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04/10/2022 | FRANCE | N°20BX03733

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 octobre 2022, 20BX03733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Total Solar a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le maire de Tarnos a rejeté la demande de permis de construire qu'elle avait déposée en vue de l'installation d'ombrières photovoltaïques sur un terrain situé 36 avenue du 1er mai à Tarnos ainsi que la décision du 9 août 2018 de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1802206 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté du 15 mai 2018 ainsi

que la décision du 9 août 2018 portant rejet du recours gracieux.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Total Solar a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le maire de Tarnos a rejeté la demande de permis de construire qu'elle avait déposée en vue de l'installation d'ombrières photovoltaïques sur un terrain situé 36 avenue du 1er mai à Tarnos ainsi que la décision du 9 août 2018 de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1802206 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté du 15 mai 2018 ainsi que la décision du 9 août 2018 portant rejet du recours gracieux.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2020, la commune de Tarnos, représentée par Me Lecarpentier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 16 septembre 2020 ;

2°) de mettre à la charge de la société Total Solar la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le motif de refus tiré de la méconnaissance de l'article 1 du règlement de la zone Ué du plan local d'urbanisme de la commune est justifié dès lors que le projet litigieux, qui consiste à produire de l'électricité pour la revendre à Enedis, relève de la destination commerce dont l'implantation à proximité des activités industrielles et artisanales, pour être autorisée, doit être nécessaire ;

- le motif de refus tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement de la zone Ué du plan local d'urbanisme de la commune est justifié dès lors qu'aucune indication n'est apportée dans le dossier de demande de permis de construire sur la gestion des eaux pluviales ;

- le motif de refus tiré de de la méconnaissance de l'article 13 du règlement de la zone Ué du plan local d'urbanisme de la commune est justifié dès lors que le projet ne remplit pas les conditions posées par cet article et tend à réduire les espaces libres ;

- le jugement attaqué ne pouvait enjoindre à la délivrance du permis dès lors que le projet était soumis à examen au cas par cas de son impact sur l'environnement au titre des dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement et qu'aucun élément n'avait été fourni par le pétitionnaire sur ce point.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2022, la société Total Solar, devenue TotalEnergies Renouvelables France, représentée par Me Guinot, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au maire de Tarnos de délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Tarnos la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Lecarpentier représentant la commune de Tarnos.

Une note en délibéré présentée par Me Guinot pour TotalEnergies Renouvelables France a été enregistrée le 20 septembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La société Total Solar a déposé le 22 février 2018 une demande de permis de construire pour l'installation d'ombrières photovoltaïques, de locaux onduleurs et d'un poste de livraison sur un terrain situé 36 avenue du 1er mai à Tarnos. Par arrêté du 15 mai 2018, le maire de Tarnos a refusé de lui délivrer l'autorisation sollicitée. Par un courrier du 19 juin 2018, la société Total Solar a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, rejeté par décision du maire du 9 août 2018. La commune de Tarnos relève appel du jugement du 16 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 15 mai 2018 et la décision de rejet du recours gracieux du 9 août 2018.

Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il a annulé le refus de permis de construire :

2. Pour annuler l'arrêté de refus de permis de construire du 15 mai 2018, le tribunal a estimé qu'aucun des motifs fondant la décision, et tirés de la méconnaissance des articles 1, 4 et 13 du règlement de la zone Ué 1 du plan local d'urbanisme (PLU), ne pouvait être légalement opposé par le maire de Tarnos.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 1 du règlement de la zone Ué du PLU :

3. Aux termes du préambule du chapitre 3 du titre II du règlement du plan local d'urbanisme de Tarnos relatif aux dispositions applicables en zone Ué, zone urbaine économique, le secteur Uéi, dans lequel est situé le terrain d'assiette du projet, est défini comme " un secteur urbain économique destiné à accueillir industrie, artisanat, entrepôt, services publics ou d'intérêt collectif. Des activités de bureaux, hébergement hôtelier et commerce peuvent être autorisées dans la mesure où, du fait des services qu'elles proposent, leur implantation à proximité des activités industrielles et artisanales est nécessaire ". Aux termes de l'article 1 du règlement de la zone Ué relatif aux occupations et utilisation du sol interdites : " Les constructions et/ou les installations : (...) qui ne relèvent pas des destinations de commerce, artisanat, entrepôt, hébergement hôtelier, bureaux, services publics ou d'intérêt collectif, industrie, dans le secteur Uéi ; (...) ". Aux termes du préambule du règlement du PLU la destination commerce est définie comme regroupant " les activités économiques d'achat et de vente de biens ou de service. La présentation directe au public doit être prédominante. ".

4. Pour refuser le permis de construire sollicité, le maire de Tarnos a considéré, au visa de l'article 1 du règlement de la zone Ué, que le projet litigieux présentait un caractère commercial, mais que la nécessité de son implantation à proximité d'activités industrielles ou artisanales n'était pas établie. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la notice descriptive jointe au dossier de demande de permis de construire, que l'électricité générée par les 63 ombrières photovoltaïques projetées est destinée à être réinjectée dans le réseau public de distribution. Ainsi, le projet en litige, dès lors qu'il contribue à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public, doit être regardé comme une installation relevant de la destination " services publics ou d'intérêt collectif " au sens des dispositions précitées, autorisée dans le secteur Uéi, et non comme relevant de la destination " commerce ". Par suite, le maire de Tarnos ne pouvait légalement fonder son refus sur ces dispositions.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 4 du règlement de la zone Ué du PLU :

5. Aux termes de l'article 4 du règlement de la zone Ué du PLU de Tarnos relatif aux conditions de desserte des terrains par les réseaux publics d'eau, d'électricité et d'assainissement et conditions de réalisation d'un assainissement individuel : " (...) Eaux pluviales : les constructions et/ou installations doivent prévoir un système adéquat de recueil des eaux pluviales dimensionné pour le projet et conforme aux prescriptions du zonage pluvial annexé au plan local d'urbanisme ainsi qu'aux prescriptions de la commune. (...) ".

6. Pour refuser le permis de construire, le maire de Tarnos a considéré, au visa de l'article 4 précité, qu'aucune donnée sur le dispositif existant de gestion des eaux pluviales n'étant communiquée, des incertitudes demeuraient quant à la conformité de ce dernier. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice descriptive jointe au dossier de demande du permis de construire en litige, qui indiquait que " le traitement des eaux pluviales ne sera pas modifié (...) les structures ne faisant pas obstacle à l'écoulement des eaux de par leurs très faibles emprises au sol " , ce que le maire précise d'ailleurs expressément dans sa décision, que les ombrières photovoltaïques projetées, de par leur très faible emprise au sol, n'ont pas d'impact sur le traitement des eaux pluviales. Ainsi, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement des eaux pluviales générées par les installations déjà existantes, qui consistent en un parc de stationnement géré par l'entreprise CAT, n'était pas conforme à la réglementation applicable à la date de l'arrêté attaqué, le maire ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l'article 4 du règlement de la zone Ué du PLU pour refuser l'autorisation sollicitée.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 13 du règlement de la zone Ué du PLU :

7. Aux termes de l'article 13 du règlement de la zone Ué du PLU de Tarnos relatif aux obligations imposées aux constructeurs en matière de réalisation d'espaces libres, d'aires de jeux et de loisirs et de plantations : " Afin de s'harmoniser avec le milieu environnant et d'atténuer l'impact visuel des constructions, les espaces libres doivent être aménagés ou plantés à l'aide des essences locales indiquées au sein de la liste jointe en annexe du présent règlement. (...) Tout programme doit comporter au moins 10% du terrain d'assiette en espaces libres tels que définis à l'article 14 du préambule. (...) ". Aux termes de l'article 14 du préambule du même règlement relatif à la définition des espaces libres : " Les espaces libres, réglementés à l'article 13 de chacune des zones, doivent être compris comme des espaces naturels et/ou de loisirs communs à l'ensemble du programme ou du programme d'ensemble approuvé par la commune. (...) Les projets à vocation économique doivent comprendre des espaces naturels ou végétalisés intégrés au sein de l'opération. ".

8. Pour refuser le permis de construire sollicité, le maire de Tarnos a considéré que le terrain d'assiette ne présentait pas 10% d'espaces libres naturels ou végétalisés et que le futur projet tendait même à réduire davantage les espaces libres qui ne sont pas aujourd'hui végétalisés. Toutefois, et à supposer même que la construction existante ne respecterait pas les dispositions précitées, il ressort des pièces du dossier que le projet, consistant à implanter des ombrières sur des surfaces précédemment imperméabilisées, n'est pas susceptible d'aggraver une méconnaissance de l'article 13 de la zone Ué. Par suite, le maire ne pouvait légalement fonder sa décision sur ces dispositions.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Tarnos n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 15 mai 2018.

Sur le bien-fondé de l'injonction prononcée par le jugement attaqué :

10. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". D'autre part, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2015-990 : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 (...) ".

11. Il résulte des dispositions précitées que, lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, soit que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'urbanisme délivrée dans ces conditions peut ensuite être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement.

12. La commune de Tarnos soutient que le tribunal de Pau ne pouvait enjoindre à la délivrance du permis de construire sollicité dès lors qu'il ne ressortait d'aucune des pièces du dossier que le projet ait été soumis à examen au cas par cas de son impact sur l'environnement.

13. Aux termes de l'article R. 122-2 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. (...) ". La rubrique 30 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement soumet au titre des " ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire ", " les installations sur serres et ombrières d'une puissance égale ou supérieure à 250 kWc " à examen au cas par cas. Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme vérifie que le projet qui lui est soumis est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l'autorité environnementale de ne pas le soumettre à évaluation environnementale ; (...) ".

14. Il ressort de la notice descriptive jointe au dossier de demande de permis de construire que la puissance électrique totale du projet s'élève à 18,4 mega watt-crêtes. Par suite, en application des dispositions précitées, le projet relevait d'un examen au cas par cas au titre des dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement. Cependant, il ressort de l'arrêté préfectoral du 28 mars 2018, produit par la société pétitionnaire en défense et communiqué à la commune dans la présente instance, que le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a dispensé le projet en litige d'une étude d'impact. Par suite, la commune n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal l'a enjoint à accorder le permis de construire sollicité.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Total Solar, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Tarnos demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Tarnos une somme de 1500 euros à verser à la société Total Solar au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Tarnos est rejetée.

Article 2 : La commune de Tarnos versera la somme de 1500 euros à la société Total Solar, devenue TotalEnergies Renouvelables France, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tarnos et à la société Total Solar, devenue société TotalEnergies Renouvelables France.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

La rapporteure,

Héloïse A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet des Landes en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03733
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-04;20bx03733 ?
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