Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fouilles réalisées à chaque entrée dans l'établissement pénitentiaire.
Par une ordonnance n°2002372 du 29 mars 2022, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Coutand, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat lui verser une somme de 50 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance et une somme de 1 293, 60 euros au titre des frais exposés en appel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête de première instance n'était pas irrecevable ; en application des articles 6 et 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, sa réclamation préalable présentée le 7 avril 2020 a fait naitre une décision implicite de rejet le 24 août 2020, de sorte que sa requête, enregistrée devant le tribunal le 24 octobre 2020, n'était pas tardive ; elle sollicite le renvoi de l'affaire devant le tribunal ;
- ne pouvant être exposée à un champ magnétique du fait du port d'un neuro-stimulateur médullaire, elle a été soumise, du 24 octobre 2016 au 6 avril 2017, à une fouille par palpation à chacune de ses entrées dans l'établissement pénitentiaire au sein du duquel elle exerce ses fonctions, sans recueil de son accord préalable ; ces multiples fouilles, injustifiées, lui ont occasionné un préjudice.
Par ordonnance du 15 juin 2022 le président de la 3ème chambre de la cour a dispensé d'instruction la requête en vertu de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... A...,
- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., surveillante pénitentiaire, a été affectée au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne à compter du 24 octobre 2016. Par une réclamation adressée au garde des sceaux, ministre de la justice le 7 avril 2020, elle a sollicité l'indemnisation des préjudices subis, selon elle, du fait des fouilles auxquelles elle a été soumise à chacune de ses entrées dans l'établissement au titre de la période allant du 24 octobre 2016 au 6 avril 2017. Elle relève appel de l'ordonnance du 29 mars 2022 par laquelle la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté comme manifestement irrecevable sa requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".
3. Aux termes de l'article de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents ". Aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Le présent titre s'applique aux administrations de l'Etat, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs (...) ". L'article 7 de la même ordonnance dispose : " (...) les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci. / (...) ". La période mentionnée au I de l'article 1er de cette ordonnance s'étend entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.
4. Pour rejeter la demande de Mme B... comme manifestement irrecevable, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a considéré qu'elle était tardive. Il résulte toutefois des dispositions citées au point précédent que le point de départ du délai de deux mois, fixé par l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, à l'issue duquel est née la décision implicite de rejet par le garde des sceaux, ministre de la justice de la réclamation du 7 avril 2020 de Mme B... a été reporté au 24 juin 2020. La décision portant rejet implicite de cette réclamation étant ainsi née le 24 août 2020, le délai de recours contentieux courait jusqu'au 25 octobre suivant. Il suit de là que la requête, enregistrée le 24 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif de Poitiers, n'était pas tardive. Par suite, l'ordonnance attaquée est irrégulière et doit être annulée.
5. Comme le demande, à titre principal, Mme B..., il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Poitiers pour qu'il soit à nouveau statué sur sa demande.
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de quelque somme que ce soit au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2002372 du 29 mars 2022 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Poitiers est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Poitiers.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente, rapporteure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.
Le premier assesseur,
Manuel Bourgeois
La présidente, rapporteure,
Marie-Pierre Beuve A...
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01459