double domiciliation et de l'absence de cohabitation des époux. Dans ces conditions, en rejetant le recours gracieux formé par M. C... contre l'arrêté refusant de délivrer un titre de séjour à son épouse, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... D... qui a déclaré être entrée en France en 2013, s'est mariée avec M. C..., ressortissant français, le 31 octobre 2018, après avoir conclu un pacte civil de solidarité le 28 avril 2016. Ainsi qu'il a été indiqué au point 10, il ressort de l'enquête de gendarmerie réalisée le 14 juin 2020 au domicile déclaré des deux époux, que la communauté de vie n'est pas effective, aucun élément de mobilier, de courrier ou vestimentaire ne permettant d'attester de la présence de Mme F... D... épouse C... au domicile et une précédente enquête diligentée le 29 avril 2018 ayant déjà conclu à l'absence de communauté de vie après plusieurs passages des services de gendarmerie au domicile de
M. C.... En outre, Mme C... est mère de cinq enfants de nationalité hondurienne dont quatre sont majeurs à la date de la décision contestée et en situation irrégulière. Si sa dernière fille, née le 22 mai 2008, est scolarisée au collège à la date de la décision contestée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait suivre sa scolarité hors de France, ni que la cellule familiale constituée de Mme C... et de ses enfants ne pourrait se reconstituer dans le pays d'origine de Mme C... où elle a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans. Dans ces conditions, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme C..., le préfet de la Haute-Vienne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait ou d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme C....
13. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision contestée : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Le préfet n'est toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions mentionnées à ces articles, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme C... ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions dont elle se prévaut. Dès lors, la préfète de la Vienne n'était pas tenue de consulter la commission du titre de séjour avant de lui opposer un refus de délivrance de titre de séjour.
15. Aux termes de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. / 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres: / a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (...). Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci ". Il résulte de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 mars 2011, grande chambre, affaire C-34/09, Zambrano c/ ONEM que " l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre, d'une part, refuse à un ressortissant d'un Etat tiers, qui assume la charge de ses enfants en bas âge, citoyens de l'Union, le séjour dans l'Etat membre de résidence de ces derniers et dont ils ont la nationalité et, d'autre part, refuse audit ressortissant d'un Etat tiers un permis de travail, dans la mesure où de telles décisions priveraient lesdits enfants de la jouissance effective de l'essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l'Union ".
16. Ainsi qu'il a été indiqué précédemment, si Mme F... D... s'est mariée avec M. C..., ressortissant français, le 31 octobre 2018, deux enquêtes de gendarmerie réalisées les 29 avril 2018 et 14 juin 2020 ont conclu à l'absence de communauté de vie des époux. Par suite, en refusant de délivrer à Mme F... D... un titre de séjour en raison de l'absence de communauté de vie du couple, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas méconnu les dispositions de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni le principe de non-discrimination en raison de la nationalité.
17. M. C... ne peut utilement se prévaloir du moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité dès lors que Mme F... D... ne remplit pas les conditions exigées par le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de communauté de vie et ne peut bénéficier d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français.
18. Contrairement à ce que soutient M. C..., la menace à l'ordre public que constituerait la présence de Mme F... D... sur le territoire français n'est pas un motif de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de ce que le placement sous contrôle judiciaire ne peut être considéré comme une menace à l'ordre public est inopérant.
En ce qui concerne la décision confirmant la mesure d'éloignement :
19. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 12, la décision confirmant l'obligation faite à Mme C... de quitter le territoire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels la mesure d'éloignement a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. La décision litigieuse n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'épouse de l'appelant.
20. Il ressort des termes de l'arrêté du 28 août 2020 que Mme F... D...
épouse C... n'est obligée de quitter le territoire qu'à la fin de son contrôle judiciaire. Ainsi, la circonstance que Mme C... serait interdite de sortie du territoire avant la fin de la procédure, n'a pas d'incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement.
21. A supposer même que l'état de santé de Mme F... D... épouse C... présenterait une fragilité, il ne ressort pas des pièces du dossier que son retour dans son pays d'origine l'exposerait à un risque plus important de contamination à la Covid-19, ni qu'à la date de la décision contestée, les autorités honduriennes refuseraient, en raison de cette pandémie, le rapatriement de leurs ressortissants. En tout état de cause, cette circonstance n'a d'incidence que sur l'exécution de la décision litigieuse et demeure sans influence sur la légalité de cette décision. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en obligeant son épouse à quitter le territoire français.
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 5 novembre 2020 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté son recours gracieux à l'encontre de l'arrêté du 28 août 2020. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 3 février 2021 du président du tribunal administratif de Limoges est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Limoges ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme G... F... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.
La rapporteure,
Nathalie A...La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX03773 2