Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ainsi que les arrêtés du 11 août 2021 par lesquels la préfète de la Vienne l'a assigné à résidence et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2102109 du 17 août 2021, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 11 août 2021 par lequel la préfète de la Vienne a prononcé à l'encontre de M. C... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 août 2021, la préfète de la Vienne demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Poitiers
du 17 août 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... tendant à l'annulation de la décision du 11 août 2021 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la décision d'interdiction de retour sur le territoire était motivée en droit et en fait ;
- la décision est justifiée au fond au regard des critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique a été entendu le rapport de Mme D... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., né le 19 septembre 1992, de nationalité marocaine, qui déclare être entré irrégulièrement en France le 10 septembre 2010, a fait l'objet de décisions du 8 mars 2012 du préfet de la Vienne portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et l'assignant à résidence puis d'une décision de rejet de sa demande d'asile de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 20 mars 2012. Par un jugement du 27 juin 2012, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2012. Il a bénéficié de cartes de séjour temporaires portant la mention " parent d'enfant français " du 16 novembre 2012
au 26 avril 2020 et d'une décision de refus de délivrance d'une carte de résident de dix ans
le 26 juillet 2016. Le 23 juin 2020, M. C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 1er juillet 2021, la préfète de la Vienne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par deux arrêtés
du 11 août 2021, la préfète de la Vienne l'a assigné à résidence et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation des arrêtés des 1er juillet 2021 et
11 août 2021. La préfète de la Vienne relève appel du jugement du 17 août 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 11 août 2021 prononçant à l'encontre de M. C... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Pour annuler la décision prononçant à l'encontre de M. C... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux, le tribunal administratif de Poitiers a retenu, d'une part, la méconnaissance des dispositions L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, l'insuffisance de motivation de la décision.
3. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux
articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7,
L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
4. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
5. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
6. La préfète de la Vienne indique dans la décision contestée la date d'entrée sur le territoire français de M. C..., soit le 10 septembre 2010. Par ailleurs, l'autorité préfectorale mentionne la circonstance que l'intéressé est père de deux enfants français. Il ressort également des termes de l'arrêté contesté, qui rappelle le non-respect de la mesure d'éloignement et les infractions pour lesquelles l'intéressé a été condamné, que, pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans à l'encontre de
M. C..., la préfète de la Vienne s'est fondée sur le maintien irrégulier sur le territoire français de M. C... au-delà du délai de départ volontaire accordé par l'arrêté
du 1er juillet 2021 et sur la menace à l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. La situation régulière de l'intéressé de 2012 à 2020 qui a nécessairement été prise en compte par la préfète dès lors que le titre de séjour avait été délivré en qualité de parent d'enfant français, n'a pas été retenue au nombre des motifs de sa décision et la préfète n'était pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément. Ainsi, la préfète de la Vienne a fait état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France, à la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet et à la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a retenu le moyen tiré de l'insuffisance de motivation pour annuler la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a déclaré être entré irrégulièrement en France le 10 septembre 2010 et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 8 mars 2012. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est marié le 14 avril 2012 avec une ressortissante française, union de laquelle sont issus deux enfants nés les 19 juin 2012 et
15 janvier 2014. L'intéressé a bénéficié de cartes de séjour temporaires portant la mention " parent d'enfant français " du 16 novembre 2012 au 26 avril 2020. Il ressort du jugement du tribunal de grande instance de Poitiers du 19 avril 2019 que M. C... est divorcé et que l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents. Toutefois, par la seule production d'une attestation non circonstanciée de la mère des enfants, M. C... n'apporte pas suffisamment d'éléments permettant de tenir pour établie sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants et aucune pièce du dossier ne démontre qu'il aurait continué d'entretenir des liens avec ses enfants depuis la séparation de son couple. En outre, il ne soutient ni ne démontre avoir créé en France des liens personnels d'une particulière intensité. Par ailleurs, M. C... a été condamné par le tribunal correctionnel de Poitiers,
le 14 février 2014, au paiement d'une amende de 200 euros pour conduite d'un véhicule malgré une suspension du permis de conduire, le 29 décembre 2015 à l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière et à une suspension de permis de conduire pendant six mois pour conduite en état d'ivresse, le 2 décembre 2016 au paiement d'une amende de 450 euros et le 25 juillet 2017 à un mois d'emprisonnement, pour outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique. M. C... a été également condamné pour des faits de violences par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité le 17 mai 2019, à trois mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve durant un an et six mois et, le 5 février 2020, à
dix mois d'emprisonnement dont quatre mois de sursis probatoire. En outre, l'intéressé est défavorablement connu des services de police notamment pour des faits de vol et détention non autorisée de stupéfiants et de menaces, outrages et violences sur mineurs de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime du 15 janvier 2014 au 29 avril 2019. Ainsi, compte tenu du caractère grave, répété et récent des faits qui lui sont reprochés, la préfète de la Vienne a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que la présence de M. C... sur le territoire français était constitutive d'une menace à l'ordre public. Enfin, M. C... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire accordé par l'arrêté du 1er juillet 2021. Compte tenu de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français, rappelées ci-dessus, la préfète de la Vienne a pu, sans méconnaître les dispositions citées au point 3, prendre à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
8. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. C... à l'encontre de la décision litigieuse du 11 août 2021.
Sur les autres moyens :
9. Par un arrêté du 26 mars 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète de la Vienne a donné délégation de signature à M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, signataire de la décision contestée, aux fins de signer tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Vienne à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 11 août 2021 doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Ainsi qu'il a été indiqué au point 7, si M. C..., entré en France
le 10 septembre 2010, est père de deux enfants français et a bénéficié en cette qualité de titres de séjour de 2012 à 2020, il est divorcé et bien qu'il exerce l'autorité parentale en commun avec la mère des enfants, les pièces versées au dossier ne permettent pas de tenir pour établie sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. En outre, aucune pièce du dossier ne permet de considérer qu'il aurait continué d'entretenir des liens avec ses enfants depuis la séparation de son couple et son incarcération le 5 février 2021. Par ailleurs, il a été condamné à plusieurs reprises notamment en dernier lieu, pour des faits de violences par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, le 17 mai 2019, à trois mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve durant un an et six mois et, le 5 février 2020, à dix mois d'emprisonnement dont quatre mois de sursis probatoire. Ainsi, au vu de ces éléments, la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
12. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Vienne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision prononçant à l'encontre de M. C... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 août 2021 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Poitiers tendant à l'annulation de la décision du 11 août 2021 prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 30 août 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Laury Michel, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.
La rapporteure,
Nathalie A...La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°21BX03522 2