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04/10/2022 | FRANCE | N°20BX01932

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 04 octobre 2022, 20BX01932


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Clos des senteurs a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2017 par lequel le maire de la commune de Bras-Panon a rejeté sa demande de permis de construire en vue de la construction d'une clôture sur une parcelle cadastrée section AI n° 778 située rue des Senteurs à Bras-Panon.

Par un jugement n° 1800997 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cet arrêté.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 18 juin 2020 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Clos des senteurs a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2017 par lequel le maire de la commune de Bras-Panon a rejeté sa demande de permis de construire en vue de la construction d'une clôture sur une parcelle cadastrée section AI n° 778 située rue des Senteurs à Bras-Panon.

Par un jugement n° 1800997 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 18 juin 2020 et 25 mars 2021, la commune de Bras-Panon, représentée par Me Settama-Vidon, demande à la cour :

1°) à titre principal d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 5 mars 2020 et rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Clos des senteurs ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement et de l'annuler en tant qu'il annule l'arrêté du 16 novembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Clos des senteurs la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable dès lors qu'elle est tardive ;

- la demande de première instance est irrecevable dès lors que l'agence immobilière Loger n'a pas qualité pour agir au nom du syndicat des copropriétaires de la résidence Clos des senteurs ;

- le motif de refus opposé et tiré de ce que le dossier de demande de permis de construire était incomplet est justifié ;

- le motif de refus opposé et tiré de ce que la demande n'a pas été déposée avec le formulaire adéquat dès lors que le projet était soumis à déclaration préalable, et non à permis de construire, est justifié ;

- le tribunal a commis une erreur de droit dès lors que le projet était bien soumis à déclaration préalable ;

- le projet est contraire aux dispositions du plan local d'urbanisme dont la dernière modification, approuvée le 30 novembre 2019, a prévu un emplacement réservé en vue de la réalisation d'une voie de désenclavement reliant la rue des Corbeilles d'or à la Route nationale n°2 et rendant impossible toute pose de clôture.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 décembre 2020 et 17 mai 2021, ce dernier non communiqué, le syndicat de copropriétaires de la résidence Clos des senteurs, représenté par Me Rakotonirina, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000euros soit mise à la charge de la commune de Bras-Panon.

Il soutient que :

- la demande de première instance est recevable : elle n'est pas tardive et l'agence immobilière Loger avait qualité pour agir au nom du syndicat des copropriétaires de la résidence Clos des senteurs ;

- le motif de refus tiré de ce que le dossier de demande serait incomplet est inopérant dès lors que le projet, soumis à déclaration préalable, n'avait pas à remplir les conditions propres aux demandes de permis de construire ;

- le motif de refus tiré de ce que la demande n'avait pas été déposée avec le formulaire adéquat est erroné dès lors qu'une demande de permis de construire peut être instruite comme une simple déclaration préalable ;

- les travaux litigieux étaient dispensés de toute formalité ;

- l'intervention de la commune par rapport aux travaux entrepris est constitutive d'une voie de fait dès lors qu'il s'agit en réalité de l'installation d'un portail sur sa propriété privée ; la commune ne pouvait intervenir que dans le cadre du régime de l'expropriation.

Par ordonnance du 23 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

- le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les copropriétaires de la résidence Clos des senteurs, résidence située rue des Senteurs à Bras-Panon (La Réunion), ont entamé en avril 2017 des travaux visant à édifier une clôture. Après avoir été invités par le maire de Bras-Panon à présenter une demande d'autorisation d'urbanisme afin de régulariser les travaux ainsi entamés, les intéressés ont déposé, le 31 octobre 2017, une demande de permis de construire. Par arrêté du 16 novembre 2017, le maire de Bras-Panon a refusé le permis de construire sollicité. La commune de Bras-Panon relève appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de la Réunion a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

2. En premier lieu, en vertu de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le syndic représente le syndicat des copropriétaires en justice. Aux termes de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de cette loi : " Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. / Une telle autorisation n'est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en œuvre des voies d'exécution forcée à l'exception de la saisie en vue de la vente d'un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat. (...) / Dans tous les cas, le syndic rend compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites ". Il résulte de ces dispositions que dans les cas où une autorisation est requise, le syndic agissant au nom de la copropriété est tenu de disposer, sous peine d'irrecevabilité de sa demande, d'une autorisation formelle de l'assemblée générale des copropriétaires pour agir en justice, habilitation qui doit préciser l'objet et la finalité de l'action contentieuse ainsi engagée. En revanche, dès lors que le syndic dispose d'une telle autorisation pour engager une procédure contentieuse, ces dispositions n'exigent pas qu'il sollicite une nouvelle autorisation pour interjeter appel et, le cas échéant, se pourvoir en cassation.

3. Il ressort des pièces du dossier que par une décision du 4 juillet 2018, l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble résidence Clos des senteurs a autorisé, après qu'ait été rappelé le contexte du vote de cette résolution relatif au fait que " l'installation d'une clôture sur la copropriété ne soit pas remise en cause par la municipalité ", l'agence immobilière Loger, syndic, à " engager au nom du syndicat, toutes actions judiciaires à l'encontre de Monsieur le Maire et la Mairie de Bras-Panon aux fins d'obtenir le respect de ses droits sur le périmètre de la copropriété ". Dans ces conditions, comme l'a retenu le tribunal, l'agence immobilière Loger, syndic, avait qualité pour agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires de la résidence Clos des senteurs.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article R. 424-10 du code de l'urbanisme : " La décision accordant ou refusant le permis ou s'opposant au projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, (...) ".

5. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

6. Si la commune produit en appel une copie de l'arrêté du 16 novembre 2017 dans lequel figure les voies et délais de recours, elle n'apporte toutefois aucun élément relatif à la notification de cette décision au pétitionnaire. Ainsi, en l'absence de preuve d'une telle notification et de ce que l'information relative aux voies et délais de recours ait bien été donnée, le délai de recours contentieux de deux mois prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'était pas opposable au demandeur. Dans ces conditions, comme l'a jugé à juste titre le tribunal, à supposer même que les courriers adressés à la commune les 17 et 28 novembre 2017 par l'agence immobilière Loger établissent qu'elle a eu connaissance de l'arrêté attaqué, la demande de première instance, introduite le 16 novembre 2018, n'était pas tardive.

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

7. Aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme : " Sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, sauf lorsqu'ils sont implantés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques ou dans un site classé ou en instance de classement : (...) g) Les clôtures, en dehors des cas prévus à l'article R. 421-12, ainsi que les clôtures nécessaires à l'activité agricole ou forestière ; (...) ". Aux termes de l'article R. 421-12 dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " Doit être précédée d'une déclaration préalable l'édification d'une clôture située : a) Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable classé en application de l'article L. 631-1 du code du patrimoine ou dans les abords des monuments historiques définis à l'article L. 621-30 du code du patrimoine ; b) Dans un site inscrit ou dans un site classé ou en instance de classement en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l'environnement ; c) Dans un secteur délimité par le plan local d'urbanisme en application de l'article L. 151-19 ou de l'article L. 151-23 ; d) Dans une commune ou partie de commune où le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme a décidé de soumettre les clôtures à déclaration. ". Aux termes de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. ". L'article L. 151-23 du même code dispose que : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent ".

8. Si la rue des Senteurs, lieu d'implantation de la clôture projetée, est située dans un quartier concerné par le plan d'aménagement d'ensemble du pôle de centralité de Rivière des Roches adopté par délibération du conseil municipal du 24 novembre 2004, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le conseil municipal aurait décidé d'y soumettre les clôtures à déclaration, ni que le plan local d'urbanisme approuvé le 21 février 2007, modifié les 11 août 2010 et 23 mars 2011, applicable à la date de la décision attaquée, aurait délimité, à cet endroit, un secteur en application des dispositions précitées du code de l'urbanisme ou des dispositions antérieurement applicables et de portée équivalente, le plan d'aménagement ne pouvant tenir lieu d'une telle délimitation. En outre, si la commune se prévaut également d'un emplacement réservé prescrit lors de la révision générale de son plan local d'urbanisme approuvée le 30 novembre 2019, cette servitude, instituée au titre de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme, n'est en tout état de cause pas au nombre des exceptions dans lesquelles le code de l'urbanisme soumet l'édification d'une clôture à autorisation préalable. Ainsi, et alors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les travaux projetés répondraient à une des exceptions listées par l'article R. 421-12 du code de l'urbanisme, le syndicat des copropriétaires de la résidence Clos des senteurs est fondé à soutenir que les travaux entrepris étaient dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bras-Panon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 16 novembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Clos des senteurs, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Bras-Panon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Bras-Panon une somme de 1 500 euros à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence Clos des senteurs au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Bras-Panon est rejetée.

Article 2 : La commune de Bras-Panon versera au syndicat de copropriétaires de la résidence Clos des senteurs une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bras-Panon et au syndicat de copropriétaires de la résidence Clos des senteurs.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

La rapporteure,

Héloïse A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01932


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01932
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : VSH AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-04;20bx01932 ?
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