La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2022 | FRANCE | N°20BX02597

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 22 septembre 2022, 20BX02597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente du 15 décembre 2017 en tant qu'il porte transfert d'office des parcelles AM 133 et AM 139 dans le domaine public communal de la commune de Fouqueure.

Par un jugement n° 1800380 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 août 2020 et le 17 mars 2022, M. B..., représenté pa

r Me Roux-Noël, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente du 15 décembre 2017 en tant qu'il porte transfert d'office des parcelles AM 133 et AM 139 dans le domaine public communal de la commune de Fouqueure.

Par un jugement n° 1800380 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 août 2020 et le 17 mars 2022, M. B..., représenté par Me Roux-Noël, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande concernant la parcelle AM 133 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2017 en tant qu'il porte transfert d'office dans le domaine public de la parcelle AM 133 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Fouqueure une somme de 2 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la commune ne pouvait ignorer le décès du précédent propriétaire et ne s'est pas prononcé sur l'absence d'utilité publique du transfert ;

- la procédure est irrégulière en l'absence de l'information prévue à l'article R. 141-7 du code de la voirie routière relative à l'ouverture de l'enquête publique ;

- cette parcelle n'est pas ouverte à la circulation publique qui ne résulte pas de l'existence d'une simple servitude de passage ; un tel classement ne présente aucune utilité publique ;

Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2022, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2022, la commune de Fouqueure, représentée par Me Gomez, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Lagrue, se substituant à Me Gomez, représentant la commune de Fouqueure.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 15 décembre 2017, le préfet de la Charente a décidé du transfert d'office sans indemnité dans le domaine public de la commune de Fouqueure de 18 voies privées dont les parcelles AM 133 et AM 139 appartenant à M. B.... Par un jugement du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il concernait ses parcelles. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande concernant la parcelle AM 133.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort du jugement attaqué que le tribunal a constaté dans les points 3 à 5 que M. B... n'avait pas reçu de notification individuelle concernant le projet de transfert d'office dans le domaine public communal de la parcelle AM 133 en raison d'une information erronée de la commune s'agissant de l'identité du propriétaire de cette parcelle mais qu'il avait été informé de ce projet à l'occasion de l'adoption des délibérations du conseil municipal dont il est membre et qu'il n'avait été privé d'aucune garantie dès lors qu'il avait participé à l'enquête publique et été mis à même à cette occasion de présenter ses observations. Ce faisant le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments du requérant, a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 141-7 du code de la voirie publique et n'a pas omis de répondre à un moyen quand bien même il ne s'est pas prononcé sur la question de savoir si la commune pouvait ignorer le décès du propriétaire à qui elle avait adressé la notification.

3. En second lieu, il ressort de la demande de première instance que l'absence d'utilité publique au classement dans le domaine public des deux parcelles de M. B... constituait un argument au soutien du moyen tiré de ce que ces parcelles ne présentaient pas les caractéristiques pour être incorporées dans la voierie communale. Dès lors que le tribunal administratif a écarté ce moyen en précisant les éléments sur lequel il se fondait pour considérer que cette voie était ouverte à la circulation publique et que M. B... avait accepté l'usage public de son bien et renoncé à son usage purement privé, l'absence de réponse à cet argument n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué d'une insuffisance de motivation.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 141-7 du code de la voirie routière : " Une notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie est faite aux propriétaires des parcelles comprises en tout ou partie dans l'emprise du projet, sous pli recommandé, avec demande d'avis de réception lorsque leur domicile est connu ou à leurs mandataires, gérants administrateurs ou syndic (...) ".

5. Il est constant que la commune de Fouqueure, se basant sur un relevé de propriété établi par les services du cadastre en novembre 2016, a adressé la notification individuelle du dépôt du dossier à un propriétaire antérieur de la parcelle AM 133 et non à M. B.... Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui venait d'acquérir le 7 avril 2017 la parcelle AM 133, a été informé de l'inclusion de cette parcelle dans le projet de transfert des voies privées au plus tard lors du conseil municipal du 27 juillet 2017 auquel il a participé en sa qualité de conseiller municipal de la commune de Fouqueure à l'occasion de l'adoption de la délibération 2017-6-4 validant l'ouverture de la procédure, qui comportait un dossier dans lequel figuraient la liste des voies, leur intitulé et le nom des propriétaires de la totalité des parcelles concernées. Par ailleurs, il a été informé du dépôt du dossier par le courrier du 31 août 2017 de la commune de Fouqueure, qui lui a été notifié en qualité de propriétaire de la parcelle AM 139. Il ressort également du dossier qu'il a pu prendre connaissance du dossier dans le cadre du déroulement de l'enquête publique, durant laquelle il a émis des observations s'agissant de la parcelle AM 139. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, l'absence de notification à M. B... du dépôt du dossier relatif à la parcelle AM 133 n'a pas entaché d'illégalité l'arrêté en litige dès lors que M. B... a été informé de l'enquête sur le projet de transfert, qu'il n'a pas été privé de la possibilité de faire valoir ses droits à l'occasion de l'enquête publique, et que cette irrégularité n'a pas eu d'influence sur le sens de l'arrêté en litige. Dans ces circonstances, M. B... ne peut utilement se prévaloir d'un éventuel défaut de diligence de la commune pour identifier le propriétaire de la parcelle litigieuse.

6. Aux termes de l'article L. 162-5 du code de la voirie routière : " La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut être transférée dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées dans les conditions fixées à l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme ". Aux termes de l'article L.318-3 du code de l'urbanisme : " La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut, après enquête publique ouverte par l'autorité exécutive de la collectivité territoriale (...) et réalisée conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration, être transférée d'office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. (...) Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, à la demande de la commune. (...) ".

7. Le transfert des voies privées dans le domaine public communal prévu par les dispositions de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme est subordonné à l'ouverture de ces voies à la circulation publique, laquelle traduit la volonté de leurs propriétaires d'accepter l'usage public de leur bien et de renoncer à son usage purement privé. Le propriétaire d'une voie privée ouverte à la circulation est en droit d'en interdire à tout moment l'usage au public. Par suite, l'administration ne peut transférer d'office des voies privées dans le domaine public communal si les propriétaires de ces voies ont décidé de ne plus les ouvrir à la circulation publique et en ont régulièrement informé l'autorité compétente avant que l'arrêté de transfert ne soit pris, quand bien même cette décision serait postérieure à l'engagement de la procédure de transfert.

8. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle AM 133, qui dessert trois propriétés dont une appartenant à M. B..., est une voie goudronnée et entretenue par la commune. Elle porte une plaque de rue, ne se distingue pas du reste de la voirie communale, dans la continuité de laquelle elle se situe, et ne comporte aucun panneau ou dispositif restreignant son accès et doit être regardée comme ouverte à la circulation publique. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., depuis l'acquisition de la parcelle en avril 2017 et avant l'intervention de l'arrêté litigieux, aurait décidé de ne plus l'ouvrir à la circulation ou se serait opposé à son utilisation par des tiers. Ni la circonstance que cette voie ne serait utilisée que par les autres propriétaires de l'impasse ni les attestations produites, qui font uniquement état en termes généraux de ce que cette parcelle n'aurait pas fait l'objet d'une utilisation publique, ne sont de nature à caractériser un tel refus, pas plus que le devis d'installation d'un système d'assainissement, établi postérieurement à l'arrêté attaqué. Ainsi, M. B... doit être regardé comme ayant renoncé à l'usage purement privé de cette parcelle en acceptant son usage public.

9. Dès lors que l'arrêté décidant du transfert d'office dans le domaine public d'une voie privée située dans un ensemble d'habitation résulte uniquement de l'ouverture de cette voie à la circulation publique et du renoncement à son usage privé, le requérant ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il n'existerait aucune utilité publique au classement de cette parcelle dans le domaine public, de ce que la commune serait incohérente dans le choix des parcelles et dans l'objet de la procédure de transfert et de ce qu'il n'existerait pas de perspective de développement des zones limitrophes à ces parcelles dans le plan local d'urbanisme.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2017 du préfet de la Charente décidant du transfert d'office de la parcelle AM 133 dans le domaine public de la commune de Fouqueure.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que demande la commune de Fouqueure au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Fouqueure tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Fouqueure, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 septembre 2022.

La rapporteure,

Christelle D...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02597 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02597
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET SCHMITT ROUX-NOEL ANDURAND GLAUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-09-22;20bx02597 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award