Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... A... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 7 avril 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître la qualité d'apatride.
Par un jugement n° 2000967 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, M. A... A..., représenté par Me Pialou, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000967 du tribunal administratif de la Guyane du 30 septembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 7 avril 2020 du directeur général de l'OFPRA ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'OFPRA de lui reconnaître le statut d'apatride dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, dans le même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'OFPRA le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision est entachée d'erreur de fait et d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors que, contrairement à ce qu'indique le directeur de l'OFPRA, il a fait état d'atteinte à son intégrité physique dans son recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) contre la décision lui refusant l'asile ;
- il a été contraint de fuir son pays de résidence, le Liban, le 25 décembre 2013 en raison d'une menace grave pour sa sécurité, faisant obstacle à ce qu'il y retourne ; postérieurement à son départ, une nouvelle menace est apparue dès lors que l'un de ses frères a tué un ressortissant libanais d'une ethnie différente, membre du mouvement Amal, et qu'il risque des représailles en cas de retour au Liban ; bien qu'enregistré comme réfugié par l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) en raison du déplacement forcé de ses aïeux au Liban en 1948, il n'a que peu bénéficié de l'assistance de l'UNRWA qui ne gérait pas le camps où il vivait ; il a subi de multiples discriminations sanitaires, sociales, économiques et professionnelles en raison de ses origines palestiniennes et de sa religion sunnite et se trouve ainsi dans l'impossibilité de regagner le Liban pour des motifs indépendants de sa volonté, étrangers à l'existence d'une menace pour sa sécurité ; son titre de voyage est expiré depuis plusieurs années et il est dans l'impossibilité de le renouveler dès lors qu'il ne dispose pas d'un titre de séjour en France ; dès lors, il ne bénéficiait plus de la protection conférée par la convention du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides et c'est à tort que l'Office a considéré alors qu'il était, à la date de la décision attaquée, toujours sous la protection de l'UNRWA.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2022, l'OFPRA, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. A... A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides, publiée par le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... D...,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... A..., né de parents palestiniens le 15 janvier 1977 au camp de réfugiés de Al Qasmiyeh, au Liban, et enregistré auprès de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) au Liban, est entré en France, selon ses déclarations, au cours du mois d'août 2016 et a sollicité son admission au bénéfice de l'asile. Par une décision du 7 août 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 6 avril 2018, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté cette demande. Le 20 juin 2018, M. A... A... a présenté une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride auprès de ce même Office, qui l'a rejetée par décision du 7 avril 2020. L'intéressé relève appel du jugement du 30 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu M. A... A... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision attaquée est entachée d'erreur de fait ainsi que d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention. ". L'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides stipule que : " 1. Aux fins de la présente convention, le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. 2. Cette convention ne sera pas applicable : i) Aux personnes qui bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre que le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, tant qu'elles bénéficieront de ladite protection ou de ladite assistance (...) ".
4. L'UNWRA a été créé par la résolution n° 302 (IV) de l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 8 décembre 1949 afin d'apporter un secours direct aux " réfugiés de Palestine " se trouvant sur l'un des Etats ou des territoires relevant de son champ d'intervention géographique, à savoir le Liban, la Syrie, la Jordanie, la Cisjordanie et la bande de Gaza. Selon les termes de la résolution n° 74/83 de l'Assemblée générale des Nations-Unies du 13 décembre 2019 relative à l'UNRWA, qui a prolongé son mandat jusqu'au 30 juin 2023, les opérations de l'Office se font " au regard du bien-être, de la protection et du développement humain des réfugiés de Palestine " et visent à " subvenir à leurs besoins essentiels en matière de santé, d'éducation et de subsistance ". Il résulte des instructions d'éligibilité et d'enregistrement consolidées adoptées par cet organisme en 2009 que ces prestations sont délivrées, d'une part, aux personnes, enregistrées auprès de lui, qui résidaient habituellement en Palestine entre le 1er juin 1946 et le 15 mai 1948 et qui ont perdu leur logement et leurs moyens de subsistance en raison du conflit de 1948, ainsi qu'à leurs descendants et, d'autre part, aux autres personnes éligibles mentionnées au point B. du III de ces instructions qui en font la demande sans faire l'objet d'un enregistrement par l'UNRWA. Eu égard à la mission qui lui est assignée et aux intentions exprimées par les auteurs de la convention de New York, l'UNRWA doit être regardée comme un organisme des Nations Unies, autre que le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, offrant une assistance à ces personnes, au sens des stipulations mentionnées au point 2. Cette assistance, qui suppose que la personne soit admise à résider habituellement dans l'un des Etats ou territoires situés dans la zone d'intervention de cet organisme, est regardée comme équivalant à la reconnaissance des droits qui sont garantis aux apatrides par la convention de New York, en particulier la protection juridique qu'un Etat doit en principe accorder à ses ressortissants.
5. Il résulte des stipulations citées au point 3 que la convention du 28 septembre 1954 n'est pas applicable à un réfugié palestinien tant qu'il bénéficie effectivement de l'assistance ou de la protection de l'UNRWA telle qu'elle est définie au point précédent. Dès lors qu'il a perdu le bénéfice effectif d'une telle assistance ou protection et qu'aucun Etat ne le reconnaît comme l'un de ses ressortissants par application de sa législation, un réfugié palestinien bénéficie, sous réserve des autres clauses d'exclusion prévues à l'article 1er, du régime de la convention du 28 septembre 1954 et peut solliciter, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, l'octroi du statut d'apatride.
6. Un réfugié palestinien qui se trouve en dehors de la zone d'activité de l'UNRWA ne bénéficie plus effectivement de la protection ou de l'assistance de cet Office dans les cas ci-dessous définis.
7. Le premier cas correspond à l'hypothèse où une menace grave pour sa sécurité a contraint un réfugié palestinien à quitter l'Etat ou le territoire situé dans la zone d'intervention de l'UNRWA dans lequel il avait sa résidence habituelle et fait obstacle à ce qu'il y retourne. Le deuxième cas correspond à l'hypothèse dans laquelle une telle menace, apparue après le départ de l'intéressé, fait pareillement obstacle à son retour sur place. Le troisième cas correspond à l'hypothèse où, pour des motifs indépendants de sa volonté, étrangers à l'existence d'une menace pour sa sécurité, un réfugié palestinien se trouve dans l'impossibilité de regagner l'Etat ou le territoire dans lequel il avait sa résidence habituelle.
8. En outre et eu égard aux exigences attachées au respect de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui protège les personnes dépourvues de nationalité des atteintes excessives au droit au respect de la vie privée, doit également être regardé comme ne bénéficiant plus effectivement de l'assistance ou de la protection apportée par l'UNRWA dans sa zone d'intervention un réfugié palestinien qui possède en France des liens familiaux ou des liens personnels, compte tenu notamment de la durée de sa résidence sur le territoire, tels que le centre de ses intérêts se trouve désormais en France où il est dès lors fondé, à la condition qu'aucun Etat ne le reconnaisse comme l'un de ses ressortissants par application de sa législation, et sous réserve des autres clauses d'exclusion prévues par la convention du 28 septembre 1954, à demander que lui soit octroyé le statut d'apatride sur le fondement de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, afin de bénéficier de la protection juridique à laquelle il a droit à ce titre.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... A... résidait jusqu'à son départ du Liban dans le camp de réfugiés palestiniens informel de Al Qasmiyeh, lequel n'est pas compris dans les camps de palestiniens bénéficiant de la protection de l'UNRWA, mais disposait cependant d'une carte d'enregistrement auprès de l'UNRWA en tant que descendant de réfugiés palestiniens installés en 1948 au Liban. Si M. A... A... soutient, au demeurant sans le démontrer, qu'aucune aide de l'UNRWA ne lui a été apportée dans le camp de Al Qasmiyeh et notamment aucune assistance en matière d'eau potable, d'électricité, d'infrastructures routières et d'ordures ménagères, le requérant a malgré tout été enregistré auprès de l'UNRWA et ne nie pas avoir reçu une assistance de cet organisme en matière d'accès à l'éducation ou à la santé. Dans ces conditions, et dès lors que le seul bénéfice de prestations d'assistance délivrées par l'UNRWA dans sa zone d'intervention suffit à écarter la personne recevant ces prestations du bénéfice de la convention de New York relative au statut des apatrides, il y a lieu de considérer, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, que M. A... A... a bénéficié de cette assistance et se trouve par conséquent, exclu du champ d'application de cette convention, sauf à ce qu'il démontre avoir perdu le bénéfice effectif de cette assistance dans les conditions fixées aux points 7 et 8.
10. A ce titre, M. A... A... soutient, de première part, avoir quitté le Liban, le 25 décembre 2013 en raison de menaces graves pour sa sécurité, tenant à son arrestation par les autorités de police libanaises, au cours de l'année 2012, après qu'il eût participé à une manifestation contre un incendie d'ordures ménagères qui s'est déclaré aux abords de son domicile. Toutefois, il ne produit aucun élément de nature à établir sa participation effective à la manifestation dont il fait état, ni l'existence d'une détention arbitraire et d'actes de torture par les autorités libanaises qui auraient suivi cet évènement. Dès lors, l'existence d'une menace grave pour sa sécurité personnelle qui l'aurait contraint à fuir la zone d'intervention de l'UNRWA dans laquelle il avait sa résidence habituelle, qui au demeurant n'a pas été reconnue par la CNDA dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile, n'est pas établie.
11. De deuxième part, le requérant soutient que, postérieurement à son départ du Liban, une nouvelle menace pour sa sécurité personnelle est apparue dès lors que l'un de ses frères a tué un ressortissant libanais d'une ethnie différente, membre du mouvement Amal et qu'il craint des représailles en cas de retour au camp de Al Qasmiyeh. Toutefois, en tout état de cause, l'intéressé ne produit aucun élément permettant de tenir pour établie la réalité des faits ainsi relatés ainsi que le caractère personnel des risques allégués en cas de retour au Liban.
12. De dernière part, M. A... A... soutient que pour des motifs indépendants de sa volonté, étrangers à l'existence d'une menace pour sa sécurité, il se trouve dans l'impossibilité de regagner le Liban en raison des discriminations systématiques subies par les réfugiés d'origine palestinienne qui y résident ainsi que du racisme qui y sévit. Il indique notamment qu'à raison de ses origines ainsi que de sa religion sunnite, il s'est vu refuser la délivrance d'un permis de construire, a fait l'objet de menaces d'expulsion, s'est vu refuser la délivrance d'un permis de pêche et d'une autorisation de créer une association des chasseurs palestiniens qu'il avait sollicité auprès des autorités compétentes, n'a pu créer une entreprise et exercer certaines professions et a éprouvé d'importantes difficultés à avoir accès à une scolarité complète, au système de soin, et à obtenir une autorisation de travail. Toutefois, en se bornant à faire état des conditions générales de vie des habitants du camp de Al Qasmiyeh dont il est originaire ainsi que de celles des réfugiés palestiniens au Liban, pour éprouvantes et difficiles qu'elles soient, et à produire de la documentation correspondante, le requérant n'établit pas qu'il aurait été touché, à titre personnel et de manière particulière, par l'une des mesures discriminatoires qu'il invoque en raison de ses origines ou de sa religion, le plaçant dans l'impossibilité de regagner le territoire dans lequel il avait sa résidence habituelle. Par ailleurs, si M. A... A... soutient que cette impossibilité résulte de l'expiration du document de voyage établi par les autorités libanaises pour les réfugiés palestiniens lui ayant permis de voyager, valable du 25 octobre 2011 au 24 octobre 2016, il ne produit aucun élément de nature à justifier de ce qu'un refus de regagner le Liban lui aurait été notifié pour ce motif, ni même des démarches éventuellement infructueuses engagées auprès des autorités consulaires pour tenter d'obtenir un document de voyage nécessaire à son retour dans ce pays.
13. Dans ces conditions, M. A... A... n'est pas fondé à soutenir qu'en estimant qu'il bénéficiait, à la date de la décision attaquée, de la protection effective de l'UNWRA et en refusant de lui reconnaître la qualité d'apatride, le directeur général de l'OFPRA a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le conseil de M. A... A..., au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... A... la somme demandée par l'OFPRA au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... A... A... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.
Le rapporteur,
Michaël D... La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX002122